Au milieu d'un
brouhaha indescriptible provoqué par les jeunes officiers qui refusaient la
capitulation et demandaient la défense de la ville, HUSSEIN ordonna à sa garde
personnelle de faire évacuer les alentours de la "cassaubah"
envahie par une foule inquiète.
Le Dey imposa
d'une voix forte et péremptoire le renoncement au suicide collectif. Entouré de
ses ministres, de BRACEWITZ, Jacob BACRI et Léon Juda, le visage défait, il
posa son chasse-mouches sur son trône puis prit connaissance des conventions
accordées par les autorités françaises à ses biens et à sa personne.
Du haut de sa terrasse mauresque, il assista,
ensuite, impuissant, à la curée. Son
peuple fuyait EL DJEZAIR que la FRANCE baptisait déjà du nom d'ALGER. Le port
était la proie d'une folie collective qui voyait les embarcations filer sur
CAP-MATIFOU, presqu'île ignorée par les hommes de DE BOURMONT. La porte BAB
AZOUN devenait le théâtre d'une ruée vers l'Est, de nombreuses familles qui
désertaient la ville pour CONSTANTINE et
sa région.
En quittant la "cassaubah"
par l'étroite rampe qui montait à la citadelle, Léon Juda et Jacob se
félicitèrent des libertés de culte et de commerce énoncées dans l'ordonnance de
capitulation entérinée par HUSSEIN PACHA. La ville semblait en proie à une
réelle panique. Les "janissaires",
les maures, les arabes, les juifs, hommes, femmes, enfants s'engageaient vers
le palais du Régent malgré les conseils de ceux qui savaient. N'écoutant que
les propos alarmistes, la foule pleurait, vociférait, hurlait, priait mais ne
répondait pas aux appels au calme.
La synagogue
SARFATI communiait dans un silence étonnant pour un peuple amoureux de la vie,
donc du bruit. Une fois de plus, elle s'offrait au sacrifice si telle était la
volonté de l'Eternel. Ses fidèles attendaient le message divin avec une discipline
que, seule, la foi peut instituer.
Le message vint
des deux ennemis d'hier, à présent réunis dans un même combat.
--" Mes amis! le jour de gloire est arrivé! la
FRANCE a vaincu l'armée ottomane et le DEY
renonce à la bataille........"
A cette nouvelle, le Temple explosa d'une joie trop
longtemps retenue. Jacob BACRI réussit à grande peine à poursuivre.
--" Une ère nouvelle commence! Demain, à 9 heures, les troupes françaises
entreront dans EL DJEZAIR qu'il faudra appeler dorénavant à la française,
ALGER.. DURAN et moi, nous irons demain au devant du commandant en chef. Fêtez
les nouveaux maîtres du pays avec vos femmes et vos enfants! montrez leur votre
joie de devenir les sujets du Roi de FRANCE. Que vos femmes se parent de leurs
robes de cérémonie, les bras chargés de cadeaux pour nos sauveurs. Respectez
ces consignes et la FRANCE saura vous récompenser."
La nuit marine enveloppait la ville blanche d'un nuage de silence. Silence pesant, feutré, étouffé. Armée d'ombres désarmées qui frôlaient les murs et pressaient le pas. Slalomant entre les tâches de lumière déposées par un disque lunaire, filtrées par l'étroitesse des ruelles.
De sa terrasse
bercée par le bruissement de la campagne
environnante, Léon Juda, cerné par les serpentins de papier tue-mouches
qui descendaient en cascade de la tonnelle, s'impatientait de la langueur de
cette nuit qui ralentissait son sommeil, comme si elle désirait savourer le
calme après la tempête, la joie après le pathétique, ALGER après EL DJEZAIR.
Dernière nuit aux
mille parfums ottomans qui s'évaporaient déjà, chassés par le souffle violent
d'une histoire en marche.
Dans ces moments
d'indicible bonheur, Léon Juda aimait à se souvenir. Chaque instant lui
apportait son lot de moments privilégiés à partager avec la douloureuse
absence. La mémoire est ainsi faite qu'elle emporte des impressions fugaces
dans l'océan de l'oubli. Mais, une volonté farouche habitait l'aîné des DURAN
pour conserver, intactes, les images d'autrefois. Son père et sa mère, la douce
Aïcha BIBAS, assis tous les deux sur la terrasse auprès de lui. Il leur parlait
d'hier et d'aujourd'hui, d'avant-hier et de demain. De la main de l'Eternel qui
caressait son peuple du Maghreb par la FRANCE interposée. Enfin, la lumière!
Enfin, la vie!
La méditerranée
quitta sa robe argentée pour son habit de pourpre et de miel. Le jour s'était
levé sur l'imagination de Léon Juda. Disparaissait avec les prémices de cette
chaude journée d'été qui allait changer l'existence de ce pays, les visages, un
instant ressuscités, de ses chers disparus. Le mirage de la nuit s'était
évanoui pour laisser place au miroir de la vie, l'entrée des troupes françaises
dans ALGER, ex- EL DJEZAIR.
YYY
Les autorités françaises
prirent acte de la proposition des notables israélites de leur servir de
révélateur du pays. Un pays dont elles ne maîtrisaient rien, sinon les points
stratégiques et militaires.
De son côté, Jacob BACRI, demeuré à ALGER contrairement
à son frère, le "vieux" Joseph, replié à LIVOURNE, proposa au Commandant en chef des forces
françaises, le Général De BOURMONT, de l'accueillir dans sa somptueuse maison
de la Bouzaréah. Le nouveau maître d'ALGER accepta l'invitation de cet homme
connu du Tout-PARIS, ami de TALLEYRAND, qui déjeunait avec BONAPARTE et
entretenait la danseuse étoile de l'opéra. Relations qui lui permettront de connaître
la nouvelle de la chute de la monarchie le 10 août 1830, avant de l'apprendre à
son illustre hôte.
Les efforts conjugués des
deux ennemis d'hier encouragèrent les français à développer une étroite
collaboration avec les fils de MOÏSE, nommés à des postes subalternes mais
essentiels dans la compréhension du pays. On les vit, ainsi, interprètes, secrétaires, conseillers,
topographes militaires et surtout ambassadeurs de la FRANCE auprès des arabes.
A SUIVRE....................
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