lundi 11 juillet 2011

Noël 1961 : mon dernier Noël en Algérie… française

Quand les accords d’Evian furent signés, pas un seul d’entre nous ne pensa que trois mois plus tard il faudrait quitter notre pays. Pauvres naïfs que nous étions ! Nous espérions qu’au dernier moment la mère Patrie aurait un sursaut d’honneur et qu’elle n’allait pas nous abandonner ! L’OAS donna l’ordre à tous les Pieds-Noirs de ne pas quitter l’Algérie en vue d’un soulèvement général et chacun d’entre nous devait se considérer comme mobilisé.

Hélas ! Le mois de JUIN allait arriver et rien ne se passerait. L’OAS leva l’ordre de quitter le pays et un sauve-qui-peut général s’amorça. Il fallut se rendre à l’évidence : la France nous avait abandonnés et maintenant c’était « LA VALISE OU LE CERCUEIL » !

Alors, un incroyable exode allait commencer. En deux mois l’Algérie se vida de près d’un million d’habitants. Ce fut la ruée sur les bateaux, les avions. Et pour moi, je crois que c’est un épisode de ma vie qui m’aura traumatisé à tout jamais. Après avoir vécu tant de drames, il fallait à présent connaître le déchirement de quitter sa terre natale, de tout abandonner derrière soi, de perdre ses copains, ses amis, sa famille, d’abandonner les tombes.

Une à une les fenêtres des appartements se fermèrent ! Une à une les maisons se vidèrent ! La ville que j’avais tant aimée prenait son habit le plus triste. Chaque départ donnait lieu à des scènes émouvantes : on serrait dans ses bras les amis d’enfance, les larmes aux yeux, la rage au cœur. On se promettait de s’écrire, de ne pas se perdre… et nous ne savions même pas où nous partions. Pour tout le monde destination MARSEILLE et ensuite Dieu sait où nous allions vivre. Des adresses ? Nous n’en avions point !

Puis à notre tour, il fallut alors quitter notre maison, tout abandonner, tout laisser. Je pleurais de ne pouvoir emporter mes livres, mes cahiers que je gardais depuis la petite école, mes jouets. J’ai brulé toute ma collection d’Historia ; tous mes livres de classe. TOUT !!!!

Puis le dernier jour arriva. Nous sommes allés dire au revoir ou plutôt ADIEU a nos oncles et cousins qui attendaient leur tour pour partir. Je me souviens d’être allé chez l’oncle de ma mère, un vénérable vieillard de 85 ans héros de Verdun et de Monte Cassino. Je l’aimais bien ce grand oncle et j’ai pleuré car je savais que je ne le reverrai plus.

Puis, comme nous les méditerranéens nous avions le culte des morts, nous sommes allés une dernière fois nous recueillir sur nos tombes. Tombes qui seront immédiatement profanées après le départ des derniers français. Ma ville resplendissait encore plus sous ce chaud soleil de juin 1962 mais j’étais glacé à l’intérieur de mon corps. J’avais envie d’hurler mon désespoir. J’en voulais a cette France qui nous abandonnait !

La dernière nuit arriva ! Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, durant laquelle je passais en revue mes années passées sur cette terre. Je pensais à mes copains que ne je ne verrai plus, aux plages où je n’irai plus me baigner…

A 6 heures du matin nous sommes allés embarquer sur le « Cambodge ». C’était le 19 juin 1962. Une dernière embrassade, des dernières larmes et nous voila à bord du bateau. La sirène retentit, lugubre, trouant l’air chaud qui commencait à tomber sur la ville. Une sirène qui marque un adieu définitif c’est quelque chose d’horrible. Cela vous transperce le corps, vous glace les os.

Le bateau s’éloigna du quai mais pour moi dès l’instant que j’avais mis le pied sur la passerelle, je savais que je ne foulerai plus le sol de ma terre natale. Le navire longea la côte avant de prendre le cap sur le large. Je vis une dernière fois les plages où je fus si heureux. La côte s’éloigna peu à peu. Des larmes coulaient sur les joues.
C’était fini.
Je n’ai plus revu mon pays. Je n’ai plus revu mes copains
AUTEUR INCONNU

1 commentaire:

  1. La nuit du 18 au 19 juin, malgré le couvre-feu,des tirs de mitraillette provenant de la rampe Taroufah visaient les gens dormant à la belle étoile...
    Je ne sais plus s'il y a eu des victimes.
    D'une capacité de 1500 passagers, le capitaine en a accepté le double...à la condition sine qua non qu'ils payent en espèces avant de monter sur la passerelle. Sans commentaire !

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