mardi 21 septembre 2010

TCHALEFS D UN ENFANT DE BAB EL OUED -HZ-

LES CHAUSSURES DU GRAND PARDON
Le grand pardon, c’était la fête numéro un pour les juifs du monde entier en général et pour les juifs d’Algérie en particulier. Alors, bien sur, ce jour là y fallait s’habiller sur son 31 et même sur son 32. La chemise bien repassée, le pantalon souâ-souâ, la coiffure toute fraiche même que les copains catholiques, y nous avaient tapé la coupe comme c’était la mode et la coutume à Alger. Le vieux pull over bien raccommodé et le pardessus qu’on préférait appeler cache-misère, y complétait la tenue.

Quand y pleuvait. Parce qu’au mois d’octobre, à la date du Grand Pardon, souvent y pleuvait et quand y pleuvait, c’était pas de la rigolade. Je vous l’ai déjà dit, alors vous le savez, c’était une véritable marabounta ! Cette année là, (on dirait une chanson de Claude François même que personne y le connaissait encore) le temps il était maussade. J’aime les mots que jamais on emploie. Maussade, qui c’est à Alger qui l’employait ! Nous autres, on faisait pas du chiqué, on préférait dire mauvais comme tout le monde. Franchement ! Enfin, mauvais ou maussade, c’était pas un temps à mettre un juif et même un catholique dehors. Un pied noir, quoi !

Ma mère, elle disait que j’étais le plus beau du monde et des alentours, alors imaginez ce jour là, habillé de pied en cape, je ressemblais à la huitième merveille du monde. Avec les amis qui se prenaient eux aussi pour la huitième merveille du monde, comme tous les jours de Grand Pardon, on avait décidé de passer la journée au Parc de Galland. Nos amis catholiques, par solidarité y se sont joints à nous. Comme l’argent il était banni ce jour là, et par conséquent le tram interdit, il nous fallait compter que sur nos jambes pour rejoindre le Parc.

Gozlan, il était tout fier parce que sa mère, elle lui avait teint des jolies chaussures blanches en noir qui avaient appartenues à son oncle. La journée s’annonçait plus belle que prévu, le soleil il était absent mais le ciel y s’éclaircissait. On était beaux comme des dieux, le roi, c’était pas notre cousin. Et en avant nous autres. La place du gouvernement et le square Bresson, l’Opéra et le Tantonville où mon père il était tombé amoureux de ma mère après l’avoir aperçue se rendant rue Dumont d’Urville à son travail chez Bakouche, la rue d’Isly qu’on aimait fréquenter le jeudi en passant aux Galeries de France et la Grande Poste superbe dans sa robe orientale. Le Plateau des Gliéres et le Forum, témoin des plus belles pages de l’Algérie française, la rue Michelet et tout à fait en haut, le Parc de Galland suprême récompense de la belle balade de neuf enfants de Bab El Oued.

Pas question de manger, de boire, de dire des gros mots parce que c’était péché. Demain, on se rattrapera. Ne nous reste que le rire et, grâce à dieu, le pied noir y sait rire. Pendant la promenade le ciel y s’était obscurci mais la jeunesse elle se foutait du ciel. Soudain, le tonnerre y roule son tambour. La pluie, elle tombe sans nous prévenir. Où se protéger ? Le Parc y se prête pas à cet exercice. En moins de temps qui le faut pour le dire, on est trempé jusqu’aux os et les chaussures de Gozlan, elles déclarent forfait. De noir, elles virent  au gris, au vert, au bleu, avant d’atteindre le blanc plus blanc que blanc. Jamais, au grand jamais on a ri autant. Quand on est rentrés à Bab El Oued, alors que la pluie elle avait cessé, les gens de la ville y croisaient neuf garçons morts de rire et morts de faim. Lessivés de fatigue et trempés de la tête aux pieds, jamais y pouvaient s’imaginer que ces enfants hilares, y z’en avaient vu de TOUTES LES COULEURS  UN JOUR DE GRAND PARDON! YARE GOZLAN!
FIN

1 commentaire:

  1. Belle histoire d'un jour de Grand Pardon,Hubert,l'humour ne manquait jamais dans les aventures de notre enfance,surtout quand il fallait être sérieux.On montait à la campagne Oualid avec nos chaussures neuves qui nous blessaient les pieds parce qu'il fallait étrenner ce jour-là.Et le chabbat,on se mettait sur le balcon à regarder les étoiles et il fallait en voir au moins 3 pour allumer les lumières.Souvenirs...merci Hubert de nous les raconter dans notre langage colorié.
    Chantal

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