samedi 23 juin 2012

HORIZONS BLEUS le cabanon des gens heureux de Hubert Zakine

Colette elle se contente pas de m’enfoncer ses tétés dans la poitrine, elle m’embrasse comme si je revenais de la guerre. Bou, Francette, si elle me voit ! J’ose non seulement pas regarder dans sa direction mais en plus je garde les yeux fermés pendant tout le baiser qui dure un siècle. J’ouvre plus les yeux de la soirée. Bon d’accord tout à l’heure j’étais tellement niqué de la tête que j’ai eu la tentation d’envier les aveugles mais bardah, y faut être malade pour penser ce genre de chose. Alors, je décide contre vents et marées d’affronter le regard de Francette. J’imagine qu’elle est en train de me fusiller du regard, de préparer la kalachnikov ou le rouleau à pâtisserie, de prier tous les vaudous d’Afrique de m’envoyer là où le bon dieu il a perdu ses savates même que c’est le diable qui les a cachées. Total, elle est en train de jouer aux quatre coins avec un cucu la praline qui doit même pas savoir qu’une fille elle a des tétés. Quel obsédé des tétés, je suis ! En tous les cas, en cinq jours j’ai plus appris sur les filles qu’en presque quinze années de laborieuses recherches. Je sais surtout qu’elles ont une pierre à la place du cœur et que plus lunatique qu’une fille, tch ‘as beau chercher, jamais tu trouves.
Fermez la parenthèse !



Colette, comme si de rien n’était, elle m’aspire la langue, elle visite le palais de mes chimères (référence à Charles Aznavour que c’est mon chanteur préféré) pour voir si pendant sa bouderie j’ai pas perdu une dent, elle torture mes lèvres, enfin je m’adapte comme je peux !
--« On va faire un tour ? » je lui propose.
Son visage, une espèce de huitième merveille du monde quand elle est méchénaf, y s’éclaire d’un sourire alors j’vous dis pas comment elle est belle !On descend à la plage de Franco à Pointe Pescade sous une pluie qu’elle commence à s’épuiser. Tellement j’ai confiance dans la météo de chez nous que je prends pas mon ciré qui ferait ventouse avec celui de Colette pareil qu’avec Francette. Et c’est là que je m’aperçois que Colette elle sait mettre les yeux. Juste au moment où elle me reproche de pas avoir pris un vêtement de pluie, l’averse elle se déchaîne. Purée si j’avais su j’aurais mis le ciré et le 5 dans les yeux de ma petite chinoise.
Heureusement, sur toutes les plages de la côte algéroise, (et oui, y a pas de plage ailleurs que sur la côte. Même des fois qu’une plage elle aurait envie d’aller voir ailleurs si j’y suis, obligé elle est au bord de la mer. Tout y faut vous dire alors !)
Donc, sur toute la côte, il y a des hangars à bateaux. Ca nous arrange bien. Une barque retournée, elle se tape une sieste carabinée sur des tréteaux de bois. Colette elle me prend par la main et elle m’entraîne sous cet abri de fortune. On reste comme ça coincés par la pluie qui nous chante une berceuse accompagnée par le ressac de la mer. La vérité, on se fait des choses coquines mais c’est rien à côté de la leçon de sciences naturelles que Francette elle m’a donnée.
Colette, une fois remise de ses émotions amoureuses, quand la limite autorisée par notre age elle est atteinte, elle redevient la petite enfant sage du début de notre rencontre. Mais quand même avec la gravité d’une grande personne qui donne à sa voix une certaine ressemblance avec celle de Marie-José Nat dans « La vérité ».
--« Tu vois quand on sera vieux, on se souviendra de ces baisers sous la pastéra de la plage de Franco ! ».

Purée, quand on sera vieux. Ca veut dire qu’elle a le regard perçant d’une fille qui voit loin et qui voit avec des jumelles. Parce que comme ma mère, elle a pas fait un fils babao, je comprends que ma petite chinoise, elle pense pas encore au mariage mais elle a déjà réservé les dragées, la salle et le traiteur.
Quand la pluie elle redevient gouttelette, on décide de rentrer au cabanon sans oublier de jouer tous les cinq mètres de l’aspirateur dernier modèle dans chaque entrée de maison des fois que quelqu’un y nous mate.
Pour pas changer, les cabanoniers y sont séparés en deux : les hommes en train de taper les cartes, les femmes assisses en rond à tchortchorer et à se taper la pancha de rigolade.
En nous voyant, papa Vals y s’écrie :
--« Ah, ça y est ! Vous avez fait la paix, les amoureux ? »
--« Hamdoullah ! » elle répond ma mère.
Purée ! Alors tout le monde, il était au courant ! Même pas on a une vie privée, dé !

La vérité, on s’en fiche du tiers comme du quart. ( Qué ça veut dire, ça encore !) Le principal, c’est que ma petite chinoise, elle est redevenue normale, amoureuse, câline, coquine et tout et tout.
« Tiens, va lui payer une glace à ta fiancée. » y me dit mon père en me tendant deux francs, six sous. La vérité, je vais pas loin avec, à peine une boule et pas deux. Mais comme y a que l’intention qui compte… Colette elle est rouge de confusion. Tout le monde il a les yeux braqués sur nous. Alors, tout à l’heure, Colette elle me parle presque de mariage et maint’nant tout le monde y nous parle de fiançailles. Y veulent nous caser ou quoi ?
Aouah, nos parents y nous aiment trop et puis on est tellement bien chez nous, on aime tellement se faire cajoler par nos parents que notre devise elle demeure : « j’y suis, j’y reste ! »
Par exemple, quand ma mère elle nous sert notre « Elesca » au sortir de l’école, quand elle est aux petits soins pour qu’on fasse nos devoirs, qu’on apprenne nos leçons dans le calme, quand elle nous repasse notre pantalon parce qu’elle veut pas qu’on nous prenne pour des gavatchos, mes frères et moi, quand on va faire les commissions et qu’elle nous glisse dans la poche la monnaie qui reste pour aller au cinéma. Même quand elle nous crie dessus que les voisines elles accourent parce qu’elles croient que les Apaches y nous attaquent, on sait que c’est pour notre bien. Aouah, tant qu’on est petits, pour rien au monde on part de la maison.

A SUIVRE......................


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