samedi 16 juillet 2011

SQUARE GUILLEMIN de hubert zakine-16-

Rue Rochambeau, un magasin d’électricité y nous tape la surprise en plaçant dans la vitrine un poste de télévision. Nous, les petits comme les grands, on reste devant le poste éteint comme des r’mars à attendre d’hypothétiques films. (Chof, hypothétiques. J’ai hésité mais je me lance. Tant qu’y a de la gène, y a pas de plaisir !) On a beau savoir que les programmes y commencent vers cinq heures, des babaos, y campent devant la vitrine. Juste en face, le boulanger Di Méglio qui fait les meilleurs pains italiens de Bab El Oued, y se flatte d’avoir acheté la première télévision du faubourg. Petit à petit, l’ère moderne elle entre dans nos vies avec le Monoprix qui va remplacer un des cinémas que je préférais, le Trianon. Tain, ce cinéma ! Il était tout rococo avec ses moulures d’un autre temps, ses entractes dédiés à des chanteurs de café concert et ses illusionnistes qui nous tapaient des coups de sminfin couffin qui nous laissaient pantois. (Pantois, la vérité je fais des progrès en rédaction à pas de géant !) Mais, Bab El Oued y se suffisait plus de la moyenne surface Discophone des sœurs Legendre qui faisait crédit sur parole. Le modernisme, il entrait de plein pied dans le faubourg avec Monoprix et son slogan, « on trouve tout à Monoprix ! » Comme elles disaient mes tantes qui sont les sœurs et les belles sœurs de ma mère (et c’est normal !) « On trouve tout mais qui c’est qui paye, Rothschild ? » Yaré, mes tantes !
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Le football des rues, malgré la chaleur du mois d’Août, y bat son plein. Les enfants, pour « pas être dans les jambes » de leurs mères pendant qu’elles font le ménage,  descendent au jardin. L’animation est joyeuse et si les plus grands prêtent une attention particulière aux petits, ça ne les empêche pas de « faire un match » comme chaque jour. On driblera les adversaires et les « petits » qu’on croisera sur le chemin du but. Ce matin, Maxime et Marceau Elkaïm, les entraîneurs du Racing Club Nelson y nous interpellent en passant devant le jardin.
--Vous avez pas envie de jouer au stade Cerdan avec un vrai ballon au lieu de taper dans un petite balle en caoutchouc ? Et d’avoir une vraie tenue avec une cuissette, un maillot de R.C.N. et des chaussures de foot à barettes ?
C’est comme si les frères Elkaïm y  demandaient à un aveugle si y voulait voir.
Devant l’enthousiasme des apprentis footballeurs, Maxime y nous donne rendez vous au café « chez Henri » qui est le siège du R.C.N. Comme je suis ami avec Richard, le jeune frère des Elkaïm, je prends la parole.

--Mais m’ssieu, Richard y m’a dit qu’au R.C.N. y a pas d’équipes de pupilles?
--C’est  justement le jardin Guillemin qui sera l’équipe de pupilles ! Demain, à six heures, venez me voir au siège avec deux photos d’identité !
La folie, elle s’est emparée de nous. Déjà que la plupart des copains on imite Kopa, Piantoni et Fontaine alors, là, avec des vrais maillots, des bas, des cuissettes et surtout des chaussures de foot avec des barrettes de cuir, on va se prendre pour des champions du monde et des alentours. En quatrième vitesse, on va se faire tirer le portrait chez Petrusa et le lendemain soir, on  fait la queue pour aller signer au RCN et recevoir nos  équipements. Bou, la déception ! On croyait qu’on allait ressembler à des seigneurs total, on a l’allure de nains dans un dessin animé. Les maillots y datent de Mathusalem. Les cuissettes, elles servent à rien  tellement les maillots y sont grands. Quant aux chaussures, elles iraient tout droit au Kassour si elles pouvaient marcher toutes seules. Elles doivent dater du début du siècle, tellement elles sont usées. J’exagère à peine ! En plus, presqu’on se bat pour choisir les plus petites tailles qui font, pour le moins, du 40. Mais à la guerre comme à la guerre, on mettra six paires de chaussettes avant d’enfiler nos chaussures et puis c’est tout ! Ma parole d’honneur, si on gagne un match dans l’année, c’est que vraiment, on est champions du monde, des alentours et même de la planète Mars.
Tout est prétexte à faire du sport. A la plage pour la natation, au jardin pour les matches de foot, dans la rue pour se lancer des défis comme celui de Riquelme qui se prend pour Tarzan et qui tente de sauter d’arbre en arbre. Mais ce babao, il  oublie que les lianes c’est dans la jungle qu’on les trouve, pas au jardin Guillemin. Le poignet, il a pas tenu le choc.
Victor, notre nouvel ami de Marrakech, il a mis en jeu son album Costa de photos de champions français. Mimoun, Kopa, Marcel Cerdan, Louison Bobet en tête, l’album, tout le monde y veut le gagner. Pour cela, y faut remporter une course sur trois tours des rues Rochambeau, Kœchlin, Thuillier et Guillemin. Tous les oualiones du quartier y participent mais, on sait par avance que le vainqueur ce sera   Richard Simon alias  Cyclone. Son surnom, il lui avait été donné après un concours entre les écoles Rochambeau, Sygwalt et Franklin au stade Cerdan un jeudi après midi où il était arrivé premier dans toutes les épreuves de course à pied.

Quand y participait à une course, obligé, y gagnait ! Le concours Costa, les doigts dans le nez, y nous a mis un demi-tour dans la vue. On trouvait  normal que celui qu’on appelle aussi « fend l’air » y gagne ! « Fend l’air » c’est le cheval de Zorro. Y faut tout vous dire alors ! Même pas, vous connaissez vos classiques ! Le cheval de Zorro il avait connu son heure de gloire dans le film à épisodes « Zorro et les sept légionnaires ». Pendant sept semaines, qui c’est qui jouait pas à Zorro ?
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A SUIVRE.....

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