Chef de la Nation Juive, Léon Juda Ben DURAN profita de son séjour dans la capitale pour restaurer l'unité de sa communauté. La rivalité des clans s'effaça au profit de l'intérêt collectif.
Le blocus appauvrit le pays et le régime mais il n'entama nullement l'optimisme du pouvoir. Les juifs usèrent de leurs relations pour seconder HUSSEIN PACHA dans l'approvisionnement des produits de première nécessité dont ils prélevaient une partie pour les besoins de leurs coreligionnaires, "oubliés" par l'intendance ottomane. Au fil des jours, et malgré le rationnement inévitable imposé par la régence, la famine guetta la population d' EL DJEZAÏR.
Des tentatives de complots, ourdis par des proches du pouvoir pour détrôner le responsable de cette crise internationale, furent étouffées dans l'oeuf sur dénonciation. Plusieurs complices passèrent de vie à trépas sur ordre d'HUSSEIN PACHA reclus dans la "cassaubah", sous la protection de sa garde africaine et de quelques esclaves chrétiens auxquels il promit l'affranchissement. Devant la sérénité coupable du pouvoir, le "comité des sages israélites" décida de s'investir dans une démarche de paix auprès de la FRANCE.
Léon Juda et Jacob BACRI furent désignés comme ambassadeurs de l'innocente population affamée par le blocus. Accompagnés du Grand Rabbin BEN HAÏM, ils furent reçus par le Capitaine de Vaisseau LA BRETONNIERE, successeur du Commandant COLLET et nouveau patron du blocus français.
L'argumentation des "juifs du Dey" fit son oeuvre auprès de ce soldat de fort belle prestance qui prêta une oreille attentive aux doléances et craintes exprimées. Par ailleurs, le ministère MARTIGNAC, en proie à de grandes difficultés au sein du Parlement français, lui enjoigna de tenter l'impossible conciliation avec ce "diable d'ottoman".
Le 30 juillet 1829, huit jours après la visite des deux notables israélites, le Capitaine de Vaisseau quitta son navire amiral, " la PROVENCE", entré dans le port d' EL DJEZAIR sous pavillon parlementaire. Accompagné d'une escouade de six gardes-marine, il franchit le seuil de la "cassaubah" avec la ferme intention de faire plier HUSSEIN PACHA sur trois points considérés comme essentiels: la libération des prisonniers français, l'envoi d'un "oukil", ambassadeur chargé d'exprimer les regrets de la Régence sur l'affront fait à Pierre DEVAL, enfin, la signature d'un armistice.
Après trois jours de discussions stériles, malgré les menaces répétées d'une prolongation du blocus, l'arrogance du Dey ne perdit rien de sa superbe.
Furieux, vexé, contenant à grande peine ses sentiments devant le mépris de l'Ottoman, le Capitaine de Vaisseau LA BRETONNIERE prit congé, s'en voulant d'avoir entrepris pareille démarche, considérée comme un signe de faiblesse par EL DJEZAIR.
*****
Léon Juda rêvassait sur le patio supérieur de la "djenan" familiale.
Seul, l'esprit vagabond et le corps reposé, à l'ombre d'un oranger stérile qui diffusait une étrange odeur de confiture d'orange amère, il s'étonnait de ce bien-être qui envahissait ses pensées. L'éternité n'existait pas. Il savait. Le bonheur ? Une feuille. Une vie. L'instant d'un été. D'un printemps. Et puis l'automne. la feuille ridée, fanée. Hier, son père dans ce fauteuil. Sur ce patio ouvert sur la vie. A présent, le fils. Et la roue qui continue sa course folle à tenter de rattraper le temps qui emporte dans ses bagages le visage des êtres chers.
"Cela s'appelle la vie!" conclut-il en se levant du fauteuil qui portait encore témoignage de l'omniprésence de son père.
Soudain retentit une canonnade dont s'empara l'écho pour la dédoubler et la porter au coeur des "fahs". Le premier étonnement passé, Léon Juda scruta l'horizon d'azur, la mer moutonneuse où se déroulait un étrange ballet cerné de curieux nuages de fumée qui finirent par dérober le paysage à son regard inquiet. Redoutant le pire, il enfourcha son cheval gris que lui avait offert son oncle Salomon.
Aux abords de la porte BAB EL OUED, il assista, effaré, à un spectacle hallucinant. Les batteries du fort BAB AZOUN, appuyées par celles du fort de la MARINE, prenaient pour cible la "PROVENCE" et "l'ALERTE", battant pourtant pavillon parlementaire.
-- "HUSSEIN a dépassé les bornes." pensa t-il, convaincu de l'inconséquence de cette agression qui aurait, à n'en pas douter, de plus graves répercutions sur les relations avec la FRANCE que le coup d'éventail.
--" La FRANCE ne pourra supporter cet affront essuyé par le navire amiral "
A dater de ce jour, les goélettes, les frégates, les corvettes, les bombardes, les bricks, les gabarres durcirent le blocus. Hors de portée des canons d'EL DJEZAÏR, la flotte française resserra son étreinte sur les forces vitales du pays. Plus aucune circulation maritime ne fût tolérée et, malgré les rapports cordiaux de la communauté juive avec la FRANCE et, ceux, plus privés de Jacob BACRI avec le tout-PARIS, le blocus s'appliqua à toutes les populations de la cité. Aucun passe-droit ne fût délivré et tous les vaisseaux de la flottille commerciale restèrent, prudemment à quai.
La capitale vécut, alors, sur les réserves qui encombraient les entrepôts BOU MAZA, DURAN, COHEN-BACRI, AMAR et BOUDERBA, un Maure installé en EL DJEZAÏR, familier de la Maison de MAHI ED DINE.
A SUIVRE........................
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