FANTAISIE SUR L'HISTOIRE DE BAB EL OUED de hubert zakine

17 Mai

Oh, purée ! Soustelle il arrive à Alger! Pavoisez vos balcons, y nous a demandé le speaker à la radio. Nous autres avec mes frères, depuis longtemps on a déroulé le drapeau français des grandes occasions. Neuf mètres de long parce qu’on a pas trouvé plus grand chez Moatti aux Trois Horloges! Fissa, fissa, (deux fois ca va plus vite) on avale le manger au grand dam de ma mère qui a peur que la loubia elle nous reste sur l’estomac. Le kemoun y va nous faire roter toute l’après midi (si j’étais pas si pressé, j’aurais dit « éructer » zarmah, c’est plusse mieux). Et en avant nous autres, aya zoumbo, tous au forum pour devenir des hommes. La foule en délire, on dirait la course de Vasalopett (qué lopette, l’artaille).Ceux qui connaissent pas cette course en Suède, tant pis pour eux, j’ai pas le temps de taper l’expliquement !

Purée y faut jouer des coudes ! Au passage, les vicieux y touchent sans avoir l’air d’y toucher les tétés et les cucus qui se présentent ! C’est pas malheureux, espèce de vicieux ! On est tous à attendre le Messie, l’enfant chéri des Algérois !

Quand il est parti en 56, on lui avait chanté « ce n’est qu’un au revoir » et maintenant , on chante « reviens moi je t’en supplie » !La chaleur, c’est une véritable s’rannah comme elle dit ma mère quand la chaleur elle est vraiment chaude !

« Soustelle, Soustelle » la foule elle croit que ça va le faire venir de Maison Blanche plus vite ! J’vous dis : des vrais naïfs ! On commence à taper la sieste coincé entre deux femmes style dessins de Dubout quand une clameur elle monte vers le ciel d’Alger. Ca me rappelle un film avec Joselito « les clameurs se sont tues » sauf que là, les clameurs elles enflent, elles enflent….

« Algériens, mes amis…..Applaudissements à tout rompre et comme ça jusqu’à la fin d’un discours soua-soua ! On a les mains qui sont rouges de plaisir ! La musique militaire, elle nous prend par la main pour nous accompagner à Bab El Oued, ivres de bonheur. Ma parole, mieux qu’au café si on avait vidé une bouteille d’anisette.

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4 Juin

Ca y est ! De Gaulle, lui aussi, y va venir nous voir. Mon oncle y fait une de ces têtes. A savoir pourquoi y peut pas le sentir ? Peut être l’ermite de colombey, y sent le renfermé ! Dieu seul le sait ! Et mon oncle ! Il lui reproche de s’être taillé à Londres pendant 39-45! Mon oncle, c’est le meilleur tailleur d’Alger, alors y connait ceux qui se taillent ! Y sait de quoi y parle!

Nous autres, quand il a levé ses bras au ciel, on croyait que la mer elle allait s’ouvrir ! Aouah ! On a vite compris que De Gaulle, c’était pas Charlton Heston ! Encore moins Moïse !

Zarmah y nous a compris ! Cuila qui a jamais vu une foule chavirer de bonheur, ca prouve qu’il était pas au forum. Amman, on est tombé dans les bras les uns des autres ! Toi, Alger, tu m’as pris dans tes bras !J’en connais qui se sont mis à côté des femmes pour pouvoir leur tendre les bras. Les vilains subitement, y devienaient des Adonis. La partouze, j’vous dis pas ! Mais attention, hein ! La discrétion c’est une seconde nature à Bab El Oued ! Alors, on frotte en catimini ! En louzdé ! Et de Gaulle dans cette partouze patriotique, y continue sa paracha et nous autres, on l’écoute comme des zombis. Si y nous demandait d’aller nous jeter au kassour, ni une, ni deux, ni douze, on taperait une « pancha » la tête la première ! Remarque, la vérité, on préférerait se taper un vrai bain de mer plutôt que de nager dans le bain de sueur du forum.

De Gaulle, il est reparti chez sa mère. Pierre Jean Vaillard, il a dit qu’à Colombey y a deux églises mais qu’une cloche ! Ca promet, les chansonniers ! Alger il est heureux. Sauf mon oncle qui fait la tête ! Y s’avoue vaincu mais il essaie de convaincre les moins convaincus. Vaincre ou mourir, y faut choisir ! Le FLN il a choisi ! Dans la casbah, on dit que de Gaulle, c’est pas le jackpot mais mieux vaut tenir que courir ! Achno le jackpot, Jacky ?

Toujours est-il que les enfants y reprennent l’école comme un troupeau de zombis ! Qui c’est qui a envie d’étudier après le 13 mai ? La vérité, ça nous en touche une sans faire bouger l’autre que la guerre de cent ans elle a duré cent ans moins le quart. Nous autres, notre révolution, c’était pas du cinéma ni du cinémascope. Cécil B. De Mille et compagnie ! C’était pas du zbérote, du plein de vent ou du t’meniek. Alors, les leçons de géographie, de maths ou de sciences naturelles, ça nous rentre d’une oreille et ça nous sort de l’autre et ça nous en touche une sans faire bouger l'autre! On a la tête pleine d’images du 13 Mai. Nos professeurs y se font pas d’illusions. Y savent qu’on est déjà en vacances.

A SUIVRE.....