samedi 9 janvier 2010

JEAN "DANIEL" BENSAID. - l'observateur de gauche -


Jean Daniel est né à Blida, une petite ville de garnison proche d’Alger. Élevé dans une famille de confession juive, il est le onzième et dernier enfant de Jules Bensaïd, qui s'était élevé socialement de la condition de modeste ouvrier, à celle de négociant aisé en minoterie. Si son père préside le consistoire local, il apparaît très tôt comme agnostique, moins attaché à son identité juive qu’à la culture méditerranéenne et à la citoyenneté française.
Élève au collège colonial de Blida, il devient, dès l’âge de quinze ans, un lecteur assidu de l’hebdomadaire
Vendredi, journal d’une gauche intellectuelle, indépendante et favorable au Front populaire. Passionné par la littérature, son enthousiasme pour l’œuvre d’André Gide l’amène à voir en l’URSS. le paradis socialiste. Pendant deux ans, il se plonge dans le marxisme sous l’influence des livres que lui prête un ami, Vicente Pérez. Mais en 1936, la lecture du Retour d’URSS. d’André Gide lui fait perdre ses illusions communistes. Il se retrouve alors dans cette génération de gauche non communiste marquée par l’épisode du Front populaire et le socialisme de Léon Blum. Inscrit en philosophie à la faculté d’Alger, il y fréquente les « Amis de la revue Esprit ».
Seconde guerre mondiale

Mais l’abrogation du
décret Crémieux (1941) obstrue ses perspectives. Passionné par les appels du Général de Gaulle, il se détourne d'une tentation vaguement sioniste pour préparer son engagement dans la France libre. Un ami, José Aboulker, l'en empêche et le conduit à fréquenter un groupe de résistants qui contribue, le 8 novembre 1942, à la libération d’Alger et à l’accueil des Américains. Incorporé dans l’armée de Giraud, il déserte aussitôt pour rejoindre à Zabrata (Tripolitaine) la division Leclerc où il sera affecté aux transports d’explosifs dans le 13ème bataillon du Génie. Il retrouve avec la 2ème DB son ami Charles Guetta au Maroc, qui devait lui sauver la vie plus tard lors des événements de Bizerte en 1960. Il participe à la campagne de France jusqu’à sa démobilisation à Paris en 1945.
Les années d'après-guerre

Il s'inscrit en philosophie à la
Sorbonne mais un de ses anciens professeurs de Blida le recommande alors au directeur du cabinet du président du Conseil. Durant huit mois (1946), il devient donc attaché au cabinet de Félix Gouin, un socialiste proche de Blum et dont il va, à vingt-six ans, rédiger les discours. Parallèlement, il publie quelques articles dans Combat mais, devoir de réserve oblige, sous le nom de Daniel (son deuxième prénom).


À la recherche d’un emploi, il trouve une place d’enseignant aux cours Descartes, une école privée d’Oran dirigée par André Bénichou. Il écrit alors son premier roman, L’Erreur, que son ami Albert Camus publie dans la collection qu’il dirige chez Gallimard. Mais le journalisme lui semble être le lieu idéal où conjuguer tout ce qui l'attire : la littérature, l'engagement politique et le grand reportage. En 1953, il entre donc à la Société générale de presse où il prend en charge les affaires coloniales. Il s’y lie alors avec K.S. Karol, Léone Georges-Picot et surtout Pierre Viansson-Ponté qui lui permet, en novembre 1954, de publier son premier article dans L'Express.
Ses années de journaliste-reporter

Au bout de deux piges, il est engagé par
Jean-Jacques Servan-Schreiber avec la charge de couvrir les évènements d’Algérie. Il se sent idéologiquement et affectivement très proche de Pierre Mendès Francedont il soutiendra les campagnes de "L'Express" de la seconde moitié des années 1950.
Très vite, il se fait remarquer par ses reportages sur la
Guerre d'Algérie dans lesquels il dénonce notamment la torture. Favorable à la cause algérienne, il défend les négociations avec le FLN, ce qui entraîne l'éloignement d'Albert Camus.


Inculpé à deux reprises pour atteinte à la sûreté de l’État, menacé de mort par les militants de l'Algérie française, il est à l’origine, par ses articles, de presque toutes les saisies de L'Express. En juillet 1961, il est grièvement blessé lors des événements de Bizerte. Il passe de longs mois à l'hôpital, à l'issue desquels il exprimera son refus de signer le manifeste des 121 et son approbation de la politique de De Gaulle. À son retour à L'Express, la Guerre d'Algérie étant terminée, il perd de son aura et ses rapports se dégradent avec Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Mais il acquiert la stature d’un journaliste de réputation internationale en obtenant un entretien de John F. Kennedy qui le charge d'un message pour
Fidel Castro. C'est au cours d'un déjeuner avec le leader cubain qu'il apprendra l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy le 22 novembre 1963. Mais lors de son retour à Paris à la fin 1963, l'auréole de sa réputation ne facilite pas ses rapports avec Jean-Jacques Servan-Schreiber. De plus, il refuse de s’associer à la mise sur pied d’un journal aussi impersonnel que dépolitisé. Ainsi, alors qu’il refuse de venir à France Observateur comme le lui propose Gilles Martinet, il rompt avec L'Express durant l’hiver 1963-1964, emportant toute l’aile gauche du journal (K.S. Karol, Serge Lafaurie, Michel Bosquet, Michel Cournot, Michèle Manceaux, Michel Vianey, Jean Cau, Jeanne Baraduc, Pascale Lentillon, Anne-Marie Devilaine, Jacques-Laurent Bost, Jean Moreau).
Contacté par
Hubert Beuve-Méry pour entrer au journal Le Monde, il préfère réfléchir et se limiter à lui offrir l’exclusivité de ses articles sur la crise cubaine. Retiré à Sidi Bou Saïd, il est relancé par son ami Claude Perdriel pour participer à un nouveau journal ou à la relance de France Observateur. Finalement, c'est cette option qu’il choisit et entreprend, à partir du printemps, les négociations avec Gilles Martinet et ses amis. À la fin de l’été, elles aboutissent au principe suivant : il prendra la direction de la rédaction alors qu’Hector de Galard assurera avec Serge Lafaurie la rédaction en chef. Bientôt il deviendra un des acteurs majeur du Nouvel Observateur, journal de centre gauche dont il rédige chaque semaine l'éditorial. Il collabore, depuis sa création en 2007, au journal Service littéraire.

Je me sens juif du premier siècle de notre ère"
L’Algérie : Un pays dont les enfants veulent tous partir, ça ressemble à quoi? L'échec de la décolonisation est mon drame personnel."
Un enfant juif de Blida qui a laissé le Sud mais l'aurait voulu heureux, pour qu'il puisse se pardonner d'être parti. Quand Daniel couvrait la guerre d'Algérie, c'était comme un métropolitain bardé de certitudes morales, presque sec au drame des siens: "J'étais devenu un intellectuel parisien progressiste; Camus, lui, était redevenu pied-noir dans la guerre."
."S'interroger sur l'identité nationale, c'est une bonne question, juste, indispensable! Mais la droite le fait de manière agressive, et la gauche n'ose même pas y songer." Il est seulement cela, bleu-blanc-rouge et sans aliénation? Venir d'ailleurs, être ce juif dont la mère priait, mais qui a fui la prison des origines. "Je me sens juif du premier siècle de notre ère, un juif avec Jésus, et le Job de la révolte."
Chaque dieu l'a rebuté: "La résurrection m'interdit le catholicisme; l'élection m'insupporte dans le judaïsme; et la soumission me glace dans l'islam. Cette force incroyable que donne l'adhésion, cette communauté en marche, cette absence de doute! Je ne peux pas être musulman comme je ne pouvais pas être communiste!"

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