extrait de BAB EL OUED POUR MEMOIRE de hubert zakine

L’année 58 elle commence avec un cadeau de l’Algérie à la France métropolitaine : le pétrole. Mais, au fait, le temps des lampes à pétrole c’est antiquité, ma grand-mère ! Un autre il aurait dit : c’est dépassé ! Mon frère, y a longtemps qu’il a remplacé la gomina  par le pétrole Hahn. Mais à part ça, on s’en fiche du tiers comme du quart de leur pétrole !

Assis,  Messaoud !  À l’école, l’instituteur, y croit que Messaoud, c’est un prénom musulman mais c’est aussi un prénom juif ! J’en suis une preuve vivante, je suis juif et mon prénom cachir, c’est Messaoud ! Larzeze, Messaoud !

Youssef, lui, il est  musulman pur hallal. Nous autres, on connaît Youssef l’avant-centre de Blida mais qui c’est qui connaît Sakiet Sidi Youssef ! Encore on va dire que c’est là où le bon dieu, il a perdu ses babouches ? La vérité, ça fait pas sérieux ! Et vas-y que je bombarde  en Tunisie d’où les premiers coups de feu, y sont partis ! On dirait le film « Coups de feu dans la sierra » avec Randolph Scott mais, là, c’est pas du cinéma ! Rien je comprends ! Mieux, je m’occupe du vrai Youssef qui vient avec le F.C. Blida défier le Gallia  Sport d’Alger.

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Le  13 mai 1958 c’est la grosse barouffa. Le tcherklala dans les rues d’Alger, j’vous dis pas! L’ardjeb au Plateau des Glières ! La surprise partie au Forum, j’vous dis non plus! Allez va, j’vous dis ! Raconte-nous ce qui est arrivé, comment que ça s’est passé, pendant qu’on attendait ! Gilbert Bécaud il a dû s’inspirer du 13 mai, la vérité ! Mais ne nous dispersons pas !

Si tu viens pas à Lagaillarde, Lagaillarde y vient à toi ! Moderne Bastille ! Aya zoumbo, la foule à l’assaut du forum ! Y manque plus que Louis XVI et Marie-Antoinette pour que la fête elle soit complète. Les paras de Massu et de Bigeard y mènent le bal pendant que les Algérois y prennent le G.G. au milieu des  lacrymogènes. Quand ya de lacrymogène, ya pas de plaisir ! Les slogans y fusent de toutes parts et de partout ! CRS=SS ; Mendés dans les Aurés ; Trabadia la mouquère, trabadia bono ; Pflimlin au kassour ! Massu avec nous! Martoune au pouvoir ! J’en passe et des meilleures !

Purée, ça pique les yeux ! Alger pleure des larmes de joie, de colère ou de crocodile !  Le gaz lacrymogène y fait un malheur. Mieux que  Total et B.P. réunis ! Comité de salut public et musique militaire dans le  ciel d’Alger.

 

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Les écoles, elles sont fermées et les enfants y tapent cao sans vouloir ! Zarmah, y sont embêtés de taper manqua oura ! Manman, ma parole d’honneur, si je mens ! Pour une fois que je dis la vérité, tu n’me crois pas ? 

On monte au Forum par grappes comme on va au stade ! On connaît pas la foule mais la foule elle reconnait les siens. On est de la même famille qu’on soit de Bab El Oued, de la rue Michelet ou de Tataouine ! Tataouine ou tata Ginette, ça a pas d’importance ! Qu’on soit catholiques, juifs, protestants ou athée, on est tous des frères ! Même les Arabes, qui suivent le treize mai du coin de l’œil ! Cinq dans tes yeux pour chasser la schkoumoune.

La politique, elle s’impose à Alger mais les Algérois y z’en veulent pas. Y veulent simplement que la vie elle s’écoule avec le football, le café, les amis et la famille ! La vérité, que la politique elle s’occupe de politique et nous, on continue à vivre comme avant ! Mais attention, hein ! On roule pas sur l’or mais on sait se contenter de peu parce qu’on sait que l’argent y fait pas le bonheur. Les amoureux y vivent d’amour et d’eau fraîche mais à Alger, on ajoute un p’tit chouïa d’anisette !

 

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