vendredi 8 juin 2012

Dans quelques decennies, les Juifs auront-ils quitté l' Europe - Guy Milliere

Si les Européens étaient encore animés de l’amour de la réussite, s’ils regardaient vers le haut plutôt que vers le bas, vers ce qui élève plutôt que vers ce qui abaisse et avilit, ils porteraient, j’en suis sûr, un regard très différent sur Israël.
Ils verraient un pays qui réussit, et qui connaît une forte croissance tandis que les autres pays du monde développé sont au bord de la récession ou en état de dépression. Ils verraient un pays où le taux de chômage est très bas, où les innovations sont nombreuses et l’esprit d’entreprise intense. Ils se diraient, dès lors, qu’ils devraient s’inspirer de ce qui réussit en Israël pour trouver les voies susceptibles de les conduire vers leur propre redressement.
Le succès économique attire, la banqueroute, l’insécurité et le racisme pas du tout.  Quand ils regardent Israël, ils voient, je l’ai déjà écrit, mais je pense indispensable d’y revenir, vraiment autre chose.
Ils s’aveuglent sur les accomplissements d’Israël, et ne les citent d’ailleurs jamais. Ils reprennent les discours de propagande anti-israélienne venant d’un monde sous-développé économiquement, politiquement, culturellement et mentalement, en semblant ne jamais s’interroger sur la source de ce discours.
Il y a derrière cela le travail de sape maléfique de journalistes ressentimentaux, et, souvent, antisémites. Il y a les idées envieuses de l’extrême gauche et d’une bonne partie de la gauche, qui ne supporte pas la réussite dès lors qu’elle semble associée au capitalisme. Il y a les réflexes pavloviens des « anti-impérialistes », qui voient en Israël un « empire » (c’est ce que l’on pouvait lire, voici peu, dans  The Economist), mais ne distinguent cependant aucun « empire » dans le monde musulman, ni dans la Chine contemporaine, qui détruit peu à peu le Tibet après l’avoir annexé par la force.
Il y a la pénétration en Europe de l’islam et de l’islam radical, qui, par ses dimensions collectivistes et totalitaires séduit les nostalgiques de Staline et de Mao, toujours en quête d’un dogme haineux qui leur vide les neurones. Mais il y a autre chose. Il y a l’illusion, chez des gens qui auraient été pétainistes sous Pétain et qui auraient fait partie de la majorité silencieuse sous Hitler, que si Israël n’existait pas, les islamistes seraient moins agités et moins en colère. Il y a, dès lors, l’illusion subséquente, qu’en abandonnant Israël aux hordes islamistes, celles-ci s’en prendraient peut-être aux Juifs européens, en continuant sur leur lancée, mais épargneraient les autres Européens. Il y a l’idée que la soumission préventive et préalable est l’attitude qui permet de vivre tranquille et sans souffrance.
Ces gens s’exposent, bien sûr, à des désillusions. Ils ne comprennent pas ce qu’est la vague islamiste. Ils ne prennent pas la peine d’écouter les vociférations et leur contenu exact. Ils ne discernent pas qu’ils ne seront pas épargnés, même s’ils adoptent la position de la carpette. Ils ne discernent pas que la soumission préventive et préalable ne suffit pas. Qu’au contraire, leur attitude de servilité volontaire démontre aux islamistes qu’ils ont raison de penser que l’opposition est faible, que la victoire se trouve à portée de main, et cela décuple leur frénésie de Djihad.
Ils ne peuvent comprendre ou discerner ces faits, car les journalistes ressentimentaux et souvent antisémites leur mentent, tout comme les envieux de gauche et d’extrême gauche et les « anti-impérialistes », tels ceux qui parlent d’islam en Europe aujourd’hui. On a eu la preuve avec l’empressement qui a été celui des hommes politiques (à de très rares exceptions près), des journalistes, des islamologues patentés, lorsqu’ils ont expliqué aux braves gens qui était Mohamed Merah, l’ignoble assassin djihadiste de Toulouse. Le fait qu’il était effectivement un djihadiste, un antisémite de la pire espèce, une incarnation de l’islam radical parmi des milliers d’autres, a été vite évacué du discours.
Dans les sondages, en France, comme dans divers autres pays européens les questions de « sécurité » arrivent, ces temps, en fin de liste. Ces questions resteront en fin de liste, même si des actes aussi ignobles que ceux commis par Mohamed Merah à Toulouse devaient avoir lieu à nouveau. Tant que les victimes seront juives ou seront peu nombreuses, les Européens, quel que soit le pays dans lequel ils vivent, ne se troubleront pas. Si les victimes devaient être plus nombreuses, comme à Madrid, lors des attentats de la gare d’Atocha, la réaction des Européens serait celles des Espagnols à l’époque : « La paix, la paix, donnez-nous la paix, à tout prix, même celui de la capitulation ».
Aucune manifestation n’a eu lieu en France ou ailleurs en Europe contre les massacres commis par Bachar El Assad en Syrie ; mais si Israël était à nouveau attaqué et contraint de riposter, des manifestations auraient lieu dans toutes les villes d’Europe, j’en suis certain : des manifestations contre Israël, bien sûr. Si les Européens étaient encore animés de l’amour de la réussite, ils réagiraient autrement, cela va de soi. Mais l’amour de la réussite, je le crains, a déserté l’Europe. La dignité aussi. Le journaliste italien Giulio Meotti évoquait récemment la possibilité d’une Europe sans Juifs. Cette réalité me semble se profiler à l’horizon [plus la situation sécuritaire des Israélites deviendra aléatoire en Europe, et de façon corrélative avec l’enfoncement économique du Vieux Continent et le renforcement d’Israël dans ce domaine. Ndlr.].
Un vieux dicton juif d’Europe centrale que j’ai souvent cité me semble devoir l’être une fois de plus : « Un pays qui perd ses Juifs ne peut survivre très longtemps ». Pour un continent, c’est plus grave encore. Dans quelques décennies, je pense que l’Europe sera sans, ou quasiment sans population juive. Mais ce ne sera pas seulement la population juive qui sera partie. Ce n’est, d’ores et déjà, pas seulement la population juive qui s’en va, les cerveaux et les entrepreneurs aussi quittent, depuis plusieurs années, le navire échoué ; ce, pendant que Mélenchon et Hollande partagent virtuellement les profits qu’ils ne réaliseront pas en France, mais dans la Silicon Valley, ou dans les parcs de high-tech israéliens. Cela devrait donner à réfléchir, ce qui n’est pas le cas, semble-t-il. Mais qui réfléchit, en Europe aujourd’hui ? Qui s’imagine sérieusement que l’Europe a un avenir ?

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