LOUIS XVI DANS LES RUES D’ALGER
Mon cousin y s’appelle Pierre mais comme on est des pieds noirs, on l’appelle Pierrot. Pierre ya pas, ça fait français ! Depuis sa plus tendre enfance, mon cousin c’est un cas, un cas comique mais un cas quand même. Toujours y faut qui fasse le zouave c’est d’ailleurs pour ça qu’il a fait l’armée chez les zouaves. Passons !
Depuis toujours, dans la famille on disait qu’il était un comique né. Un fantaisiste, quoi ! A savoir si c’est dans les gènes mais dans la famille, le cousin de ma mère et donc de ses frères et sœurs, y s’appelait DAXELY que son vrai nom c'était Marcel BOUMENDJIL. Si vous le connaissez pas c’est que vous êtes une bande de babao parce qu’il était un des acteurs fétiches de Marcel Pagnol. Il a joué dans « Merlusse », « Manon des sources , « Ugolin » et il a tenu la vedette, pendant six années au Chatelet, auprès de Tino Rossi et Thilda Thamar dans « Naples au baiser de feu ».
Mon cousin Pierrot y faisait toujours rire. A l’école, à la rue, à l’armée, au travail, partout il avait la bosse de la rigolade. Et surtout il aimait faire le clown.
Un jour qui faisait pas nuit ( ca c’était le genre Pierrot) on le voit arriver à la maison avec sous le bras un carton qui semblait contenir un vêtement. Avec des oncles tailleurs et une mère couturière, ça nous étonne pas le moins du monde. Ni le plus du monde également. On parle, on rigole et puis Pierrot il ouvre le carton et qu’est ce qu’on voit : un déguisement de Louis XVI avec la perruque blanche, le jabot et tout et tout. Y manquait que Louis XVI. A savoir s’il allait pas sortir du buffet ! Même les escarpins et les chaussettes blanches, y avait. Une fois la stupéfaction passée, malgré la fantaisie qui habitait mon cousin, on savait qu’il était pas pensionnaire de chez Roubi bien que…………..
Allez comme vous êtes pas censés (chof, le phrasé que j'utilise) savoir qui c'est Roubi, disons que tous les mabouls y faisaient un séjour prolongé ou non pour retrouver leurs esprits.
Allez comme vous êtes pas censés (chof, le phrasé que j'utilise) savoir qui c'est Roubi, disons que tous les mabouls y faisaient un séjour prolongé ou non pour retrouver leurs esprits.
Pierrot, sans dire un seul mot, il enfile la tenue du roi des français, y se maquille, y se colle la mouche sur la joue et nous autres, on est morts de rire. Habillé comme ça, on a honte. Mon cousin y nous impressionne et encore, il a pas placé sur sa tête de tchic-tchic à trois faces la perruque blanche saupoudrée d’à savoir quoi, du talc peut-être. Ba ba ba, dé ! On dirait le vrai ! S’il avait pas été guillotiné, on pourrait croire que Louis XVI il est ressuscité en pied noir parce que l’accent de mon cousin, il est à couper au couteau et même à la machette. Pierrot, il est beau comme un soleil, c’est pas le roi soleil mais presque. Une fois qu’il est tout habillé, y nous demande de le suivre parce qu’il a fait le pari avec des amis de monter en ville ainsi accoutré. (Qu’est ce qui me prend de parler comme Louis XVI, maint’nant !)
Ni une, ni deux on lui emboite le pas mais sur l’autre trottoir, y faut pas exagérer, on tient à notre réputation! Les voisines, elles se perdent en conjectures. (A savoir si elles connaissent ce mot !) Elles regardent passer le roi de France avec des airs de pas avoir l’air. Si vous avez pas vu des femmes de Bab El Oued stupéfaites, c’est le moment où jamais de les regarder. Surtout que Louis XVI sans se démonter, y salue de son auguste personne, le peuple qu’il croise dans la rue. Surtout que ce jour là, c'était pas la mi-carème, ni le carnaval! Alger y s’est cru à l’époque de la révolution française sauf que le peuple y se bidonnait derrière le Roi de France.
Mon cousin il est monté par la Place du Gouvernement. Inutile de vous parler de la tête des Arabes ! Puis la rue Bab Azoun qu’elle en est pas encore revenue, le square Bresson qu’il a dû se retourner dans sa tombe, (Bresson c’était un intendant général de la conquête ! y faut tout vous dire hein ! Quelle bande de babaos !)) la rue d’Isly et la Grande Poste qu’elles s’étaient crues au temps de la conquête et la rue Michelet où tous les Algérois de la haute y se posent encore la question de savoir qui c’était cet hurluberlu habillé en Louis XVI.
Nous autres, on tombait comme des mouches tellement on rigolait. Yen a qui se roulaient parterre pour faire les interessants. En tous les cas, mon cousin il avait gagné son pari et en plus, tout Alger il avait pris une bonne leçon d’histoire de France.
FIN
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