samedi 29 septembre 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine

Les Consulats étrangers installés en EL DJEZAIR s'empressèrent de courtiser le nouveau maître d'ALGER. Dans les premiers jours de la conquête, tout ce qui ressemblait, de près ou de loin, à un dignitaire défila à la " cassaubah". Léon Juda et Saûl COHEN-SOLAL, investis du titre d'interprètes de première catégorie par l'intendant DENNIE, donnèrent tant de preuves de leur compétence et de leur bonne volonté que leur mérite respectif fut reconnu par une nomination officielle auprès des autorités civiles et militaires de la conquête. Le Baron DENNIE, bien que fort satisfait des services des israélites, gardait, cependant, en mémoire le testament politique d'HUSSEIN Dey, stigmatisant la mentalité des fils de MOÏSE.
--" Les Juifs ne sont nullement à craindre. Ils sont ici, comme dans tout l'Orient, très corrompus mais fort intelligents en affaires. Employez-les en sous ordre sans jamais les perdre de vue. Ils pourront vous rendre de grands services." Cette recommandation mi-figue mi-raisin fut le dernier acte politique d'un homme vaincu sur les fonts baptismaux de la colonisation française, qui régna en seigneur et maître sur la Régence d'EL DJEZAIR, au nom d'un empire ottoman dont l'étoile palissait de jour en jour. Le 10 juillet, à bord de la "Jeanne d'Arc" le Dey, sa suite et ses biens s'éloignèrent d'ALGER à destination de NAPLES.
 
YYY
 
Prisé dans tous les pays orientaux, le  "bakchich" accompagnait et souvent, précédait toute transaction commerciale. Quelques dirigeants et dignitaires du pouvoir turc élevèrent cette pratique vénale au rang d'institution.
A tous les échelons de la société, les emplois, les prêts bancaires et usuriers, les mariages, les nominations, les titres honorifiques n'échappaient à ces procédés usités en pays d'Orient selon la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande.
L'Intendant DENNIE s'adapta très rapidement à cette coutume, ne refusant jamais un "encouragement" ou un "remerciement" sonnant et trébuchant.
Cette "finesse d'esprit" du Baron français, encouragée par une rumeur publique savamment orchestrée qui attirait l'attention sur la susceptibilité des indigènes devant l'ignorance de "l'autre" des coutumes orientales, valut à la communauté juive, dont le rapport avec l'argent se faisait sans détour et sans état d'âme, de briguer et d'obtenir des postes de la commission municipale.
Secondés par des militaires totalement déboussolés face aux réalités du pays et des réactions spontanées mais incompréhensibles d'une population hétérogène, les israélites devinrent d'indispensables intermédiaires entre la FRANCE et les arabo-berbères. A ce petit jeu d'influence, le clan BACRI et les juifs livournais reprirent leur ascendance sur les DURAN et les "porteurs de bérets" grâce aux relations entretenues par Jacob BACRI auprès du Général DE BOURMONT.
Mais les besoins de la FRANCE dépassaient largement le  potentiel commercial de la Maison BACRI. Aussi fit-elle, également, appel aux "Mégorachim" exilés d'ESPAGNE, représentées par les familles DURAN, SERROR, BENHAÏM, OUALID et AYACHE pour couvrir le territoire conquis. Léon Juda cumula, ainsi, les fonctions d'interprète de première catégorie avec celle de fournisseur officiel de l'intendance française. De son Oranie natale, son frère HAÏM le seconda efficacement, prenant la tête de toutes les caravanes en partance pour un campement de l'armée française, ravitaillant le génie occupé à tracer des routes vers d'autres conquêtes à l'est du pays.
 
YYY
 
ALGER, envahie par des cohortes de pauvres bougres débarqués de nombreuses balancelles en provenance de MAHON, ALICANTE, NAPLES, MALTE, SICILE ou bien par quelques aventuriers indésirables ailleurs, changea de visage. Des cabarets fleurirent à chaque coin de rue. Des rues éventrées par les démolitions d'immeubles et d'édifices religieux. Des rues que l'on baptisa à la française: rue des trois couleurs, rue des oranges, rue aux rubans, rue de la ville de soum-soum. Des rues que l'on défigura pour mieux les aérer.
Et les maisons mauresques mutilées, avilies, rognées de leur originalité par des spéculateurs immobiliers peu scrupuleux des lois non écrites du pays. Tel le respect dû aux femmes, bafoué par les constructions hâtives de bâtisses plongeant sur les terrasses de la basse ville où les ménagères furent l'objet de regards inavouables d'européens en mal d'exotisme et peu au courant des pratiques en usage sur ce morceau d'AFRIQUE.    
ALGER paradait. ALGER se militarisait. ALGER avait la fièvre. Fatalistes, les Arabes demeuraient circonspects sur l'attitude à adopter envers les français. Ils attendaient, l'oeil vif et l'oreille attentive, un signe du destin, une parole d'ALLAH. Ils écoutaient le Juif qui les invitait à emboîter le pas de cette FRANCE inconnue mais auréolée d'une grande victoire sur l'empire ottoman. Ils étudiaient l'habileté manoeuvrière des fils de MOÏSE qui étaient devenus leurs égaux par la volonté du Général DE BOURMONT. Ils espéraient...........
Les Maures, descendants des conquistadors berbères, ouvrirent à nouveau leurs échoppes après une période d'immobilisme. Contrairement aux Arabes, ils partageaient, avec les juifs,   le triste privilège de figurer au dernier rang des ethnies sous la Régence. Aussi, leur attentisme fut de courte durée et, si leur engagement aux côtés de la FRANCE ressembla plus à un mariage de raison qu'à une folle passion, il contribua, néanmoins, à une meilleure appréhension des mentalités.
Le Conseil Municipal offrit l'occasion aux notables israélites de démontrer leur capacité à résoudre les problèmes civils rencontrés par la nouvelle autorité. Les doléances surchargèrent l'intendance. Les nombreuses spoliations encombrèrent les allées du pouvoir et les tergiversations empoisonnèrent l'atmosphère. Las des perpétuelles réclamations de la petite bourgeoisie locale qui tempêtait contre les abus de pouvoir d'une hiérarchie militaire confrontée à une pénurie de logements, l'Intendant Général DENNIE et le Payeur Général FIRINO confièrent la réquisition et l'achat en bonne et due forme des maisons désertées par leurs propriétaires arabes et turcs. Investi de cette nouvelle mission, l'aîné des DURAN créa très rapidement un réseau de collaborateurs qui recensèrent plus de mille villas extra-muros.
Les plus luxueuses de ces demeures posées au milieu des "fahs" comme des boutons de roses sur un écrin de verdure furent dévolues aux officiers et sous-officiers. Les maisons plus modestes se louèrent à très bas prix aux soldats, dignitaires et politiciens de second rang faisant partie de l'expédition.
Léon Juda conseilla la superbe villa de son ami, le "caïd" Sidi ABDALLAH, l'un des hauts fonctionnaires de la Régence, au sous-lieutenant Patrice de MAC MAHON qui s'était extasié sur l'architecture de cette maison mauresque, située tout près de la "djenan"  des DURAN, au coeur du massif de la BOUZAREAH.
Le TELEMNY et ses somptueuses demeures, ouvertes sur une harmonie de jardins, trouvèrent rapidement acquéreurs. Les industriels français, à l'unisson, prirent leurs quartiers dans ce paradis naturel à la végétation généreuse et spontanée. Léon Juda fut, en cette circonstance, un intermédiaire apprécié pour ces bâtisseurs qui devinrent, alors, ses obligés.
BEN DURAN, comme l'appelait le Baron DENNIE, avait su se rendre indispensable pour résoudre les petits tracas de la vie d'une armée en campagne et jouer le rôle de guide d'une ville conquise par les armes mais restant à séduire par le coeur et la raison. Ainsi proposa t-il, à l'intendance, les services de Messaoud et Mardochée OUALID, les meilleurs tailleurs de l'ex- EL DJEZAÏR lorsque les autorités françaises désirèrent alléger les vêtements trop lourds et trop chauds de l'armée pour le climat du pays. Ainsi, appuya t-il Jacob BACRI dans son choix du seul édifice religieux musulman déserté par son "Imam" pour le transformer en église. Ainsi la mosquée centrale fut débaptisée après que les autorités françaises l'eussent demandée au Grand Mufti qui répliqua :" Vous auriez pu la prendre. Vous nous la demandez! Laissez moi vous l'offrir."
L'Eglise SAINTE-CROIX  fut inaugurée, officieusement, par le commandant en chef, DE BOURMONT, qui planta lui- même la croix, geste symbolique de la FRANCE chrétienne en terre d'ISLAM. Elle sera confirmée, à Noël 1832, par le Duc de ROVIGO.
 
                                             YYY

 
A SUIVRE.........................

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