vendredi 22 juillet 2011

SQUARE GUILLEMIN de hubert zakine-17-

Nicole, elle préfère jouer à Toututil. Des fois, on va derrière le stade de basket d’Algéria Sport près de la piscine d’El Kettani où Curtillet, Gotvallès, Héda Frost et consorts y battront tous les records de France, d’Europe et même du monde. Mais en attendant, le square  Guillemin, il est notre jardin de prédilection avec la fontaine qui désaltère les enfants en jaillissant comme par miracle, le manège qu’on a fini par adopter et les vielles personnes qui préfèrent la quiétude de l’avenue Malakoff afin d’éviter le tcherklala. Mais  des fois, on se contente de parler sagement de tout et de rien comme nos mères, de rire comme des bossus, de se mêler aux copains du quartier, de profiter de tous ces moments magiques qu’on passe ensemble, heureux de vivre dans ce quartier qui se pose aucune question et qui prend le meilleur de chacun d’entre nous.
Les fins d’après midi, elles se ressemblent toutes avec les maris qui rentrent du travail ou du café, la jeunesse fatiguée de répéter le « andar et venir » sur l’avenue de la Bouzaréah qui fait une halte au jardin avant d’entamer le dernier « paséo », l’esplanade qui se vide au moment où le manège y tire son rideau, les vieux qui profitent de la fraîcheur pour entamer des discussions à bâtons rompus qui durent jusqu’à la nuit tombée.
La vie au jardin Guillemin comme sans doute dans tout Bab El Oued,  c’est un paradis pour nous les oualiones. Sans argent certes (ça y est, je recommence à me prendre pour Chateaubriand !)mais tellement riche d’amitié des rues, avec la plage à nos pieds et l’exemple des anciens qui nous apprenaient à nous contenter d’un rien pour être heureux et surtout de pas se prendre au sérieux. Renoncer sans en faire un drame, c’est la plus belle leçon de vie que ma mère elle nous a enseignée. Putain, je deviens philosophe ou quoi ?
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Les copains, y me gonflent les glaouis pour aller fumer aux Eucalyptus entre la rampe Valée et la rue Mizon. Avec des canifs, y tailladent les arbres pour s’en faire des bâtonnets qui se fument comme des cigarettes. Après, y deviennent tous poitrinaires et jurent que plus jamais, on les y reprendra mais aouah, le vice il est dans le fruit.
Maxime Elkaïm, notre entraîneur, y nous convoque au siège du R.C.N. pour signer les licences et nous taper la leçon. Si on veut devenir un bon footballeur, y nous faut respecter des principes : pas de cigarette, pas de natation, pas de vélo,  pas de montée à la corde parce que les muscles du footballeur c’est fragile. Comme y dit Capo, c’est antinomique ! Achno Adda,  antinomique ? Zarmah, Capo c’est un savant. Quand on entend ces recommandations, ma parole, l’envie de devenir le nouveau Di Stefano, elle s’en va comme elle était venue. Passe pour la cigarette et le vélo mais comment un enfant de Bab El Oued y peut plus aller se baigner dans la mer ? Aouah, tant pis ! L’Algérie, la France et le monde entier y vont devoir se passer de mes dribbles, de mes tchèques et de mes jonglages !
Quand Maxime y finit son laïus de bienvenue, Pierre Ponsetti, l’un des plus grands footballeurs-entraîneurs de l’Algérie, y prend le relais pour nous expliquer le sport collectif. Pour terminer, y nous passe le film de la finale de la coupe de France entre les Girondins de Bordeaux et l’O.G.C.Nice. Un régal. On sort de là comme des zombis.  Les cigarettes d’eucalyptus, c’est plus qu’un mauvais souvenir et mes rêves de gloire, je les ai jetés au kassour. La vérité, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre de devenir une gloire du football en France ! Bab El Oued ça me suffit!
A SUIVRE.......

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