dimanche 15 janvier 2012

HORIZONS BLEUS "le cabanon des gens heureux" de Hubert Zakine

Mais ce soir, la nuit elle est à nous et dès que l’écran y tire sa révérence, j’invite ma belle à prendre la poudre d’escampette afin de nous soustraire à la bande de badjejs du cabanon et de mettre en pratique le fruit de mon imagination.
Dehors je l’entraîne vers le stade qui jouxte le cinéma et qui grimpe vers la forêt de Baïnem où j’espère quelques centaines de baisers.
« Tu veux qu’on marche ensemble ? »
Ma parole, j’entends des voix ! Jeanne d’Arc c’est moi !
Réflexion faite, je m’aperçois que c’est ma petite chinoise qui s’est adressé à moi.
Un patos y répondrait : « jusqu’où » ou bien « je préfèrerais prendre l’autobus » avec un rien d’incrédulité et une tonne de babaorie. Mais un enfant d’Alger y connaît la signification de cette invitation qu’elle ressemble à une déclaration.
--« Tu veux marcher avec moi ? » je répète comme un bourricot qui se prendrait pour un perroquet.
--« Pourquoi tu veux pas ? »
--« Bien sur que je veux, mais je croyais que ton Tarzan des Groupes Laïques…… »
--« Mais tu as fini de me parler de lui. Je me fiche de lui comme de ma première chemise ! » elle me coupe, toute en colère et en cinémascope.
--« Cuilà qu’il a parlé y s’est envolé ! » je précise pour clore le chapitre Ramsès II.
--« Alors ? Tu veux ? »

Tain, la pression ! J’ai à peine quatorze ans et une poignée de secondes et déjà le petit morveux que je suis, il est sur le fil du rasoir. « Dis moi oui, dis moi non » la fameuse chanson de Tohama, j’suis obligé de la reprendre à mon compte. Amman, c’est pas une enfance que j’ai, c’est le suffrage universel. Mais la vérité, pour entendre une fille comme ma petite chinoise me poser pareille question, je suis prêt à toutes les compromissions, même à sourire à ce coulo de Jean Luc, c’est dire. Et maintenant zarmah, j’ai l’air de faire la fine bouche alors que total à l’intérieur, tous mes organes y tapent cinq.
--« Viens on monte un peu dans la forêt pour que personne il entend ma réponse » je lui murmure perfidement à l’oreille.
Si le loup garou et Dracula y s’étaient donné rendez vous aux Horizons Bleus pour lui faire peur, ma petite chinoise elle aurait été moins effrayée. Achno, elle croit que je vais la manger. J’ai faim mais la vérité je préfère un bon barbouche que ma mère c’est la championne du monde et des alentours.
--« Jamais de la vie ! » elle me jette à la figure avec ostentation et une fermeté que je soupçonnais pas.
Purée ! Elle m’a allumé et mainant elle éteint la cigarette. Même si je suis trop petit pour fumer, l’homme qui sommeille en moi il aurait bien voulu aspirer quelques bouffées. Enfin, à la guerre comme à la guerre.
--« OK, on marche ensemble ! »
Oubliée la Carmen des années passées. « Elle sait pas ce qu’elle perd, ce garçon c’est une perle ! » comme elles disent toujours nos mères quand une fille elle refuse un fils de la famille.
--« De toutes façons, cette fille c’est une souède ! » elles concluaient pour couper court à tout regret.
--« Elle sait même pas faire cuire un œuf, et puis sa famille c’est pas une famille bien comme il faut, alors ! » .
Tout, alors, était dit et ne souffrait aucune discussion.
Reusement pour moi, son envie de rester seule avec moi elle emporte tout sur son passage comme le « typhon sur Nagasaki ».
Ni une, ni deux, ni trois mille sept cent douze, on se retrouve sur la route qui longe le stade de football. Elle me prend la main et on marche comme des grands, main dans la main, comme des amoureux pour de vrai.
Et puis soudain, elle se ravise et elle me susurre à l’oreille
-« Tu veux toujours aller dans la forêt ? »
Quelle dévergondée quand même ! La vérité, on pose ce genre de questions à un garçon qui a embrassé personne à part sa mère, ses tantes et ses oncles ?
Même pas elle attend ma réponse ! Elle m’entraîne vers le sous-bois, mon ami, avec une force herculéenne. Même si j’avais refusé son invitation, elle m’aurait entraîné comme un fétu de paille. Si ma mère elle me voit, elle me tue !
-« Tu as déjà embrassé une fille ? »
-« Bien sur ! » je mens à la perfection pareil à un arracheur de dent.
Qué, j’vais pas dire que j’suis une gamate ! Que la seule fille que j’ai embrassée, c’était Carmen et que j’avais pas voulu mettre la langue parce que ça me dégoutait.
Je sais moi si elle s’était lavé les dents avec du dentifrice ou un morceau de camembert ? Le camembert, je déteste. Cà pue comme dans la chambre de Paulo, mon cousin que lui, c’est un vrai pied noir. Même on peut dire un vrai pied sale.
-« Et toi tch’as embrassé un garçon ? » je risque, la bave aux lèvres, l’angoisse au cœur et la valise pour l’enfer dans la main.
-« Pour qui tu me prends ! » elle me foudroie du regard, plus biche effarouchée que jamais.
Purée, j’en crois pas mes oreilles.
-« Alors, je vais être le premier ? »
-« Tu vas être le premier garçon que je vais embrasser ! Et qui va m’embrasser ! » elle ajoute comme si j’étais truch ou bien dépourvu de la moindre parcelle de cervelle.
Purée, la classe. Fanfaron comme je suis, la terre entière elle va le savoir !
-« Un vrai baiser, hein ! » elle m’avertit. Encore un peu, elle me montre le martinet pour me prévenir ce que j’encourre si je refuse.

La peur du martinet, ca m’a toujours motivé. Bou ! J’vais mettre la langue ! Quand même c’est dégueulasse les filles hein ! Alors, je prends ma petite chinoise par les épaules et je l’attire à moi avec le peu de délicatesse dont je suis capable. Hé ouais, à la Clark Gable, pas comme Jerry Lewis. Je sens ses tétés contre ma poitrine musclée. Y faut que je m’applique parce que dans l’obscurité, je suis laouère.! Tu vois pas, je rate la cible et qu’au lieu de l’embrasser sur la bouche, je tape un virage à cent dix degrés et qu’je tombe sur l’œil ou le nez. Bou, la honte ! J’aurais dû apporter une torche. Allez va j’me jette à l’eau.
Va savoir ce qui s’est passé ! Même pas j’ai eu le temps de viser. Mon ami, elle m’a collé un baiser champion du monde et des z’alentours
Purée, cette petite ! Zarmah, elle a jamais embrassé un garçon. Moi, ch’uis d’une nature méfiante. Alors soit elle a pris des cours par correspondance soit elle ment elle aussi comme une arracheuse de dents.
Toujours mes tantes et ma mère, elles me conseillent de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler, et ben, Colette quand elle embrasse c’est kif kif bourricot. Et vas y qu’elle la tourne et qu’elle la retourne. C’est pas possible elle doit avoir une langue de réserve parce que le baiser qu’elle me donne, y dure, y dure. Ma parole, j’en vois pas la fin. On dirait qu’elle attendait son premier baiser depuis sa naissance. Et juste sur moi, c’est tombé !
Zarmah, je suis mécontent. Que nenni ! Je suis ravi mais la vérité si elle me laissait respirer un chouïa entre deux rounds, ca me gênerait pas trop.

Et en avant, elle recommence. Chaque fois, je crois que c’est terminé, que je vais reprendre des couleurs, elle me regarde fixement comme Dracula quand y va sucer tout le sang de sa victime et drop ninette, on repart pour un tour. Reusement qu’elle est belle et que ses lèvres, mieux que des caramels au chocolat, elles sont douces, alors je prend mon mal en patience. Elle me crache dans la bouche un maximum en m’écrasant les lèvres que demain même pas je pourrai articuler un mot mais à la guerre comme à la guerre. « Le repos du guerrier » j’y ai pas droit !
Aouah, elle me tient, elle me lache plus. Comme si elle meurt demain.
J’ai envie de lui dire « attends ta mère ! » ou « mange une lèvre et garde l’autre pour demain !» ou encore « garde une poire pour ta soif ! » mais ma petite chinoise, le vampire qui sommeille en elle, y se régale. En plus, j’ai les mains qui commencent à avoir des fourmis dans les doigts et vice versa pour tater ses tétés de pierre qui défoncent ma poitrine musclée.
Nos langues de pipelettes, pareilles à des naufragées dans une mer démontée, elles s’accrochent l’une à l’autre comme si leurs vies elles en dépendent. Ma respiration elle demande grâce. Surtout que j’ai la cloison nasale déviée, j’vous dis pas ! Y va falloir que j’me fasse opérer si je veux tenir le rythme.

Ce soir là, on a battu le record du monde et des alentours du plus grand nombre de baisers. Les alentours, c’est l’exploration de mon palais, de mes dents, de ma langue et presque de l’œsophage. Tain d’aspirateur !
Purée, elle m’a donné sa gobia. Je regrette mainant qu’on soit pas plus grands ou sinon je lui aurait tapé Pâques avant les Rameaux ! On s’est contenté de frotter comme des fous !Comme des grands ! Enfin, comme des grands fous !
Mais quand même quand même, son savoir-faire tellement y m’en bouche un coin, que je tente une question insidieuse :
--« Tu es sure que ch’uis le premier garcon que tu embrasses ? »
Elle me regarde, médusée. Ce mot-là aussi, jamais je l’ai employé tellement que c’est réservé aux bons élèves bien élevés.
--« Pour être sure que tu me croies, tu veux que je jure sur la vie de ma mère ?
Coulo comme pas un, je réponds « bien sur ! »
Et le plus beau c’est qu’elle s’écrie :
--«Sur ce que j’ai de plus cher au monde, ma mère, tu es le premier que j’embrasse sur la bouche ! »
Ba ! Ba !Ba ! La forêt de Baînem elle peut se taper la danse du ventre, je n’y verrais que du feu. En plus, ya pas. C’est la vraie vérité qu’elle sort de sa bouche cette petite. Parce que dans ce pays, si tu jures sur la mère, jamais tu mens Ou alors, soit tch’es un moins que rien soit ta mère, l’instinct maternel elle connaît pas. Même qu’elle t’a abandonnée chez les Thénardier comme la petite Cosette qu’elle a fait pleurer toutes les femmes d’Alger, d’Oran et de Constantine. Les autres villes, la vérité, je sais pas !
Non ! En un mot comme en cent, jamais on parjure sur sa mère. Un point, c’est tout !Ou alors, on jure pas !
Azrine y vient, je suis le lauréat du premier baiser de Colette. Et mon ami, elle s’est pas contentée d’un seul baiser. Amman, le premier, le deuxième, le troisième…..y’avait que moi sur le podium. Tous les titres j’ai remportés.

A SUIVRE.....................

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