samedi 13 octobre 2012

MARIE-TOI DANS TA RUE, MON FILS! de Hubert Zakine

Carmen préparait ses affaires pour rejoindre sa cousine aux abords de la croisette, là où les cannois  préféraient se dorer au soleil loin de la cohue des  plages abandonnées aux apprenties Brigitte Bardot livrées à la convoitise des touristes– photographes. Sa mère entra dans sa chambre et lui confia :
--«  Viens ma fille, papa y veut te parler ! »
Carmen qui avait eu tout le temps de discuter avec ses parents mais avait plus  d’une fois reculé face à cette épreuve qu’elle redoutait tant, se demanda si l’heure de vérité avait sonné. Elle suivit sa maman dans la chambre des parents où l’attendait son père habillé de pied en cape, prêt à sortir comme tous les jours.
--«  Voilà j’ai bien réfléchi….. avec ta mère. Si ta vie, elle ….enfin si tu veux ….épouser  ce garçon, c’est…..d’accord ! » Les mots sortaient difficilement de sa bouche comme s’ils demandaient un effort supplémentaire. La respiration bloquait la salive qui s’asséchait dans sa gorge. Dans un dernier effort, le père de Carmen poursuivit :
--« Nous ce qu’on veut, c’est que tu sois heureuse. On sait que tu as la tête sur les épaules et que tu feras rien qui ira à l’encontre de ton désir. Même si c’est pas ce qu’on aurait souhaité pour toi, même si c’est pas ……..enfin, c’est toi qui choisis, alors, ta mère et  moi, on est d’accord sur tout…….à condition que …..on reste tes ……parents et que tu nous…..gardes dans ton…..coeur. Parce qu’on…… t’aime. »
Carmen en pleurs depuis déjà un bon moment se jeta dans les bras de son père, imité en cela par sa mère
Quand les pleurs cessèrent et que les baisers  se tamisèrent, Carmen, blottie dans les bras de son père regarda sa mère et s’étonna :
--«  Comment cette idée elle a pu vous  traverser l’esprit ? Vous croyez  que l’amour de mes parents, je peux l’oublier comme ça d’un revers de la main ? Je vous aime et je vous aimerais toujours, jusqu’à la fin  de ma vie. J’avais seulement peur que vous en vouliez à Richard et par ricochet que vous m’en vouliez toujours  de l’avoir épousé. Mais je sais que vous l’aimerez car c’est un très gentil garçon.  Et sachez que je serais toujours avec vous pour les  fêtes traditionnelles. J’en ai déjà parlé avec lui et y trouve que c’est normal. »
--« Ah ! Qu’est ce que j’t’avais dit ! »
--« Donc, y sait que tu vas te convertir ? »
--« Y sait seulement que j’y pense, mais y a rien d’officiel. A présent, si vous êtes d’accord, rien ne peut m’empêcher de le dire au rabbin. Et plus tard, à Richard. »
--« Et si tu avais dit non à Richard ? »
--« Allez, laisse la tranquille ! Va à la plage et amuse-toi, ma fille ! »
--« Je n’aurais jamais dit non, je tiens trop à lui. »
///////
Depuis six mois, Richard subissait la chaleur du désert dans le petit village de Charm El Cheik que la troupe avait transformée en petite ville touristique. Il avait vu son affectation se prolonger durant une période de six mois supplémentaires, ce qui lui avait valu une permission qui lui permit de revoir son ami d’enfance Victor avec lequel il avait échangé ses vues sur lavie israélienne.
--« Mon vœu le plus cher, c’est que ma famille fasse son alyah le plus tôt possible parce que je ne me vois plus vivre ailleurs qu’ici, et surtout plus en France ! »
Les deux amis se retrouvaient sur l’essentiel, vivre en Israël auprès de la famille. Pour les frères d’amitié, Paulo, Roland et Jacky, c’était une toute autre affaire.
--« Qui vivra verra ! »
La vie s’écoulait entre l’armée, les lettres à sa douce et les mots tendres à sa belle. Parfois, quand la nostalgie se faisait trop lourde à porter, il écrivait à son père du pays perdu, de son enfance parcourue à toute vitesse comme un cheval fou lâché dans les jardins d’Arabie, auprès de chitanes de son espèce, le gros mot en bandoulière et le tape cinq en bataille, la pelote en caoutchouc, enjeu d’un match interminable, le baiser d’une petite fiancée dont on ressent toujours la brûlure et mille souvenirs qui ne veulent pas mourir et qu’on garde jalousement contre soi.
Il évoquait l’ancien pays et le nouveau, la promesse d’une jeunesse magnifique pour construire un avenir commun aux juifs du monde entier. Mais chaque phrase le ramenait sur la côte algérienne parmi les oliviers, les cactus et les figues de barbarie. Chaque mot portait en lui des accents de nostalgie qui parlaient à son cœur et pleuraient le passé sans fausse honte ou sans pudeur mal dissimulée.
Durant ce temps, Israël goûtait aux joies de la paix et des petites choses de la vie. Si l’armée n’était aussi omniprésente, on aurait pu se  croire, à l’instar des autres nations, dans un pays touristique privilégié par son ciel, son soleil et la mer. C’était tout cela à la fois avec en plus  une histoire pluri culturelle qui conjugue le passé au temps présent.
Richard partageait la vie de ses camarades de promotion avec au cœur une philosophie différente de celle des français qui n’aspiraient qu’à la libération de leurs obligations militaires alors que leurs homologues israéliens semblaient porter leur uniforme de Tsahal avec une fierté difficilement contenue.                                      

A SUIVRE...................

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