Après le
bain, on s’est tous retrouvés sur la terrasse pour l’apéritif des kilos et des
morfals.
Colette elle
est un peu triste. On dirait qu’elle pense comme moi à ce mois d’Août qui
s’effiloche comme un vieux blue jean’s délavé, à la difficulté de se voir, à la
séparation inéluctable due à nos scolarités réciproques, à nos vies d’avant
avec les amis, les copains, les camarades d’écoles qui z’en ont rien à faire de
notre histoire, à ma petite chinoise qu’elle va me manquer comme je pense lui
manquer. A nos jeudis solitaires et à nos dimanches familiaux qui vont nous
séparer, à l’omniprésence de l’absence tout simplement.
Bien sur, à
l’heure des pulls bien chauds, des imperméables, de l’école et des jours gris,
malgré l’éloignement et les obligations familiales, on fera tout pour se voir.
Déjà que ma
mère elle rend responsables mes amis de mes mauvaises notes, si en plus je
pense sans arrêt à Colette, même mon certificat d’études je vais devoir le
rendre tellement mon niveau y va baisser. Ma fainéantise elle va avoir un mal
fou à disparaître. A mon avis, au contraire, elle va s’installer à demeure.
Enfin, demain le Bon Dieu, il est grand.
Il est grand
mais des fois il oublie certains de ses enfants. En effet, ce matin, je me suis
levé de la cuisse gauche. Tout morose, tout karse,
tout chagriné. Pourtant le ciel il est magnifique, l’Elesca il est délicieux,
la mer, elle oscille entre Charles Trénet et Tino Rossi pour nous fredonner une
chanson douce. Tous les ingrédients du bonheur y sont au rendez vous. Mon père,
ma mère, Colette, mes frères, mes cousins, mes copains, même Luc le coulo y m’entourent de leur affection. Aouah, je sais pas mais ce jour je
l’aime pas. On est dimanche et je suis comme Charles Aznavour : je hais
les dimanches.
Colette elle
a beau être belle (tiens, elle est pas mal cette phrase !), mon père y
prépare son broumitche, papa Vals y
s’amuse avec le petit chat de Marraine, mon frère y se bidonne avec mon cousin,
aouah, j’ai beau chercher, tout va
très bien madame la marquise.
Allez va,
mieux je vais me baigner. La méditerranée, elle est plate comme la poitrine de
Courgette. Je m’assois sur le sable. Au moins, je risque pas de me noyer. Un
paralysé y bouge plus que moi. Colette
elle me rejoint. Elle est toute attentionnée depuis que son sixième sens y
s’est rendu compte que j’étais m’chenaf. La
matinée, elle se passe sans que je lève le petit doigt.
Je mange un
chouïa de peur de faire une indigestion.
Je tape pas
la sieste de peur de plus me réveiller. Un vrai malade ! Ma mère, pour me
distraire, elle me demande d’aller chez Argento acheter du chocolat. J’adore le
chocolat. La gobia, elle me monte au
nez. Et ça qui devait arriver arriva ! En descendant les escaliers, je me
prends pour un cascadeur qui remplace Errol Flynn dans ses films de cape et
d’épée. Une envolée digne de Vignal. La tête pleine de sang, je ressemble à un
indien qui attaque « Fort Apache ». Ma mère, dés qu’elle me voit,
elle engueule mon père pire que si c’était lui qui m’avait poussé. Colette,
j’avais jamais remarqué qu’elle était verte comme une pastille Valda. Ma mère, raïben,
elle gesticule comme si elle avait la danse de saint gui.
Papa
Bensimon et mon père y décident de m’accompagner chez le seul docteur de la
Pointe Pescade. Pourvu qu’il est diplômé ! Avec la chance que j’ai, ça
m’étonnerait.
Ce docteur y
doit faire partie de la famille de Luc. Lui aussi c’est un coulo. Toutes les agrafes qui lui restent, y me les plante dans la
tête. Ma mère et Colette elles vont se disputer le titre de reine du mauvais
sang. Mon père, il en a vu d’autres. Alors y discute avec le docteur comme si
c’était un copain du régiment. Comme si j’ai un rhume!
Le
soi-disant diplômé, à mon avis, jamais, au grand jamais, il a fait un pansement
de sa vie. Quand je sors de son cabinet où, entre parenthèses ça sent pas la
rose (c’est normal, c’est un cabinet), je suis un mélange de Toutankhamon et de
la momie qu’elle fait peur à Bud Abbot et
Lou Costello dans « Deux Nigauds et la momie ».
Tout ça pour
une tablette de chocolat, la purée, dé !
Quand je
rentre au cabanon, la tête enrubannée, presqu’on me porte en triomphe.
Colette,
elle est plus amoureuse que jamais. Si j’avais su, tous les jours, j’me nique
la tête. Tout le monde y me plaint. Rien qu’on parle de moi. Je deviens la
vedette du littoral algérois.
Ma mère,
maintenant elle est certaine que son fils c’est un médium à cause de mon humeur
morose du matin.
--« Y
savait qu’il avait le karse sur
lui ! » Total, j’ai voulu
faire le beau en descendant les escaliers et j’étais pressé de me morfaler le
chocolat !
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