lundi 20 août 2012

MARIE-TOI DANS TA RUE, MON FILS! de Hubert Zakine

Charm El Cheik était une petite bourgade égyptienne à la pointe sud du désert du Sinaï au croisement de la Mer Rouge et du golfe d’Aqaba. La ville fut rebaptisée Mifraz Shlomo, le golfe de Salomon, après la victoire de  1967. Les troupes israéliennes cantonnées dans le secteur accueillirent la relève avec enthousiasme, laissant les nouveaux arrivants s’installer aux abords de la nouvelle colonie à Ras Umm Sid où déjà près de cinq cent familles avaient emménagées et s’étaient mises au travail. Comme dans  toutes les nouvelles implantations, la jeunesse prédominait et cela offrait aux soldats une distraction bonne enfant et familiale. Le rôle de l’armée, outre la surveillance de ce point stratégique se résumait en une présence permanente en divers points de rencontre de routes construites par le génie militaire israélien. Dans cette colonie  qui avait reçu le joli nom d’Ophira, Richard put tout à loisir se tremper dans un bouillon de culture venu des quatre points de la planète avec un seul dénominateur commun, Israël.
*****
C’était un samedi où la pluie s’était invitée, une pluie insistante et pénétrante qui collait les vêtements légers que réclamait l’été. Lisette Benaïm avait conviée sa sœur ainée et sa nièce à déjeuner. Elle trouvait auprès d’elles  le réconfort que lui refusait son mari trop laxiste sur les dangers encourus par son fils.                                           
–«  A l’écouter, Richard, c’est Superman et moi ch’uis une imbécile de me faire tant de mauvais sang. En attendant, j’ai l’impression qu’il s’en fiche comme de l’an quarante. »                                                                 
 --«  Tu parles ! Léon, je le connais ! C’est pas qu’il s’en fout, il se fait du souci comme toi. C’est son fils, quand même! La différence, c’est qu’il ne veut pas le montrer. Comme tous les hommes, ma fille !»
--« Peut être que c’est simplement qu’il préfère garder pour lui cette inquiétude pour pas ajouter à ton mauvais sang…. »  ajouta Colette, la nièce de Lisette qui adorait son oncle et lui pardonnait tout.
Elle n’avait pas tout à fait tort car Léon tendait l’oreille au moindre récit venant de la terre sainte au centre communautaire de Cannes. Il écoutait chacun débattre des conditions de jeunes soldats confrontés au terrain, soutenus par une foi extrême en leurs chefs et en Israël mais gardait pour lui ses impressions de peur de leur porter malheur. Ses origines judéo-arabes  de la casbah d’Alger l’avaient façonné ainsi et s’il s’en défendait, ce n’était jamais devant son épouse et plus généralement devant les femmes.
La sonnette fit sursauter les trois femmes. Colette ouvrit la porte sur une jeune fille qui se présenta en calant son parapluie contre mur.
--« Je voudrais voir madame Benaïm   s’il vous plait. »
Une voix venue de la salle à manger interpella Colette.
--«  Qui c’est ? »
Les deux jeunes filles apparurent dans l’embrasure de la porte de la salle à manger. Devant l’étonnement des deux femmes sur l’identité de la nouvelle venue, Carmen prit la parole.
--«  Bonjour, mesdames. Veuillez pardonner cette intrusion dans cette réunion familiale mais depuis quinze jours, je n’ai plus de nouvelles de Richard et je meurs à petit feu…… »
--«  Vous êtes qui, mademoiselle ? »
--« Oh ! Excusez- moi ! Je ne me suis pas présenté. Je suis Carmen. »
--« Ah, Carmen ! Vous êtes la Carmen de Richard ? »
--«  Oui, madame. »
Devant l’air interrogateur de sa cousine, Lisette Benaïm précisa
--« C’est la jeune fille que Richard a l’intention d’épouser. Vous dites que vous n’avez pas de nouvelles de Richard depuis…. ? »
--«  demain, ça fera trois semaines ! »
--«  J‘ai eu une lettre hier qui datait du 6 Juin. Vous devriez en recevoir demain ou au plus tard après demain. Asseyez- vous, vous allez prendre un café. »
--« Je voudrais pas vous déranger…. »
--« Vous nous dérangez pas et puis de toutes manières, on a des choses à se dire, non ? » 
--« Oui, mais vous êtes en famille. Je …….. »
--« Allez, allez. Pas de chi chis ! De toute façon, c’est ma sœur et sa fille. Elles sont au courant, alors un peu plus tard, un peu plus tôt ! » 
Carmen prit la tasse que lui tendait Colette dont le sourire lui sembla un encouragement. L’âge sans doute y étant pour quelque chose.
Après avoir avalé son café, elle prit son courage à deux mains pour se faire l’avocat du diable. Bien calée dans son fauteuil, d’une voix claire et distincte, elle s’adressa à la maman de Richard.
--« Je suis ravie de faire votre connaissance pendant le service de Richard. Il faut savoir que j’aime votre fils, Madame, au-delà du raisonnable. Au point de prendre des cours auprès de Monsieur Zerbib pour me faire juive car je désire tout partager avec mon mari. »
--« Vous voulez vous convertir ? »
Lisette Benaïm n’en croyait pas ses oreilles. Incrédule, elle regarda sa sœur toute remuée car elle connaissait la difficulté d’une conversion dans la religion juive.
--« Je désire que les obstacles à notre union sautent un à un et je sais que le plus important pour Richard c’est d’épouser une fille juive pour que ses enfants soient juifs alors, je serai une femme juive comme il le désire. »
--« Mais et vos parents y sont d’accord ? »
--« Mes parents, j’en fais mon affaire ! »
Bien sur, le mensonge est un vilain défaut mais à la guerre comme à la guerre, pensa t-elle en mesurant la valeur de cette révélation sur la maman de Richard, sa sœur et sa nièce.
La maman de Richard regarda cette petite, belle comme le jour, dont s’était amouraché son fils. Sa voix douce contrastait avec la fermeté de son engagement, elle était pied noir, bien élevée, moderne sans être effrontée, l’inquiétude en bandoulière et l’amour au bord des lèvres.
--« Une fille de chez nous » conclut-elle.
Carmen prit congé de cette famille qu’elle désirait séduire comme elle le fit jadis avec Richard. Au moment de la dernière poignée de main, Lisette Benaïm ouvrit ses bras pour accueillir sa future belle fille en officialisant leurs rapports par le tutoiement.
--« Viens, ma fille ! Que cette journée, elle te porte bonheur ! Richard a bien choisi. Je suis fière de mon fils. »
Les pleurs de Carmen roulèrent sur ses joues entrainant les larmes de Lisette, de sa sœur et de sa nièce,
--« Hou. Allez ! Y faut pas pleurer, ça va nous mettre les yeux.  Viens vendredi soir, c’est shabbat. Comme ça tu feras la connaissance de ton futur beau-père et de son frère, d’accord, ma fille ! »
--« D’accord ! »
*****
A SUIVRE..................

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