lundi 3 septembre 2012

HORIZONS BLEUS le cabanon des gens heureux de Hubert Zakine

Le mois de Juillet y termine sa course d’eau et de feu en beauté. Du soleil plein le ciel et du bonheur plein la tête. En plus, les yeux bridés de ma petite chinoise qui se sont posés sur mon auguste personne. Le bonus de l’été. Le gros lot dans ma cabassette. La classe quoi !

Comme chaque année, le premier Août c’est la fête au cabanon. La fête des mabouls, des Tarzan en devenir, des défis, du risque, de çuila qui imitera le mieux Johnny Weismuller.

Je vous vous d’ici. D’ici et même de là-bas. Vous vous dites :«  En quoi, imiter Tarzan, c’est risqué ! ».  Pousser son cri, à part casser les oreilles des voisins, la vérité y risque pas grand chose. Mais se jeter du grand rocher des Horizons Bleus qui culmine si j’étais un menteur à cent mètres mais comme je suis pas menteur je dirais à quinze mètres, se taper le saut de l’ange ou le saut de carpe d’une telle hauteur dans la mer, je dis que seuls les malades mentaux, y plongent.

D’habitude, j’y pense même pas. D’abord parce que j’ai le vertige, ensuite pace que j’ai une peur bleue, verte, jaune et rouge, enfin si ma mère elle l’apprend, elle est capable de se jeter dans l’eau elle aussi pour sauver son fils d’une possible attaque des crocodiles, et pour clore le débat, mon père y me tue de coups. Mais là, j’apprends par inadvertance (bababa, ce mot, dé !) que Ramsès II, alias Bobby, il est sorti de son sarcophage pour venir de Bains Romains faire le zigoto aux Horizons Bleus. Cuilà avec ses bras musclés, je l’avais rangé là où ma mémoire elle se rappelle de rien. Y va plonger devant Colette. A coup sur je perds la figure ! Plonger d’une telle hauteur, même le vrai Tarzan il hésite. Moi je suis plus du genre d’Artagnan avec une épée en bois ou Kopa avec une balle en chiffon. Et puis, oh, je suis petit encore ! Mes cousins y vont se jeter dans le vide mais eux y sont grands.

C’est dans ces moments là qu’on s’aperçoit qu’on est encore un petit bébesso à sa mère.

Aujourd’hui, y a pas, je me sens un enfant. Un nain, voilà, j’ai trouvé, un nain. Presqu’un bébé. Encore un peu je demande le biberon à ma mère.

--« Alors, tu vas plonger ou tu vas te dégonfler ? »

C’est Luc qui se la ramène.

--«  Tu connais ma mère ! Tu crois vraiment qu’elle va me laisser jouer à Tarzan ? » Quelle tapette je fais. Non seulement ch’uis une gamate mais en plus je rejette tout sur ma mère. Qu’est ce qu’il faut pas faire pour pas passer pour un dégonflé.

--« Ramsès, comme tu l’appelles, y plonge lui ! » Purée, comme il insiste sur « lui ».

C’est là que mon génie sans bouillir y se révèle. Je suis le disciple d’Einstein, l’intelligence rare, le géo trouve tout des Horizons bleus, le prix Nobel de la répartie :

--« Dis moi ! Tu serais pas amoureux de Ramsès, par hasard. Rien que tu parles de lui. Tu serais pas un peu tapette ! »

La mine patibulaire de Luc, elle devient tibulaire.

(Cuila qui comprend pas y se tape Le Journal de Mickey. Pat c’était le prénom de Tibulaire !)

Cuila qui comprend toujours pas, mieux y va se coucher, une bonne nuit la dessus et demain le Bon Dieu, il est grand !)

Vexé comme pas un, Luc y peut pas me frapper parce que si y m’en donne une, je lui en renvoie deux. Alors, mieux pour lui, y s’en va la queue entre les jambes.

--« Tu crois que j’ai peur ? » j’insiste lourdement auprès de Colette qu’elle a  pas encore ajouter son grain de sel.

--« C’est si tu avais pas peur que je me ferais du souci ! » elle me répond avec un détachement qui me fait un bien énorme. Elle a tout compris. C’est vrai, intelligente comme elle est, elle peut pas fréquenter un casse cou qui risque à tout moment de se retrouver à l’hôpital.

Ils sont neuf  à vouloir mourir en se jetant du rocher. Les femmes, le mauvais sang qu’elles se font ! Quant aux hommes y continuent, imperturbables, à jouer à la mora. Le cabanon en pleine effervescence il attend le plongeon de Serge. Sa mère, elle implore son mari de l’empêcher de se tuer. Les yeux, elle se met toute seule. Pour toute réponse, mon oncle il ouvre sa main et il lui dit :

« 5 dans tes yeux ! »

--«  Bou, c’est ça ! Accuse moi de mettre les yeux à mon fils ! » et s’adressant à ses sœurs qu’elles sont outrées :  « J’ai épousé un fou ! Sa mère, elle m’avait prévenu pourtant !Si c’est pas malheureux ! »

De mon côté, j’arrive pas à évacuer mon problème vis-à-vis de Colette. Rien que je la mate pour vérifier si elle se fait du mauvais sang pour Ramsès. Total, elle à l’air de s’en foutre du tiers comme du quart. Elle est en train de découper des carottes en rondelles et mon ami, tellement elle est absorbée à pas se couper un doigt, que Ramsès y peut se fracasser la tête sur un rocher, elle continue à jouer à la parfaite cuisinière.

Tous les candidats au suicide y se présentent sur le promontoire. Nous autres, les falsos, de la terrasse on se demande encore comment on fait pour pas s’évanouir. Papa Vals y prépare sa caméra Pathé-baby 9.5 mm que mon père y dit toujours qu’elle fait un bruit de crécelle. Cécil B. de Mille trois cent neuf, c’est papa Vals. Rien qu’y filme en changeant de place. La mer, tout à l’heure elle va s’ouvrir devant Ramsès. Moïse il est pas encore là. Il a du rater l’autobus de la Place du gouvernement.

Ma mère, elle s’en prend à sa sœur :

--« Aussi,t’chas qu’à lui interdire de plonger ! »

--«  Qu’est ce tu veux que je te dise ! Tu crois qu’y m’écoute ? C’est la copie conforme de son père. Dès que j’aurai le dos tourné, y plonge ! »

--«  T’chas raison, ma fille ! Mais au moins, tu le sais pas ! »

--«  Et alors, ça l’empêche de se casser le cou ? Yaré !Yaré ! Ma sœur !»

En terminant sa réponse par ce yaré,yaré, ma tante elle avait tout dit tout. La vérité elle avait raison même si ma mère elle avait pas tort. La vérité aussi, je suis le plus consensuel de la famille.

Pierrot le fou, c’est un de mes cousins, y plonge en premier. Un saut de carpe à faire pâlir Lex Barker et Johnny Weismuller réunis. Tous les autres Tarzan un à un y tapent le plongeon du siècle devant un public médusé. Je savais pas quel adjectif emploer alors va pour médusé, ça va méduser tous les cancres de l’école Rochambeau de Bab El Oued qui me croyaient pas capable de sortir ce mot de l’armoire.

L’instant tant redouté il arrive. Ramsès y va se jeter dans la mer rouge et Moïse il est toujours pas là. Y regarde dans notre direction comme si y nous disait adieu . Il lève le bras dans un geste auguste, y tape le salut romain comme un romain qui se taperait un bain aux bains romains sauf que là manque de bol, il est aux Horizons Bleus. Nous autres rien qu’on le siffle. Les uns pour l’encourager, moi pour le huer. La vérité, je reconnais qu’il est courageux mais c’est plus fort que moi, ch’uis jaloux comme une Vespa 400 devant la Chevrolet d’Elvis Presley. Et c’est là que je vois un goéland qui prend son envol. Ramsès c’est un oiseau. A ya zoumbo. La plus belle envolée du monde. Une envolée comme en rêvent tous les gardiens de buts.  Y manque que le ballon. Le public y dit « oh », y dit « ah », Luc le coulo y se pâme « HOUAAHOOUUU ». Il est amoureux, j’vous dis. Colette, même pas elle a lâché les carottes et les gousses d’ail.  Ya pas à dire. C’est le romain qui a gagné la montre en bois et la bouteille en caramel. Son plongeon, presque j’applaudis. En fait, moins Colette elle fait attention à lui et plus je le trouve sympathique. Chaque jour j’en apprends un peu plus sur la jalousie. Quand je saurais tout, je marcherai sans doute avec un lance-flamme. Le premier qui la regarde, je lui crève les yeux. Bernard y me dit que la jalousie c’est une maladie. Ma mère encore elle va croire que je vais lui tomber dans un lit. Allez va comme j’aime pas les docteurs, je vais me calmer.

Après le bain, on s’est tous retrouvés sur la terrasse pour l’apéritif des kilos et des morfals.
 
A SUIVRE..............

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