La mer
normalement on n’y a pas droit parce que y’ a incompatibilité d’humeur entre la
natation et le football, que les muscles du nageur y s’entendent pas avec ceux
du footballeur. Et comme le football, pour nous c’est une seconde nature,
devinez la suite. Seulement voilà. Comment dire à un enfant d’Algérie qui
habite au bord de la Méditerranée en lui faisant les gros yeux :
--« Tu
vois cette étendue bleue qu’elle est douce et câline comme une maman de chez
nous, tu touches pas si tu joues au football! Tu montes, tu descends, tu
touches pas ! » ou bien :
--« Tu
aimes taper la pancha dans la mer,
c’est bien mon fils, tapes ! Mais si jamais je te vois un ballon dans les
pieds, une jambe je te coupe ! ».
La
vérité ! Tu peux pas décemment parler de la sorte à ton fils. C’est pêché
pour des parents de chez nous.
Le football,
on peut pas s’en passer. La natation aussi. Alors comme on dit chez nous et
c’est sans doute les enfants d’Algérie qu’on a inventé cette expression :
« A la
grâce de Dieu ! ». Chez nous,
le Bon Dieu, la vérité on le met à toutes les sauces. Sara, sara, on l’évoque. Pour un oui, pour un non, « Que le
bon Dieu y nous en préserve ! », « Que Dieu
bénisse ! », « Mon Dieu, comme il est beau ! » et des
tas d’autres prières mais « à la grâce de Dieu » y remporte la palme
de tous ceux qui sont sûr de rien du tout.
Tous ceux
que la danse elle commence à leur courir sur le haricot (çuila qui peut me
donner la version littéraire de cette expression inventée par un amateur de paste fazoule, je le décore de la légion
d’honneur !), y se donnent rendez vous pour le deuxième match du siècle
qui oppose les vieux contre les jeunes.
L’équipe des torses nus contre l’équipe des gros ventres.
Les femmes,
sans pitié pour leurs maris, elles encouragent leurs « petits bébés
adorés ». Encore un peu, elles leur feraient pas à manger si « les bébésso à leurs mères » y gagnent
pas. Championnes des mauvaises langues, de la mauvaise foi et de la
méconnaissance du football, rien qu’elles critiquent l’arbitre qu’elles
mettraient bien en bouillie si elles en avaient le pouvoir. Surtout au début de
la partie quand les « gros ventres » y nous amusent avec leur
technique brésilienne. A toi, à moi, rien qu’y nous mettent dans le vent. Un
coup de t’meniek par çi, un coup de zouzguèfe par là, le ballon, même pas on
le voit en photo.
Seulement,
l’équipe de nos pères, c’est là qu’on s’aperçoit que la bedaine elle leur pèse
sur l’estomac. Que grâce à dieu et sans doute au diable mais surtout à leurs
épouses qu’elles sont les reines de la cuisine, y mangent comme des morfals.
Que la loubia, le couscous, les
pâtes, les pitses, la calentita et tout et tout, ça fait pas
des stokafitches. Que les femmes,
elles les ont trop choyés, avec leur manie de toujours répondre « y vaut
mieux faire envie que pitié » quand un « jaloux » y trouve que
les maris y grossissent à vue d’œil.
« Cinq
dans tes yeux, spèce de ficelle que
tch’es ! »
--« Hors
jeu ! Un point c’est tout ! » y répète Monsieur Bensimon avec
son regard de tueur. Quel voleur ! Dans son magasin de tissus, y doit
voler un maximum sa clientèle. Pour lui, un mètre ça mesure quatre vingt
centimètres ! Et si sa cliente elle rouspète, il lui fait ses gros yeux balala et la femme elle se sauve en
courant.
Purée, si
nos adversaires c’était des étrangers, y a bagarre générale. Seulement voilà,
c’est nos pères, nos géniteurs, les maris de nos mères, les frères de nos
tantes et de nos oncles, ceux qui nous donnent notre argent de poche, ceux qui
nous font les gros yeux quand on fait une boulette (une parenthèse, en parlant
de boulette, ma mère c’est la championne du monde et des alentours des
boulettes ! voilà, c’est dit !) ceux qui nous paient la place au
Majestic quand Charles Aznavour y vient chanter à Alger….. alors, va pour le hors
jeu. On va pas jouer les mesquins quand même !
A la fin du
match qu’on a gagné par abandon des gros ventres devant notre virtuosité et
surtout à cause des femmes qu’elles ont eu peur de la syncope de leurs maris,
on a tapé comme d’habitude le bain comme des sales qui veulent se laver sans
savon.
Après, quand
tout le monde on est beaux comme si on allait à un mariage, on s’est dégusté la
tonne de petits rougets frits à la poêle (pourquoi toujours on dit frits à la
poêle ? Comme si qu’on pouvait les cuire dans une lessiveuse ! )
Comme des abeilles, et vas y que j’te manges les rougets avec les mains, en se
suçant les doigts comme des gros dégoûtants. Parce que le poisson chez nous, si
tu manges avec la fourchette et le couteau soit tch’es une tapette comme Luc le
coulo soit tch’es un mérate.
Colette,
comme une femme elle me décortique le rouget et elle me le met dans la bouche
comme si je suis unijambiste des bras. Même pas je me salis les doigts !
J’en peux plus. Si j’étais pas bien élevé, je roterais comme les arabes quand y
z’ont fait un bon repas. Et ma mère, en bonne orientale qu’elle est, elle
dirait :
--« Bessarah, mon fils ! »
En langage patos ça veut dire « Que ça te
profite ! » et en langage pied noir « Que ça te profite mon
fils, les yeux de mes yeux, la beauté à sa mère, que tu deviennes le plus grand
docteur du monde ! ».
Seulement.
ch’uis pas arabe et si je rote devant tout le monde, mon père y m’en donne une
que tous les murs du cabanon y m’en donne plein d’autres.
Je les
entends d’ici, les bien élevés : pourri, dégueulasse, tiassardo, demande pardon, j’en passe et des meilleurs. Alors,
mieux ch’uis pas arabe. N’empêche, des fois, ça doit être bon d’être arabe.
Surtout après un bon repas.
A SUIVRE.....................

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