jeudi 10 mars 2011

LES JUIFS D'AFN EN ALGERIE -ELIAOU GASTON GUEDJ-

La France occupe Alger le 5 juillet 1830. Le premier gouverneur, le maréchal Clauzel, décide d'abolir les lois ségrégatives en vigueur. Il établit le statut des juifs. Le 16 novembre 1830, Jacob Bacri est nommé chef de la nation juive. Le premier conseil municipal d'Alger constitué le 29 janvier 1831 comprend 7 musulmans et 2 juifs.
Après que le nouveau chef de la " nation juive ", Aaron Moatti, ait suggéré le désir d'intégration des juifs à la nation française, on supprime en 1836 la magistrature juive. L'idée de naturalisation de tous les indigènes, Musulmans et Juifs, est émise pour la première fois en commission en 1843. L'ordonnance du 19 mai 1848 accorde aussi bien aux Musulmans qu'aux juifs un droit de vote censitaire sous certaines conditions d'âge et de résidence. Ces électeurs peuvent être élus aux conseils municipaux.
Les décisions législatives des trente années qui ont suivi la prise d'Alger ont placé le Juif dans un état hybride de statut juridique. Il se trouve ainsi confronté à des situations inextricables dans les domaines de l'état-civil ou des contentieux commerciaux.
Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 ouvre la porte de la nationalité française aussi bien aux Musulmans qu'aux Juifs. Il précise :
- 1) les indigènes musulmans ou juifs sont français.
- 2) ils peuvent acquérir la nationalité sur simple demande ; il y eut alors 1039 naturalisations dont 289 pour les Juifs.
La débâcle et la capitulation de l'empereur à Sedan vont créer dans la communauté musulmane un certain trouble. Un climat d'insurrection est signalé par le gouverneur, le baron Durrieu ; dès le 9 août 1870 la situation devient critique. Le 15 septembre le baron Durrieu rapporte : " Le mouvement insurrectionnel va devenir général ; cela me paraît imminent ".
Le 14 octobre 1870, Crémieux, ministre de la Justice, établit en neuf décrets le nouveau statut de l'Algérie. Le décret le plus important est celui qui fixe le régime civil et naturalise en bloc les Juifs d'Algérie. Les territoires du Sud n'ayant pas été pacifiés, les Juifs de ces régions ne bénéficieront pas du décret. Le Juif d'Algérie sera soumis dès lors à la loi française. Immédiatement les hauts fonctionnaires et le nouveau gouverneur, l'amiral Gueydon, seront hostiles à la réforme. La tentation est alors grande de trouver une raison à l'état d'insurrection qui perdure ; le décret Crémieux jouera le rôle de bouc émissaire. Afin d'entretenir cette illusion une frange de la population française va se joindre à l'agitation dans un mouvement anti juif qui ne cessera qu'après la destitution du maire d'Alger, Max Régis, en 1898.



Le XXe siècle ouvre au juif d'Algérie un demi-siècle de paix sociale. L'apaisement revenu, l'administration coloniale va redonner à l'Algérie une prospérité qu'elle semblait avoir oubliée depuis l'époque romaine. Les trois ethnies constitutives de sa population paraissent avoir trouvé leur unité dans le creuset national fait d'un sentiment patriotique si spécifique à la population algérienne d'alors, prompte à proclamer son attachement à la France et à sa terre natale, l'Algérie.



Pour le Juif d'Algérie cette période sera marquée par deux événements :
1) en Occident le régime d'Hitler ouvre la porte à l'antisémitisme et au drame de la "shoa"
2) en Orient le muphti de Jérusalem prêche dès 1926 la djihad contre les juifs. Il s'en suit une série de pogroms qui débute en Israël par la destruction totale de la communauté juive d'Hébron en 1929 et se termine en 1946 (Tripoli). Ceux qui ont vécu celui du Constantinois en 1934, savent bien avant 1954 ce que pouvait être l'horreur des massacres en terre d'Islam.



Les Alliés débarquent à Alger le 8 novembre 1942. Au cours des deux années précédentes la communauté juive d'Algérie fut soumise aux lois d'exception en vigueur, mais tous comptes faits, au regard de ce qui se passait ailleurs, la communauté juive d'Algérie traverse cette période sans trop d'aléas. Cette période vit la constitution d'un groupe de résistance exclusivement juif, le groupe Léo Gras. On peut porter à son actif d'avoir, au moment du débarquement le 8 novembre, neutralisé les centres vitaux de la ville d'Alger, ainsi que les délégations d'armistice allemande et italienne.
Comme tous les Français d'Algérie, les juifs ont participé dans les troupes françaises aux campagnes d'Italie, de France et d'Allemagne. Le 8 mai 1945 tout semble rentrer dans l'ordre ; le Juif d'Algérie a cru un moment pouvoir reprendre la vie là où il l'avait laissée. Mais le monde avait changé et l'exode des Juifs d'Algérie commence.



Lorsque les événements de novembre 1954 éclatent, le juif d'Algérie est un Français comme les autres ; il s'engage à suivre le même destin que celui que l'on réserve aux Français d'Algérie. Lorsque le F.L.N. intervient auprès des autorités juives d'Algérie pour leur demander de s'engager à ses côtés, elles expriment leur position dans "Information juive" dans un texte dans lequel on peut lire :
"La collectivité juive d'Algérie vivrait sous le régime du mépris si elle acceptait de renier une citoyenneté pour laquelle elle a toujours combattu... Nous sommes Français et nous voulons le rester, notre sort est lié à celui de la population française d Algérie."
Fidèle à ses amis d'abord, à elle-même ensuite, la communauté juive d'Algérie a quitté, dans sa totalité, cette Algérie qui avait été sienne pendant plus de deux millénaires.



Eliaou Gaston GUEDJ
Revue l'Algérianiste n° 64

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