lundi 10 mars 2014

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAN D'ALGER" de hubert zakine

EXTRAIT..............
 
Parvenu à destination, David DURAN se plongea dans un bain chaud préparé par la petite mémé. Il ôta ses vêtements européens pour une tenue à l'ancienne qui sentait bon l'Orient, le persil arabe, la jeunesse de sa vie, ses parents, sa terre natale. Il effaçait un maquillage, un déguisement, une deuxième peau qu'il s'obligeait à porter afin de paraître aux yeux des ottomans et des dignitaires européens. Tout, en lui chantait la "kasbah", les trouées de ciel bleu échappées des ruelles étroites, les mélopées judéo-arabes qui parlaient à son âme, le voisinage grandiloquent, les légendes des vieux conteurs musulmans encerclés par la multitude d'enfants aux pieds nus, les odeurs et les saveurs orientales, le mystère de ce peuple pauvre, besogneux, maltraité et pourtant, si bon enfant.

Il enfila un ample saroual bouffant, serré aux chevilles, laissant apparaître des hautes chaussettes noires ou blanches selon la saison, une chemise à col ras du cou, un caftan de tissu précieux, finement brodé de fils d'or, la "relila" jetée sur les épaules et les sempiternelles babouches aux pieds. Il prit place dans son fauteuil puis laissa vagabonder ses pensées vers les évènements de juin qui bouleversèrent la communauté et entraînèrent cette promotion pour le moins inattendue.

Après deux tentatives avortées, son prédécesseur au poste honorifique de Chef de la Nation Juive, Nephtali BUSNACH ( 3-2-1800 / 28-6-1805 ), avait été assassiné au mois de juin à EL DJEZAIR par un "janissaire" dans le bureau du représentant de son ami, le Bey de CONSTANTINE.

Suivirent deux journées d'émeutes spontanées, encouragées, il est vrai, par la mansuétude des autorités locales et par le vieux réflexe de rendre les juifs responsables de toutes les exactions ou calamités subies. En l'occurrence, le prétexte s'enchaîna à une famine qui sévissait, alors, en EL DJEZAÏR dont Nephtali BUSNACH, exportateur de grains pour le compte de la Régence, fut rendu responsable et le détonateur ressembla fort à une collusion entre les janissaires, la multitude et le dey.

Les musulmans brûlèrent les magasins et les échoppes tenus par des juifs, ignorant, sans doute, que les propriétaires étaient, pour la plupart, fils d'ALLAH. La synagogue SARFATI fut saccagée et, plus grave, quatorze fidèles y furent assassinés. La "Thora" fut lacérée et la meute de pillards tua tous les juifs qu'elle croisa dans les rues d'une capitale en folie.

Le Grand RABBIN, dépassé par les évènements, obtint, malgré tout, du Consul de France DUBOIS-THAINVILLE qu'il hébergeât les cibles de cette sauvagerie. Grâce à sa vigoureuse intervention, plus de deux cents vies furent ainsi préservées.

De leur coté, les notables de la communauté se mobilisèrent pour soustraire un grand nombre de victimes potentielles, en versant une taxe à la milice qui installa, alors, un semblant de protection réussissant, néanmoins, à dissuader les "chasseurs de juifs".

Attaqué de toutes parts, le Dey MUSTAPHA PACHA, qui avait échappé à un attentat le 17 mars 1805, brava le corps des Janissaires en nommant, le 30 juin 1805, Chef de la Nation Juive, Joseph COHEN-BACRI, associé, oncle et beau-père de Nephtali BUSNACH.

Loin de calmer les esprits, cette distinction inattendue qui ressemblait fort à une provocation, fut reçue comme telle par les Janissaires qui reprochaient au clan BUSNACH-BACRI de profits illégaux sur le dos de la population ottomane . La révolte qui grondait dans les rangs de l'"Odjac" s'embrasa et le 31 AOUT 1805, MUSTAPHA PACHA fut étranglé et projeté hors les murs de la porte BAB AZOUN par l'homme qui allait lui succéder à la Régence d'EL DJEZAIR, AHMED BEN ALI (1805-1809).
 
Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau Dey plongea son nez dans les dossiers importants de la Régence. Il conforta son autorité en imposant ses hommes à la tête de l'armée et de la milice, chassa quelques dignitaires parasites proches de son prédécesseur et examina la liste des possibles prétendants au titre de Chef de la Nation Juive.
Une dette restée impayée par la République française auprès du consortium BACRI-BUSNACH et concédée par les deux israélites à MUSTAPHA PACHA en règlement de créances dues à la Régence joua un rôle très important dans la nomination de David DURAN
Le Pacha d'EL DJEZAIR convoqua le nouveau "moqqadem " et Joseph COHEN-BACRI pour leur signifier sa ferme intention de récupérer cette somme d'argent, emprunt dont "le vieux" prétendait qu'il représentait un prêt personnel, hors du cadre des affaires traitées avec la Régence turque.
Devant l'opiniâtre refus du maître de la maison BACRI de concéder le moindre remboursement de cette créance, AHMED BEN ALI fut à deux doigts de commettre l'irréparable en prononçant une sentence de mort à l'adresse de celui que la communauté appelait, avec une crainte teintée d'affection, "le vieux"
Heureusement, David DURAN, toutes passions éteintes, intercéda en faveur de son coreligionnaire afin de surseoir à la sanction suprême.
--"Trop de sang juif a coulé ces derniers jours, Monseigneur ! Donnez--moi le temps de le convaincre. Je lui ferai entendre la voix de la raison et, s'il le faut, la parole de l'Eternel !"
--" Pourquoi te préoccuper de la maison BACRI ? Vous êtes les pires ennemis.....
-- "Non ! Monseigneur ! Il s'agit, entre nous d'une guerre commerciale pas de bataille rangée. Même dans les moments les plus difficiles, nous n'avons jamais oublié que nous sommes, tous, enfants de MOÏSE. Alors, Monseigneur, si vous désirez avoir à vos cotés un véritable Chef de la Nation Israélite, donnez -m'en le pouvoir !"
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire