samedi 8 décembre 2012

HORIZONS BLEUS de Hubert Zakine


La soirée elle se déroule comme prévu. Y a les morfals qui mangent en dansant, d’autres qui dansent en mangeant, des autres (c’est pas les mêmes) qui  s’occupent de pas mettre le feu aux Horizons bleus, des autres (que personne y connaît) qui se tapent anisette sur anisette et que le retour à leur cabanon y va se faire en zig-zag, des gens bien élevés qui sont déjà descendus à la plage pour rendre tout c’qui se sont morfalé, et nous autres, les fils de ma mère qu’on est préposés à la boisson.

Bernard, il est préposé à Francette. Ces deux-là y se quittent plus. Y se prennent pour Colette et moi. Zarmah, y sont amoureux ! Qué amoureux ! Quand tu connais Bernard, tu vois dans ses yeux globuleux la lubricité en lettres majuscules. Et comme Francette, elle a pas froid aux yeux, la partie elle est gagnée d’avance.

--«  Moi aussi elle m’a demandé si je voulais… » Même pas y me laisse finir ma phrase.

--«  La niquer ? » Bernard, il est momifié.

--«  Ouais, ouais ! Ma parole d’honneur ! »

Les yeux de Bernard y sortent de leurs orbites. Un chien devant le plus bel os du monde, un os de mammouth. Bernard y veut pas y croire. C’est trop beau pour être vrai. Jamais au grand jamais (purée, cette hérédité dans le langage !) il aurait imaginé, même dans ses rêves les plus obscènes qu’il allait revenir du cabanon sans son pucelage. Alors ? C’est sûr, ça risque de lui taper sur le système.

Tout ça, je suppute (quel vocabulaire de cucu la praline !) mais Francette, la première intéressée, elle reste bouche cousue sur l’éventualité du dépucelage de Bernard.

Bou ! Peut être j’ai trop parlé ! Si jamais, sa proposition elle s’adressait à moi et à moi seul, y  va m’en vouloir à mort jusqu’à la fin de mes jours. Pourquoi mes jours, cinq dans ses yeux ! Ses jours à lui, je l’aime bien Bernard mais oh, y faut pas exagérer. J’y suis pour rien moi. Il a qu’à se la violer, la Francette en question ! Mais si y boude, j’aurais plus qu’à dire adieu à mon ami de toujours. Comme dans « amis pour la vie », un film italien destinée aux pleureuses de Bab El Oued.

Moi de toutes façons, je sais que je vais faire tintin. Avec des moments de chaude alerte mais, ch’uis prévenu, tintin jusqu’au mariage. Tant pis je vais signer dans un club ou m’engager dans la légion. Ou alors, je vais taper des études comme tous les babaos qui font intellectuels avec leurs cartables en cuir. c’est bizarre, hein,  tous les étudiants qui travaillent bien, y sont laouères? Tous y se donnent un genre ou y sont vraiment larmah ? Moi j’ai pas besoin de lunettes. Comment je fais ? Allez pour ma petite chinoise, va pour les lunettes ! Tain de tête de tchic-tchic que je vais me payer. Tous les amis y vont se rouler par terre de rigolade. Le nouveau Darry Cowl, il habite Bab El Oued.

J’espère que ma petite chinoise elle jouera quand même de temps en temps du piano à quatre mains comme l’autre nuit sur la plage avec moi. L’espoir y fait vivre il a dit quelqu’un qui connaissait pas Colette, ses baisers qui étoufferaient un boeuf et ses tétés durs comme de la pierre. Aujourd’hui, c’est jour de ménage. L’aspirateur à baisers, il est de sortie mais  ma mère elle est juste à côté. Je suis vert de honte. Heureusement, ma mère elle est tellement absorbée à griller les merguez que son fils y pourrait danser le french-cancan qu’elle continuerait à les tourner sur le feu.

Ce soir là, on a mangé comme des goinfres, on a bu (du Sélecto) comme des trous et on a bécoté comme des salopris que si nos mères elles avaient vu, illico presto, on allait en pension.
 
A SUIVRE...................

 

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