Carmen préparait ses affaires
pour rejoindre sa cousine aux abords de la croisette, là où les cannois préféraient se dorer au soleil loin de la
cohue des plages abandonnées aux
apprenties Brigitte Bardot livrées à la convoitise des touristes– photographes.
Sa mère entra dans sa chambre et lui confia :
--« Viens ma fille, papa y veut te parler ! »
Carmen qui avait eu tout le
temps de discuter avec ses parents mais avait plus d’une fois reculé face à cette épreuve
qu’elle redoutait tant, se demanda si l’heure de vérité avait sonné. Elle
suivit sa maman dans la chambre des parents où l’attendait son père habillé de
pied en cape, prêt à sortir comme tous les jours.
--« Voilà j’ai bien réfléchi….. avec ta mère. Si ta vie, elle
….enfin si tu veux ….épouser ce garçon,
c’est…..d’accord ! » Les mots sortaient difficilement de sa
bouche comme s’ils demandaient un effort supplémentaire. La respiration
bloquait la salive qui s’asséchait dans sa gorge. Dans un dernier effort, le
père de Carmen poursuivit :
--« Nous ce qu’on veut, c’est que tu sois heureuse. On sait que tu
as la tête sur les épaules et que tu feras rien qui ira à l’encontre de ton
désir. Même si c’est pas ce qu’on aurait souhaité pour toi, même si c’est pas
……..enfin, c’est toi qui choisis, alors, ta mère et moi, on est d’accord sur tout…….à condition
que …..on reste tes ……parents et que tu nous…..gardes dans ton…..coeur. Parce
qu’on…… t’aime. »
Carmen en pleurs depuis déjà un
bon moment se jeta dans les bras de son père, imité en cela par sa mère
Quand les pleurs cessèrent et que
les baisers se tamisèrent, Carmen,
blottie dans les bras de son père regarda sa mère et s’étonna :
--« Comment cette idée elle a pu vous traverser l’esprit ? Vous croyez que l’amour de mes parents, je peux l’oublier
comme ça d’un revers de la main ? Je vous aime et je vous aimerais
toujours, jusqu’à la fin de ma vie.
J’avais seulement peur que vous en vouliez à Richard et par ricochet que vous
m’en vouliez toujours de l’avoir épousé.
Mais je sais que vous l’aimerez car c’est un très gentil garçon. Et sachez que je serais toujours avec vous pour
les fêtes traditionnelles. J’en ai déjà
parlé avec lui et y trouve que c’est normal. »
--« Ah ! Qu’est ce que j’t’avais dit ! »
--« Donc, y sait que tu vas te convertir ? »
--« Y sait seulement que j’y pense, mais y a rien d’officiel. A
présent, si vous êtes d’accord, rien ne peut m’empêcher de le dire au rabbin.
Et plus tard, à Richard. »
--« Et si tu avais dit non à Richard ? »
--« Allez, laisse la tranquille ! Va à la plage et amuse-toi,
ma fille ! »
--« Je n’aurais jamais dit non, je tiens trop à lui. »
///////
Depuis six mois, Richard subissait
la chaleur du désert dans le petit village de Charm El Cheik que la troupe
avait transformée en petite ville touristique. Il avait vu son affectation se
prolonger durant une période de six mois supplémentaires, ce qui lui avait valu
une permission qui lui permit de revoir son ami d’enfance Victor avec lequel il
avait échangé ses vues sur lavie israélienne.
--« Mon vœu le plus cher, c’est que ma famille fasse son alyah le
plus tôt possible parce que je ne me vois plus vivre ailleurs qu’ici, et surtout
plus en France ! »
Les deux amis se retrouvaient
sur l’essentiel, vivre en Israël auprès de la famille. Pour les frères
d’amitié, Paulo, Roland et Jacky, c’était une toute autre affaire.
--« Qui vivra verra ! »
La vie s’écoulait entre l’armée,
les lettres à sa douce et les mots tendres à sa belle. Parfois, quand la
nostalgie se faisait trop lourde à porter, il écrivait à son père du pays
perdu, de son enfance parcourue à toute vitesse comme un cheval fou lâché dans
les jardins d’Arabie, auprès de chitanes de son espèce, le gros mot en
bandoulière et le tape cinq en bataille, la pelote en caoutchouc, enjeu d’un
match interminable, le baiser d’une petite fiancée dont on ressent toujours la
brûlure et mille souvenirs qui ne veulent pas mourir et qu’on garde jalousement
contre soi.
Il évoquait l’ancien pays et le
nouveau, la promesse d’une jeunesse magnifique pour construire un avenir commun
aux juifs du monde entier. Mais chaque phrase le ramenait sur la côte
algérienne parmi les oliviers, les cactus et les figues de barbarie. Chaque mot
portait en lui des accents de nostalgie qui parlaient à son cœur et pleuraient
le passé sans fausse honte ou sans pudeur mal dissimulée.
Durant ce temps, Israël goûtait
aux joies de la paix et des petites choses de la vie. Si l’armée n’était aussi
omniprésente, on aurait pu se croire, à
l’instar des autres nations, dans un pays touristique privilégié par son ciel,
son soleil et la mer. C’était tout cela à la fois avec en plus une histoire pluri culturelle qui conjugue le
passé au temps présent.
Richard partageait la vie de ses
camarades de promotion avec au cœur une philosophie différente de celle des
français qui n’aspiraient qu’à la libération de leurs obligations militaires
alors que leurs homologues israéliens semblaient porter leur uniforme de Tsahal
avec une fierté difficilement contenue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire