vendredi 10 septembre 2010

SOUVENIRS DU PERE DE PIERRE PRAT DE LA PATISSERIE "PRAT"

Suite à ce très beau récit, et à propos de l'expression "garder le linge", je vous communique un extrait des mémoires d'enfance de mon père. Le récit se passe à Saint-Eugène, vers 1910 :
"Presque tous les Saint-Eugènois avaient une plage à proximité de leur quartier ; aussi leur suffisait-il de passer une sortie de bain sur leur maillot pour se rendre à la plage. Ils revenaient chez eux dans cette tenue et, bien sûr, mouillés, encore que certains avaient trouvé le temps de se sécher à moitié. Mais le soleil arrangeait tout et tout était simple en cette heureuse époque et cet heureux pays.
Les salaouetches, eux, s'embarrassaient moins de considérations pudiques et se déshabillaient sur la plage, en ayant recours à la protection d'une serviette nouée autour du ventre. Ainsi la pudeur était à peu près sauve, nonobstant les facéties des farceurs qui les entouraient. D'ailleurs, la farce commençait lorsque la victime se précipitait dans l'eau pour prendre ses ébats, généralement suivie d'un amuseur qui retenait son attention, pendant que sur la plage, les petits amis nouaient, à force, les manches de ses chemises, tricots etc...laissés en tas dans un coin. Il y avait aussi une manière de faire les noeuds pour les rendre très difficiles à dénouer, voire en y insérant un caillou, et même en les mouillant copieusement, ce qui avait pour effet de provoquer l'exaspération du malheureux qui voulait se rhabiller, et même de l'obliger à défaire les noeuds avec ses dents. C'est alors que le choeur des petits amis se formant autour de lui, chantait à tue-tête : "Mindja galette, qué pa no n'y a !" *. À la grande joie de toute la place.
Je n'en finirais pas d'évoquer les plaisanteries de toutes sortes auxquelles se livraient les adolescents, et aussi ceux d'âge plus viril, qui faisaient que des plages comme Balar particulièrement, avaient, plus ou moins, à l'heure du bain, un air de kermesse. Plus tard, cependant, vers les années vingt, elles prendraient un autre air. La jeunesse d'après 1914 était devenue un peu précieuse, beaucoup moins "salaouetche" pour un même milieu social. Elle "flirtait" à la plage et, l'attrait de cette dernière changeait d'objet...Mais nous ne sommes qu'en 1910.
Il y avait longtemps que je nageais comme un poisson, mais aussi, hélas ! selon l'expression du pays, j'apprenais à "garder le linge". Vous avez saisi l'allusion à "Mindja galette".
Il est difficile de faire des anges dans un pays qui rappelle l'Eden. Si besoin était, l'Histoire Sainte serait là pour le prouver ! Il est de fait que vers huit à dix ans, je m'intéressais beaucoup plus à la mer qu'à l'École communale ! nous vivions trop près d'elle."
Léo-Turounet Prat. Mémoires "in nostremo vitae* Mange la galette, car il n'y a pas de pain !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire