La France s’installe donc en Algérie. Quelles sont les premières mesures économiques qui sont prises pour « organiser » la région ?
Il y a d’abord ce qu’on appelle la colonisation (le terme étant pris ici dans son acception première de « mettre en valeur des terres » ; « colon » vient en effet du latin « colère », qui signifie « cultiver la terre »).
La France essaye donc de faire venir des Français pour peupler le pays et voir ce qu’elle peut retirer du sol. C’est un peu le mythe pionnier des États-Unis : peupler de nouveaux territoires (sauf que, en Algérie comme aux États-Unis, ces territoires étaient déjà peuplés…). Bref, par le fait même de la conquête des territoires qui étaient alors sous la domination lointaine de l’Empire ottoman, la France « récupère » les terres qui appartenaient à l’ancienne souveraineté – soit un « butin de guerre » d’une superficie qui dépasse le million d’hectares. Ces terres, incorporées à ce qu’on appelle dès lors le Domaine français, sont découpées en « lots de colonisations », c’est-à-dire en concessions, que l’État donne, soit à des « petits colons », soit à de grandes sociétés agricoles créées pour l’occasion, et qui ont à charge de faire venir une population française pour mettre en valeur les terres. C’est ainsi que la Compagnie Genevoise et la Compagnie agricole du Sig (sorte de phalanstère des années 1840) vont obtenir chacune plusieurs dizaines de milliers d’hectares – mais leur développement sera un échec.
Dans les lots de colonisation, les terres ne sont pas données purement et simplement, elles sont, ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui, mises en « leasing » : grosso modo, on vous donne de la terre et vous avez entre cinq et dix ans pour la mettre en exploitation ; si après ce laps de temps, les inspecteurs de colonisation estiment que la terre est bien cultivée, que vous avez édifié une maison, etc., vous recevez le titre de propriété.
Parallèlement, vous avez aussi des colons qui achètent des fermes et des terres à des musulmans. Quoi qu’il en soit, l’Algérie est très vite considérée par les différents gouvernements comme une colonie de peuplement et l’installation d’une paysannerie française sera toujours une préoccupation majeure du Second Empire, comme la IIIe République. La distribution des lots de colonisations se fait du reste selon un programme extrêmement planifié : tant de villages de colonisation devront être créés, d’une superficie de tant d’hectares, etc. Seul hic : à Paris, on ne prévoit pas les infrastructures qui devront « encadrer » la nouvelle population de colons. C’est-à-dire que toute l’économie connexe à la colonisation est oubliée. Quid des charrons, des forgerons, des boulangers, des maçons pour construire les maisons ? Ces métiers, qui n’ont pas été « pensés » par l’État colonisateur, vont être mis en œuvre, « adoptés » par les nouveaux arrivants qui se présentent dans la nouvelle colonie d’une manière tout à fait désordonnée. On voit des paysans alsaciens qui, devant les problèmes d’acquisition de la terre, décident de s’établir charrons, tonneliers ou rouliers (ils fabriquent les roues des charrettes et ils assurent le roulage, c’est-à-dire le transport des marchandises). Tout se fait à la va-vite : on demande aux îles Baléares de fournir du bois, des pierres, des mulets parce que rien n’avait été prévu pour transporter ou tirer les charrettes ! On fait venir des vêtements, de la nourriture, toutes sortes de matières – et afin de recouvrer les taxes de passages des bateaux qui entrent dans le port d’Alger, une chambre de commerce est créée dès décembre 1830, d’autres suivront assez vite : à Philippeville et à Oran en 1844, à Constantine en 1846, à Bône en 1847).
Une chambre de commerce est créée à Alger, les colons français sont installés ; on imagine qu’assez vite, de petites entreprises vont se créer. Quelles sont-elles ?
À vrai dire, il n’y a pas tant de colons français qu’on pourrait l’imaginer. En réalité, contrairement aux espérances de l’État français, ce sont plutôt des Espagnols, des Maltais, des Allemands, des Suisses qui arrivent en Algérie.
Les premières créations d’entreprises, qui se produisent dès la fin des années 1830 et jusque vers 1880-1890,ne sont pas toujours des créations françaises mais des créations espagnoles, italiennes, maltaises parfois. Je vais vous donner quelques exemples. Prenons d’abord le cas de Limiñana, l’entreprise qui a créé le fameux « Cristal Anis», un alcool très apprécié des pieds-noirs.
Le fondateur de l’entreprise est originaire de Monforte del Cid, un village espagnol où l’on fabrique un alcool à base d’anis. Une fois en Algérie, il décide de se procurer des fleurs d’anis pour préparer l’anisette de son village – et ça marche ! Son activité se développe, les usines se multiplient, et plusieurs générations après, l’entreprise est toujours là.
Autre création originale : les cigarettes Bastos. Les Bastos, qui sont aussi des Espagnols, commencent par ouvrir une petite échoppe de quelques mètres carrés, où ils roulent des cigarettes à la main pour les soldats en 1841, Bugeaud a demandé l’envoi de 100 000 soldats supplémentaires en Algérie, ce qui fait que la population militaire est très importante. Petit à petit, l’entreprise s’agrandit ; le premier Bastos meurt, sa veuve reprend l’affaire, place ses enfants, puis vient le tour des petits-enfants.
En 1876, Pascual Limiñana quitte son village espagnol de Montforte del Cid (près d’Alicante) et s’embarque pour l’Algérie. Il est bientôt rejoint par frère Manuel. Leur père, ne parvenant plus à nourrir sa nombreuse famille, espère qu’ils auront plus de chance de l’autre côté de la Méditerranée. Les deux frères, qui n’ont qu’une douzaine d’années, commencent par servir dans le bar de leur oncle installé à Bab-El-Oued. Le bar est fréquenté par des Espagnols qui regrettent de ne pas pouvoir boire la paloma, l’anisette espagnole traditionnelle. Manuel et Pascual décident de se procurer des « fleurs d’anis » afin de préparer eux-mêmes la boisson, ainsi qu’ils l’avaient vu faire dans leur village. L’idée se révèle excellente, et les clients sont de plus en plus nombreux à commander de l’anisette. Pascual décide alors de regagner son pays natal où il remontera la même entreprise. Manuel, lui, s’installe à son compte, et en 1884, il lance le Cristal Anis.
Lorsque Manuel disparaît, en 1936, la fabrique compte une dizaine d’employés. Deux de ses fils, Ernest et Manuel, prennent la relève. C’est le temps du remplissage mécanique puis de la chaîne d’embouteillage. De nouveaux produits sont créés : l’Impériale Mandarine, le Pacha Mint, les sirops du Pacha… Lorsque Ernest meurt, en1948 le nombre d’employés de l’entreprise a doublé. Après l’indépendance, l’usine est nationalisée par l’État algérien et le siège social transféré à Paris. Une succursale est implantée à Marseille l’année suivante et une nouvelle usine est construite au 99, Boulevard Jeanne d’Arc, dans le cinquième arrondissement de Marseille (adresse du siège social actuel). Sillonnant l’hexagone pour promouvoir le Cristal Anis, Manuel Limiñana donne à la société, cent pour cent familiale, un nouvel essor.
Bien qu’à la fin XIXe siècle, Bastos est devenue une énorme entreprise, employant 1500 personnes à Alger et 2000 à Oran (principalement des femmes, du reste, qu’on appelle les « cigarières »). Dans le même secteur d’activité, on trouve aussi Melia, fabrique de cigarettes également créée par des Espagnols, ou encore Job, fondée, elle, par un français nommé Jobert.
Du côté des Italiens, on trouve aussi des trajectoires intéressantes. Schiaffino, par exemple. Schiaffino est un pêcheur italien qui possède quelques barques et qui fait du trafic dans le golfe de Naples – rappelons au passage que c’est aussi par la contrebande que se sont développées Bastos, Melia et Job, même si aucune entreprise ne veut le reconnaître aujourd’hui… En 1837, Schiaffino s’installe donc à Alger, commence à trafiquer plus intensément entre l’Italie et l’Algérie, et avec ses quelques bateaux balancelles, il crée la Compagnie Schiaffino. Ses enfants prennent sa suite, dotent la compagnie de bateaux plus grands, plus modernes, et, grâce l’arrivée de la vapeur, Schiaffino devient l’une des plus grandes compagnies maritimes de Méditerranée – elle va même jusqu’au Sénégal!
Autre exemple, celui de Ferrero : cette entreprise a été créée par des Italiens qui, installés en Algérie, décident de se lancer dans les pâtes. Ils créent donc des semouleries qui alimentent la fabrication de pâtes, bien sûr, mais aussi de couscous. Si bien que dans les années 1930, Ferrero devient le leader mondial de la graine de couscous !
Tous ces gens font fortune. La plupart se diversifient et s’implantent dans d’autres possessions coloniales françaises; Bastos est ainsi présent en Indochine et en Afrique Noire. Leurs dirigeants deviennent membres du Rotary Club, sont décorés de la légion d’honneur. Et bien sûr, point très important : ils deviennent Français.
En effet, promulguée en 1889, la loi dite de naturalisation automatique permet aux Espagnols, Italiens, Maltais, Allemands et Suisses de devenir Français ; les Juifs sont quant à eux naturalisés par le décret Crémieux en 1870.
On pense a priori que l’Algérie française avait une économie principalement agricole.
Est-ce juste ? Pas tout a fait.
Schiaffino devient l’une des plus grandes compagnies maritimes de Méditerranée – elle va même jusqu’au Sénégal!
En 1920, 190 000 Européens vivaient de l’agriculture. Ils n’étaient plus que 90 000 en 1954. En fait, il y a très vite eu deux Algérie, avec deux sortes d’Algériens : d’un côté la totalité des Européens et un quart des musulmans vivant d'une économie d’échange; de l’autre les quatre cinquièmes des musulmans qui vivaient d’une économie de subsistance.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, plus de 80 % des Européens et moins de 20 % des musulmans sont des urbains. Le pays a donc besoin de gros groupes industriels, à la fois pour servir de faire-valoir à la réussite coloniale française, mais aussi, tout simplement, pour construire des ponts, des routes, des chemins de fer, aménager les villes, pourvoir à leur alimentation en eau, développer le out à l’égout, etc. L’Algérie n’est pas un pays industriel en tant que tel (on n’a pas encore découvert le pétrole, et quant aux mines, elles viendront plus tard et donneront peu de choses). C’est pour cela qu’un certain nombre de sociétés françaises s’implantent en Algérie. C’est le cas de Lesieur, de Saint-Gobain, de Péchiney, de Lafarge, des établissements Berliet, de la société des tuyaux Bonnat installée à Marseille, des Champenois Bernard qui construisent des routes.
Mais il y a aussi des entreprises créées par des Français installés en Algérie.
Bien sûr. Rappelons d’ailleurs que dans le cas de l’Algérie française, on se trouve face à un drôle de système colonial puisqu’il y a une très forte proportion de population européenne. C’est un cas unique dans la France du XIXe et XXe siècle.
En dehors de la métropole, l’Algérie est le territoire où on compte le plus de Français – loin devant la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Nouvelle Calédonie, le Maroc, la Tunisie…
On constate donc, assez logiquement, la montée en puissance – économique – de familles françaises installées en Algérie depuis plusieurs générations.
Prenez les Duroux, les Laquière, les Borgeaud, les Blachette:toutes ces familles vont construire de véritables petits empires, que ce soit dans la transformation des métaux, dans la vigne ou l’industrie alimentaire. Et ce qui est frappant, surtout après les années 1930, c’est la collusion qui existe entre le milieu économique et le milieu politique.
Jacques Duroux, par exemple, fils d’un ancien soldat qui avait participé à la conquête puis s’était installé en Algérie, est d’abord industriel dans la miroiterie, avant de devenir propriétaire des moulins de l’Harrach, du domaine de Ben-Dalibey, des Cargos algériens, de L’Écho d’Alger, et pour finir, sénateur !
Henri Borgeaud, propriétaire viticulteur du Domaine de la Trappe de Staouéli, est également administrateur des tabacs Bastos, des ciments Lafarge pour l’Afrique du Nord, des établissements Vinson qui représentent la firme Peugeot. Il devient président directeur général de la Raffinerie française et de la Banque Borgeaud et Cie, vice-président du Comité républicain du commerce, de l’industrie et de l’agriculture. Il acquiert la Dépêche quotidienne et sera élu sénateur d’Alger de 1946 à 1959.
Quant à Laurent Schiaffino, fils du premier Schiaffino, il est tout à la fois président du comité des armateurs d’Algérie, président du conseil algérien du Crédit populaire, président de la région économique d’Algérie, et bien sûr sénateur
Elles ne sont pas très nombreuses les créations indstrielles musulmanes. Tout d’abord parce qu’on n’a plus d’archives, donc plus d’opportunité de les étudier. Je suis allé il y a quelques années à la Chambre de Commerce d’Alger (qui, étant privée, n’a pas été rapatriée en 1962, contrairement aux organismes d’État) ; c’est un triste spectacle : les archives prennent l’eau, les moyens financiers manquent…
Par ailleurs, comme je ne vous l’ai dit, les ruraux regroupent 80 % des musulmans. La population indigène est donc en grande majorité paysanne, et vit bien souvent dans la misère.
Quoi qu’il en soit, on peut au moins citer deux grandes entreprises créées par des familles musulmanes : Hamoud Boualem et Tamzali.
Hamoud Boualem est un « limonadier » qui invente une boisson, le Selecto, dont tous les Algériens et les pieds-noirs se réclament ! Cette boisson, qui existe toujours, concurrence Coca-Cola et Orangina (créée elle aussi en Algérie, par un Français Juif pied-noir, Louis Beton, associé à un pharmacien espagnol du nom de Trigo).
Tamzali est aussi dans le domaine agroalimentaire : il s’agit d’une conserverie qui fabrique de l’huile et de la semoule (elle concurrence donc Ferrero). Devenues de grosses fortunes, les Boualem et les Tamzali sont ce qu’on appelle à l’époque « les Algériens des grandes tentes », c’est-à-dire des notables. Ils sont décorés de la légion d’honneur, leurs enfants deviennent parfois professeurs d’université, médecins, avocats. Un des fils Tamzali, docteur en médecine, est ainsi devenu sénateur.
Que se passe-t-il en 1962, lorsque l’Algérie déclare son indépendance ?
La plupart des entreprises créées par des Français ou des Européens sont rapatriées, comme leurs propriétaires. Certaines, comme Bastos, essaient de rester, mais dès 1963, le gouvernement algérien décide de nationaliser toute l’économie du pays – les terres et les entreprises. Parallèlement, de nombreux gisements de pétrole sont découverts et rapidement exploités, qui vont assurer au pays une source de revenus extrêmement profitable. Cette manne pétrolière est du reste, à mon sens, le grand malheur de l’Algérie.
C’est à cause d’elle que le pays n’a pas développé comme il aurait dû le faire l’agriculture, l’industrie et le tourisme – à tel point qu’au tournant des années 1990, l’Algérie a dû importer des tomates d’Espagne ! Aujourd’hui encore, le pétrole et le gaz naturel sont les principales sources de revenus de l’Algérie.
Et malheureusement, les Algériens n’en voient pas la couleur. J’avais écrit dans un de mes livres, il y a quelques années : « L’Algérie, ce pays riche peuplé de pauvres » ; je crains que ça ne soit pas faux… Actuellement, bien que l’économie ait été libéralisée, bien que de grosses sociétés étrangères s’implantent dans le pays, le système est tellement gangrené par la corruption qu’il n’est pas facile de créer son entreprise comme on l’entend. Au Maroc et en Tunisie, le passage à l’indépendance s’est fait plus en douceur et sur un laps de temps beaucoup plus long. Il faut dire aussi que ces pays n’étaient pas des départements français mais des protectorats, que la population européenne et française y était nettement moins nombreuse, et qu’il n’y a pas eu de programme de nationalisation aussi poussé qu’en Algérie.
Mais il est frappant de constater qu’aujourd’hui, par une sorte de paradoxe historique, le Maroc et la Tunisie travaillent davantage avec la France que l’Algérie.
Il y a eu un « rapatriement » sur la métropole d’activités fortes en Algérie. C’est ainsi que Bastos, Job, Limiñana, Orangina se réinstallent, souvent dans un premier temps à Marseille. Le couscous Ferrero a d’ailleurs longtemps joué sur les signes de reconnaissance pied-noir en adoptant un slogan devenu fameux : « c’est bon comme là-bas, dis ».
On note également l’émergence de nouvelles activités, créées par des pieds-noirs depuis la métropole. J’avais recensé en 1991, dans mon ouvrage De l’exode à l’exil, rapatriés et pieds-noirs en France, tous ceux qui avaient lancé des initiatives économiques dans la région marseillaise.
Ils sont nombreux ! Certains secteurs sont davantage représentés que d’autres, comme l’industrie médicale (la clinique Résidence du Parc à Marseille, créée par le docteur Pol, l’optique (Afflelou), le meuble (Meublena). La boulangerie a été fortement renouvelée par l’arrivée des pieds-noirs, de même que la pêche : en effet, les armements des pêcheurs d’Algérie étaient beaucoup plus modernes que ceux de France et ils ne pêchaient pas de la même manière; ce qui a du reste créé des affrontements à Sète et à Agde.
Meublena est un exemple particulièrement intéressant à analyser. C’est un jeune homme, Jean-Pierre Koubi, qui est à l’origine de cette entreprise. Né en 1940 à Oran où son père est artisan ébéniste, le jeune Koubi arrive à ramener une partie du stock de meubles sur Marseille. Dès son arrivée, il comprend qu’il y a un créneau à prendre dans l’ameublement.
Voyant que plusieurs milliers de personnes débarquent à Marseille, sans rien, sans mobilier, et sans argent pour en acheter, il prend en gérance un magasin de meubles tout en renouvelant les tactiques de vente car il accepte de faire crédit. En 1962, faire crédit, ce n’est pas évident – d’autant que les pieds-noirs ne sont pas très aimés. Du coup, les rapatriés viennent nombreux se fournir chez lui, et il aura une clientèle pied-noir pendant des années. Il va même se développer tellement vite qu’il va prendre rapidement le virage du meuble industriel – de l’IKEA avant l’heure ! Et ça a marché.
La clinique de la Résidence du Parc a également eu à ses débuts une clientèle pied-noir à 90%. Tous les rapatriés savaient alors qu’elle était dirigée par le docteur Pol, originaire d’Oran, aussi on s’y précipitait – même ceux d’Alger qui, en Algérie, ne seraient jamais allés voir un médecin d’Oran… Très vite, la Résidence du Parc est devenue le concurrent le plus important des hôpitaux publics. On venait, et on vient encore d’Italie, d’Espagne, du Maghreb pour s’y faire soigner.
Peut-on dire que les pieds-noirs avaient un dynamisme particulier en matière d’activité économique ?
Il est clair qu’ils se sont montrés particulièrement dynamiques et entrepreneurs, souvent d’ailleurs pour pallier les difficultés du retour. Pour eux, la reprise du travail s’est souvent accompagnée d’un déclassement et d’une profonde mutation professionnelle. Mais leur présence, parfois dérangeante pour les métropolitains, a eu un incontestable effet stimulant. Certains secteurs économiques leur doivent une bonne part de leur expansion : comme je vous le disais, ils ont bouleversé l’archaïsme et l’immobilisme de la pêche de la région méditerranéenne, en introduisant de nouvelles techniques, et en armant des flottilles plus puissantes.
Cela étant, il serait faux de dire que tous les pieds-noirs sont entrepreneurs et dynamiques. D’abord parce qu’en 1960, en Algérie, il y avait tout de même un nombre important de fonctionnaires et d’employés (sur une population active de 360 000 personnes, on ne recensait que 3 600 industriels et chefs d’entreprises, 18 300 agriculteurs et 31 000 commerçants). Ensuite parce qu’il n’y a pas d’« identité pied-noire » en tant que telle. Les pieds-noirs ne sont pas un groupe homogène, et d’ailleurs, il n’existe pas de « pieds-noirs » avant 1962 : ce n’est pas la conquête de l’Algérie qui crée le pied-noir mais le rapatriement massif et l’éparpillement sur le sol français. C’est par la perte de la terre, par ce brusque déracinement, que les rapatriés ont peu à peu construit et affirmé une identité pied-noire, une conscience commune qui pourtant faisait défaut en Algérie, en Tunisie ou au Maroc. Enfin, il convient de rappeler que 1962 coïncide aussi avec une période de croissance extraordinaire pour la France, et que ce contexte économique favorable va beaucoup aider à « absorber » l’importance de ces rapatriements.
En 1907, Jean-Baptiste et Anaïs Ferrero s’installent à Alger et montent un atelier de graine de couscous. La semoule de blé dur est alors roulée à la main et cuite dans des couscoussiers.En1953, l’entreprise met au point la première rouleuse mécanique de la graine. Vingt ans plus tard, elle fusionne avec Cauchy et avec Ricci, maison fondée à Blida en 1853, qui avait inventé le procédé de séchage artificiel de la graine. Toutes trois donnent naissance au Groupe Ferico, qui sera racheté plu tard par Panzani. Aujourd’hui, Ferico est le leader mondial du couscous. Il exporte dans plus de 45 pays.
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