jeudi 18 octobre 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAND D'ALGER" de hubert zakine




Le commerce maritime reprit son activité coutumière. Il s'amplifia avec les besoins de la FRANCE et les nombreuses navettes en provenance de MINORQUE, d'ITALIE et d'ESPAGNE. Les navires des notables juifs sillonnèrent à nouveau une Méditerranée débarrassée de ses pirates de la " course" partis commettre leurs méfaits sous d'autres latitudes.
Le 8 août, sitôt débarqué de "La Ziza ", frégate qui lui appartenait, Jacob BACRI annonça au Général DE BOURMONT les "Trois Glorieuses", le renversement de CHARLES X et la prise du pouvoir et du trône par Louis PHILIPPE d'ORLEANS. Visiblement contrarié par cette fâcheuse nouvelle qui demandait confirmation, il remercia la Maison BACRI et, à travers elle, toute la communauté israélite, avec la promesse solennelle de les tenir informés de l'évolution d'une situation qu'il ne maîtrisait plus. 

Une semaine plus tard, le 17 août, la cocarde tricolore prit lieu et place de la cocarde blanche. Jacob BACRI et Léon Juda furent, alors, convoqués par le Commandant en Chef, élevé à la dignité de Maréchal de France par la volonté du roi déchu. Le Général d'Empire, Bertrand CLAUZEL était nommé à la tête des armées de France. Le 3 septembre, le Maréchal DE BOURMONT embarqua sur le brick autrichien "AMATISSIMO ", disant adieu à ce pays qu'il avait en partie conquis.
 Profitant de son voisinage et des bonnes relations qu'il entretenait avec le lieutenant MAC MAHON, Léon Juda rendit visite à celui qui deviendra, quelques années plus tard, le premier personnage de l'Etat. Devant un verre d'absinthe, le soldat confirma la volonté du Général CLAUZEL d'étendre la domination de la FRANCE sur le territoire, jadis, occupé par la Régence.
Les affaires pouvaient reprendre. Les affaires et les élections car, si les autorités françaises se réjouissaient de l'adhésion des israélites à leur drapeau, elles désiraient en canaliser l'énergie et l'avidité de ses dirigeants.
Aussi décidèrent-elles de nommer, chaque année, un chef de la nation juive d'après une liste de trois notables élus par l'ensemble des représentants civils et religieux de la communauté. Un "moqqadem " à l'influence modérée, circonscrite à la police, la justice et l'imposition.
C'est le Général CLAUZEL, lui-même, qui départagea  Haïm SASPORTES, Léon Juda et Jacob BACRI en favorisant ce dernier. Douce revanche pour cet homme qui eut à subir, sous le régime ottoman, la concurrence des DURAN et qui se voyait propulsé, par l'un des grands pays de ce monde, Chef de la Nation Juive.
Même si la rivalité entre les "porteurs de turbans" et les "porteurs de bérets" s'estompait, même si les prérogatives accordées par le pouvoir se trouvaient amputées, le prestige indéniable d'une telle distinction rejaillissait sur toute la maison BACRI . 
 
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Successeur de DE BOURMONT le 12 août 1830, le Maréchal CLAUZEL fut prié de regagner PARIS le 31 janvier 1831.
Rusé et louvoyant, il désirait nommer des "Beys" tunisiens, vassaux de la FRANCE, pour les villes d'ORAN et CONSTANTINE afin d'établir sa domination sur les trois capitales du pays
Par ailleurs, il menaçait de déclencher une guerre contre le Sultan du MAROC dont les troupes occupaient le Royaume de TLEMCEN
Cette méconnaissance du pays, de ses habitants et de la mentalité orientale eurent raison de ce soldat entreprenant, à l'indiscutable envergure de commandant en chef des armées. PARIS jugea plus prudent de le rappeler.
Cette valse-hésitation du pouvoir en AFRIQUE DU NORD inquiétait fortement la communauté israélite, offrant aux sceptiques de solides arguments pour contrecarrer la politique d'émancipation acceptée du bout des lèvres, quelques mois auparavant
Au sein des synagogues, le débat entre les tenants de la modernité et les apôtres du conservatisme prenait le pas sur la prière. Le projet du judaïsme français, de mettre sous tutelle le judaïsme d'AFRIQUE DU NORD, monopolisait toutes les énergies et le Consistoire Central se heurtait  à l'école du judaïsme médiéval farouchement déterminée à résister à l'occidentalisation des esprits, fut-elle spirituelle. Les "séfarad" estimaient que l'héritage d'aussi éminents savants que MAÏMONIDE, GERUNDI "NAHMANIDE", RIBACH, RASHBAZ, ENKAOUA, BEN NISSIM, CHOURAQUI, AYACHE, BEN ATTAR et beaucoup d'autres valait bien l'enseignement dispensé à PARIS, STRASBOURG ou CARPENTRAS.Crise d'incompréhension entre deux cultures hébraïques chargées d'histoire, deux mondes parallèles dont les routes, pourtant communes, ne semblaient jamais devoir se rejoindre.  
A plus forte raison lorsque les pouvoirs tergiversent!

Hélas, le conflit communautaire ne se limitait pas à une divergence de vues entre ALGER et PARIS.
Le Chef de la Nation Juive, Jacob COHEN-BACRI profita de son rang pour entacher la dignité de sa fonction. Poursuivi par ses nombreux créanciers sur le plan commercial, il remboursa ses dettes en puisant dans les sommes récoltées par la communauté pour le soulagement de la misère publique. En conflit permanent avec les gardiens du temple, tant sur le plan religieux  avec les Rabbins que sur le plan de la conscience avec les "sages", il n'hésita point à faire emprisonner les notables qui dénigraient sa gestion des deniers publics. Encouragés par leurs coreligionnaires, six notables israélites, Jacob COHEN-SOLAL, Elie SAFRANI, Haïm SASPORTES, Jacob AMAR, Mardochée NARBONI et Léon Juda BEN DURAN demandèrent la révocation de Jacob COHEN-BACRI à l'Intendant Général, le Baron BONDURAND, nommé par le nouveau commandant en chef de la " division d'occupation", le Général BERTHEZENE.

"A l'arrivée de l'armée française à ALGER, BACRY fut nommé Chef de la Nation Israélite; mais, lorsque le Baron VOLANT fut envoyé dans le pays comme intendant général, ce haut fonctionnaire fit faire défense à BACRY de s'immiscer dans les affaires de la nation israélite.................Pour un reste d'égard et pour lui donner la faculté de sortir de l'administration avec plus de dignité, Mrs CADET DEVAUX et DURAND sollicitèrent et obtinrent un sursis à l'arrêté....afin qu'il eut le temps de donner sa démission. Mais le départ de Mr CLAUZEL et par suite de Mr VOLANT, il a cru devoir ne point user de la voie qui lui était ouverte de donner sa démission.
Maintenant, Mr l'intendant général, nous allons sommairement indiquer les griefs qui nous font vivement solliciter cette destitution.........
Que les revenus de la nation israélite destinée au soulagement de la misère publique, au lieu d'être distribués aux ayant droit avec l'examen qui doit présider à la remise de fonds aussi sacrés que celui de l'aumône, l'est aux gens à gager du Sieur BACRY ..........……
Qu'il a retenu par devers lui une somme d'argent appartenant à la nation.........
…..Que Mr BACRY doit à un très grand nombre de personnes, que par suite de non-paiement, il est poursuivi judiciairement par divers particuliers et, qu'ainsi poursuivi dans sa propre existence, il ne peut administrer les affaires publiques............
Que plusieurs israélites lui ayant fait des observations sur sa manière d'être........il se joua de notre liberté en faisant emprisonner arbitrairement et au mépris de tous les principes, les notables qui lui ont fait des représentations.....
Nous nous résumons, Mr l'intendant général en sollicitant de votre justice trois ou quatre personnes qui administreraient les affaires de notre nation........."
A SUIVRE.....................

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