mardi 24 avril 2012

HORIZONS BLEUS - le cabanon des gens heureux- de Hubert Zakine

Dans cet orage que le ciel y nous déverse sur la tête, je vois comme un signe du bon dieu. Avec cette folle météo, obligé je reste au cabanon et Francette l’obsédée elle est dans l’impossibilité de me rejoindre ou sinon elle se noie. Châ ! Pendant ce temps, je sens que ma petite chinoise et moi on va se rabibocher soua-soua. Je vais user de tout mon charme oriental pour amadouer Calamity Jane. Le déluge y joue du tam-tam sur la bâche. On croirait que Madame Bono, ces noirs venus de la montagne, ces faiseurs de pluie y sont descendus aux Horizons Bleus. Purée, dé ! Si c’est vrai que c’est des faiseurs de pluie, mon ami, y sont forts, hein ! Y pouvaient pas rester chez eux, non !
Chacun y s’arrange avec ce temps pourri. La belote pour les uns, la tchatche pour les autres et les femmes, rien qu’elles pensent au menu de midi (avec ce temps, y faut avoir le coco plein !) et à la corvée du manger. Colette elle se tient à l’écart comme une pestiférée. Alors, Clark Gable, qué je fais ? J’y vais ou j’y vais pas ? Allez, va je me jette à l’eau ! Avec cette pluie, c’est normal.
--« Tu boudes ? » je lui demande l’air babao comme si je le savais pas.
--« Non, mais on marche plus ensemble ! »

Regarde-moi là, dé ! Elle sait même pas que j’ai tripoté les tétés de Francette et elle me calcule plus. Les filles, c’est d’un compliqué !
--« Comme tu veux, tu choises. Tu sais si je peux même plus parler à un copine sans que tu casses, alors tch’as raison, on marche plus ensemble. »
Mais quand même, où j’ai appris à parler comme ça aux filles, où ? Je cherche et je me dis que je vois trop de films. Ca déforme ma personnalité. C’est Robert Taylor ou Humphrey Bogart qui parlent par ma voix. C’est pas le p’tit morveux du jardin Guillemin. D’où y connaît les filles, çuila.
Je dis çuila, total c’est de moi que je parle ! Aouah, y faut que j’me calme ou aller voir des films de cow boys ou mieux de Bud Abbot et Lou Costello.
Calamity Jane, si elle pouvait me jeter les assiettes à la tête comme une femme mariée, elle le ferait. Elle m’énerve mais je la trouve belle comme une poupée. Faute d’avoir fait la paix avec elle, je m’approche de la table où les babaos y se tapent une partie de Monopoly. J’ai horreur de ce jeu de nouilles. Si je pouvais, je le brûlerais avec tous ces billets de fausse monnaie qui servent à acheter des maisons à Paris. Qué Paris. Je m’en fous comme de ma première chemise de Paris. D’ailleurs, aujourd’hui, je m’en fous de tout, alors !
Y faut dire que seul le football y trouve grâce à mes yeux. Le football et les cartes. Et les jeux de rue, style carrioles, noyaux, toupies, taouètes et compagnie. Des jeux de voyous, quoi !

Seul sur mon île déserte, y me reste qu’à rejoindre la tablée de manille où Papa Vals et mon père y se la disputent à Mr Thomas et Valenza. Je m’assois derrière mon père même si je sais qu’il a horreur d’avoir quelqu’un derrière lui qui regarde par-dessus son épaule quand y tape la belote, le poker ou la manille. De temps en temps, je jette un œil sur Colette qu’elle fait rien que rigoler comme si elle nageait dans le bonheur. Comme « Sissi » quand elle se promène dans la forêt avec son père.
La pluie comme une ralah, elle cesse jamais au grand jamais. Démontée, la mer elle tape la guerre contre les poissons. Raïeb, qu’est ce qui doivent être remués. Remarque, mieux ça que dans une marmite !
Amman, on dirait l’hiver au Groënland. Même pas je sais où il est, le Groënland. Moi je fais pas comme ce falso de Luc que zarmah c’est une lumière. Total, chaque fois qu’on lui pose une question, y coupe le courant.
La grisaille environnante, elle engendre pas la mélancolie parce que les rires y fusent de partout. Les engueulades aussi à cause des mauvais joueurs et des tricheurs, qui pullulent aux Horizons Bleus.
Ma petite chinoise, elle a jamais parue aussi belle avec son pull over rouge vermillon et le col blanc de son « alligator » relevé. Je fonds devant ses cheveux bouclés et ses yeux noirs, son teint bronzé et son sourire. Purée, comment une fille si jolie avec un air si doux elle a un caractère pareil. Elle est pas à prendre avec des pincettes quand elle est jalouse, ça j’en suis sur. Comme elle dit ma mère en parlant d’une certaine voisine, « c’est un véritable poivron piquant ».

A SUIVRE..................

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