vendredi 15 mars 2013

SQUARE GUILLEMIN de Hubert Zakine



Ma mère, toujours elle nous fait la guerre pour qu’on lui débarrasse le plancher de bonne heure pour qu’elle puisse faire le ménage. Parce que, jamais, elle pourrait aller faire les commissions en laissant du désordre dans la maison. La honte, elle lui mangerait trop la figure. Mais, là, je me lève tôt, elle trouve quand même à redire ! Yaré, ma mère !
Je me lave sans trop me mouiller la figure, juste les yeux et les oreilles ! Je me coiffe en sortant la langue. Je m’applique pour me taper une raie bien droite sur le côté gauche et si je me mets pas du Vitapointe, c’est que Paulo, y préfère le cacher pour pas que je lui vide le tube. Les dents, je souris comme un babao devant ma glace pour voir si elles sont blanches mais quand même, je passe du bicarbonate pour les rendre plus propres, des fois que Nicole, elle me tape l’expédition des cordes vocales. Je brille comme un sou neuf quand je sors de la salle de bains, même que ma mère,  elle peut pas s’empêcher de se complimenter d’avoir fait de si beaux garçons. Surtout moi ! Nicole, elle va tomber à la renverse quand je vais apparaître dans mon alligator noir. A savoir si elle va pas se trouver mal. Je vais mettre les BNCI blanches même qu’à Bab El Oued, c’est la grande mode. Zarmah, je suis un grand volleyeur. Sara, sara, je me regarde dans la glace de la salle à manger pour constater que ma mère elle a raison:  je suis vraiment le plus beau du monde et des alentours. Ma mère, avec son sixième sens commun à toutes les mamans d’Algérie (Les autres, de Patosie ou du Nicaragua, la vérité, je connais pas !) elle semble se douter que, si son fils y se déguise comme ça, c’est pas pour Bouzouz, Bozambo ou Mani. Seulement, l’anguille sous roche, elle cherche, elle trouve pas. La pauvre, elle sait pas que son fils, c’est devenu l’amoureux transi du quartier.
--Quoi, vous savez pas c’qui est arrivé au petit du 4 rue Koechlin ?
--Quel petit ?
--Le grand ! Celui qui est si beau, si musclé et si intelligent !
(Tant qu’y a d’la gêne, y a pas d’plaisir !)
--Et bien ?
--Il est amoureux transi !
--De qui ?
--De la petite italienne du jardin Guillemin.
--Il a bon goût ce salopris ! Quel beau couple ! Et elle aussi, elle est transie ?
--Tu parles ! Il est tellement joli garçon !
 (Je rajoute une couche des fois que la lectrice elle comprend pas ou qu’elle est truch).
Au moment de partir,  je jette un dernier regard à la glace de la salle de bain, je remets de l’eau de Cologne à ma mère. Je dois puer ! Je descends tout doucement de peur de me décoiffer alors qu’habituellement, je dévale les escaliers quatre à quatre. Et dire que les fils à pèpe, y se comportent tout le temps comme ça ! Moi, j’en suis qu’au deuxième étage et déjà, j’ai des crampes de faire attention à tout. Ma concierge, elle me lance un drôle de regard. On dirait qu’elle a vu un martien. A mon avis, elle va monter voir ma mère pour lui demander qui c’est ce petit qui ressemble à son fils mais qui a un comportement inquiétant.
--C’est votre fils !
-Oui madame Sitbon ! Mais le pauvre, il est amoureux transi !
--Ah bon, maintenant, je comprends. Y commence jeune, hein ?
--Je sais pas de qui y tire celui là !
Les amis, si y me voient, y font que rigoler. Bien faire et laisser dire, je deviens philosophe. Les philosophes, y sont tellement intelligents qu’ils sont tous siphonnés de la carafe. Y voient des choses que les gens même pas y pensent mais qu’au fond, mais alors vraiment au tréfonds d’eux mêmes, en creusant bien, y voudraient dire. Allez va à fangoule, va !

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