


Augustin FERRANDO est né à Miliana le 15 Avril 1880.
Oran doit au peintre Augustin Ferrando son Ecole des beaux-arts. En effet, en 1919, le sénateur Marie Jean Gasser le propose pour diriger cette école. Ce sénateur, père d'un de ses plus proches amis, avait remarqué son talent. A cette époque, ce qui deviendra une véritable école se limitait à deux minables pièces dans un établissement scolaire. Ferrando mettra pratiquement dix ans pour hisser ce qu'on lui a confié en véritable école. Déjà en 1925, il saisit l'architecte Ernest Brunier pour le recruter avec l'intention d'ouvrir une nouvelle spécialité dans sa jeune école. «Nous arrivons à créer un foyer artistique digne d'une grande ville. J'enverrai une note aux journalistes pour annoncer de nouveaux cours». Sa fille, qui lui a consacré un livre, dira de son père «mon père était très actif, toujours plein de projets». Ceux qui l'ont connu lui reconnaissent une autre qualité. Il laissait épanouir la personnalité artistique de ses élèves en s'abstenant d'imposer ses visions esthétiques. D'ailleurs, en 1928, il permettra à certains d'entre eux d'exposer dans sa galerie qu'il ouvrira à l'ex-rue Lyon une année auparavant. Après cette première expérience, concluante, on le chargera de diriger le musée Demaeght qui venait d'ouvrir ses portes. C'était en 1935. Entre-temps, après son second mariage en 1930 avec Berthe Visconti, il s'ouvrira d'autres voies. Ainsi, en 1931, il réalisera trois grandes mosaïques dont l'une ornera le théâtre municipal de Sidi Bel-Abbès ; l'autre le palais de justice de la même ville et la troisième le tribunal de Tlemcen. Aussi, il participera pleinement aux activités de l'Association Amicale des Artistes Africains (les 4 A) à laquelle il s'est joint dès 1921. Durant l'année 1931, cette association a organisé énormément d'expositions, notamment grâce à la complicité de son ami Marcello Fabri. Parmi les gens qui le fréquentait assidûment, sa fille évoque Albert Camus. «C'est là qu'Albert Camus venait très souvent déjeuner et discuter longuement avec mon père». Ce «là» indique l'appartement de fonction du musée où Ferrando avait installé son atelier de peinture. Mais en 1937, il démissionne de la direction du musée suite à un gros différend avec le maire de l'époque et ira s'installer à Oued Taria pour se consacrer à son oeuvre picturale. Dans ce village, il installe son atelier. Mais surtout, il retrouve la luminosité et les couleurs de sa ville natale Miliana et qui ont profondément marqué ses tableaux au point d'être surnommé le peintre fauve. En 1938, Ferrando accueillera et permettra à des jeunes peintres espagnols, chassés de leur pays par la guerre civile, d'exposer à Oran. On citera parmi eux Pelayo Figueras, ami de Camus. Lors de la même année, il fonda le FATI (Fédération algérienne des Travailleurs intellectuels). Son départ du musée va le libérer en lui permettant de voyager beaucoup. Il ira souvent en Espagne où la guerre civile battait son plein. Il effectuait énormément de déplacements en France. Il multipliera les expositions notamment à Alger, Oran, Miliana et à Sidi Bel-Abbès en 1951. Sa dernière exposition remonte à 1955, à Alger à la galerie Charlet, c'est-à-dire deux ans avant sa mort à Oran. Réalisant la fragilité de sa santé, il reviendra dans sa ville natale. Néanmoins, il reviendra à Oran où il décédera le 7 avril 1957. Il sera enterré à Miliana dans un caveau familial. Apparemment, ce peintre a choisi volontairement le provincialisme au tumulte de la vie parisienne. Il a passé huit ans dans la capitale française entre 1902 et 1909 où il a terminé ses études artistiques. Durant son séjour, où il logeait rue Jacob, il a connu la consécration et du monde des arts et de la culture. Il s'est classé le premier de l'Ecole des beaux-arts de Paris. Ses parents étaient persuadés que leur fils allait être «absorbé» par la vie parisienne. De son plein gré, il décide de revenir dans sa ville natale. Mais son passage à Paris lui a permis de se passionner pour les grands maîtres de la peinture universelle surtout Van Gogh, Cézanne et Gauguin. C'est à Paris qu'il a découvert le mouvement du fauvisme avec qui certains veulent l'y inscrire. D'autres l'apparentent à l'orientalisme parce qu'il a obtenu en 1905 la Médaille d'Or des orientalistes français. Son départ à Paris intervient après une première formation accomplie à partir de 1898 à l'Ecole des beaux-arts d'Alger où il décrochera de nombreux prix. A son entrée à cette école, il avait 18 ans et ses choix artistiques étaient presque arrêtés. Il était irrémédiablement imprégné par les couleurs et la luminosité de la plaine du Zaccar. Dans ce sens, sa fille avance «Miliana et ses couleurs ont préparé mon père à sa vocation de peintre». Parmi ses nombreuses toiles, on citera une consacrée au Murdjadjo et Santa Cruz. Preuve qu'Oran a compté dans la vie de ce peintre dont un critique qualifie son oeuvre de «sans âge».
ÉVOCATION DU PEINTRE AUGUSTIN FERRANDO(1880-1957)
C'est avec l'émotion de souvenirs vivants et chers que ma pensée se rapproche de ma jeunesse où Augustin Ferrando, malgré la très grande différence d'âge, fut un ami très proche.
Augustin Ferrando et mon père Marcello-Fabri (Marcel Faivre), sont nés tous deux à Miliana, contre cette montagne du Zaccar abrupte, superbe et " passionnaire ", comme ils furent tous deux. Malgré une différence d'âge de neuf années ils furent liés toute leur vie par une amitié fraternelle. Peut-être encore davantage que leurs caractères voisins, leur amour absolu et intransigeant de l'art les unissait. Dès mes premières années, assistant souvent à ses longs entretiens avec mon père, je connaissais sa fougue, son enthousiasme, sa rigueur aussi, son humeur ardente, où dominait son coeur immense. Etant adolescent je le connus encore mieux par de longues conversations. J'étais aussi un témoin de sa vie, car il fit souvent, avec son épouse et sa fille Paulette, de longs séjours chez nous. Impitoyable pour la médiocrité de certains, sa bonté irradiait, dépassait son caractère ardent. Je comprenais la forte amitié qui le liait à mon père, leur souffrance commune à constater l'opposition constante de leur idéal et des réalités.
Augustin Ferrando a été un grand peintre, imprégnant sa forte personnalité sur plus d'un demi-siècle cependant si riche en différentes écoles.Que ce soit dans ses paysages, ses portraits, ses personnages, ses natures mortes, ses scènes orientalistes (je dirais plutôt algérianistes) dès le premier contact apparaît l'évidence, c'est un Ferrando.
Richesse de l'inspiration, des coloris, de la forme ; une immense chaleur humaine éclate à la vue de ses oeuvres, transmutation d'un caractère d'exception.
Extrême sensibilité du créateur, de l'artiste, confronté à la vie. Mais jamais de doute, ce qui me semblait assez paradoxal. Peine profonde souvent, qui préludait à la création.
Sous des dehors quelquefois soupe au lait, Augustin Ferrando était d'une générosité extrême, allant jusqu'au donquichottisme, dans un désintéressement absolu, archangélique. Cet esthète respectait la vie de ceux qui n'ont pas de défense.
L'émotion la plus intense qu'il ressentait venait de l'art. Une autre fois, nous écoutions un disque, l'un des derniers quatuors de Beethoven. Ferrando était assis, la tête dans ses mains. Entre ses doigts je vis des larmes qui coulaient. Nous n'échangeâmes aucune parole, mais je m'aperçus alors que le personnage auquel je l'avais toujours inconsciemment comparé, celui dont il me semblait le plus proche, était Beethoven, l'immense artiste, l'infinie bonté.
Ce n'est pas de la cendre que je remue ici, en cette courte évocation d'Augustin Ferrando, mais la vie chaleureuse et fertile qui était en lui, que son oeuvre continuera.
MARIO FAIVRE (fils de marcello fabri)
C'est avec l'émotion de souvenirs vivants et chers que ma pensée se rapproche de ma jeunesse où Augustin Ferrando, malgré la très grande différence d'âge, fut un ami très proche.
Augustin Ferrando et mon père Marcello-Fabri (Marcel Faivre), sont nés tous deux à Miliana, contre cette montagne du Zaccar abrupte, superbe et " passionnaire ", comme ils furent tous deux. Malgré une différence d'âge de neuf années ils furent liés toute leur vie par une amitié fraternelle. Peut-être encore davantage que leurs caractères voisins, leur amour absolu et intransigeant de l'art les unissait. Dès mes premières années, assistant souvent à ses longs entretiens avec mon père, je connaissais sa fougue, son enthousiasme, sa rigueur aussi, son humeur ardente, où dominait son coeur immense. Etant adolescent je le connus encore mieux par de longues conversations. J'étais aussi un témoin de sa vie, car il fit souvent, avec son épouse et sa fille Paulette, de longs séjours chez nous. Impitoyable pour la médiocrité de certains, sa bonté irradiait, dépassait son caractère ardent. Je comprenais la forte amitié qui le liait à mon père, leur souffrance commune à constater l'opposition constante de leur idéal et des réalités.
Augustin Ferrando a été un grand peintre, imprégnant sa forte personnalité sur plus d'un demi-siècle cependant si riche en différentes écoles.Que ce soit dans ses paysages, ses portraits, ses personnages, ses natures mortes, ses scènes orientalistes (je dirais plutôt algérianistes) dès le premier contact apparaît l'évidence, c'est un Ferrando.
Richesse de l'inspiration, des coloris, de la forme ; une immense chaleur humaine éclate à la vue de ses oeuvres, transmutation d'un caractère d'exception.
Extrême sensibilité du créateur, de l'artiste, confronté à la vie. Mais jamais de doute, ce qui me semblait assez paradoxal. Peine profonde souvent, qui préludait à la création.
Sous des dehors quelquefois soupe au lait, Augustin Ferrando était d'une générosité extrême, allant jusqu'au donquichottisme, dans un désintéressement absolu, archangélique. Cet esthète respectait la vie de ceux qui n'ont pas de défense.
L'émotion la plus intense qu'il ressentait venait de l'art. Une autre fois, nous écoutions un disque, l'un des derniers quatuors de Beethoven. Ferrando était assis, la tête dans ses mains. Entre ses doigts je vis des larmes qui coulaient. Nous n'échangeâmes aucune parole, mais je m'aperçus alors que le personnage auquel je l'avais toujours inconsciemment comparé, celui dont il me semblait le plus proche, était Beethoven, l'immense artiste, l'infinie bonté.
Ce n'est pas de la cendre que je remue ici, en cette courte évocation d'Augustin Ferrando, mais la vie chaleureuse et fertile qui était en lui, que son oeuvre continuera.
MARIO FAIVRE (fils de marcello fabri)
Je n'ai pas connu directement Ferrando, mais j'ai beaucoup entendu parler de lui dans mon enfance par mon cousin Gaston Bouchinet, qui était ingénieur des eaux de la ville d'Alger dans les années 1950 et peintre lui-même. Un certain nombre de tableaux de Ferrando font partie du patrimoine de ma famille, et notamment une vision très originale et colorée du port de Collioure.
RépondreSupprimerLorsque j'avais 7 ans, mes parents m'ont amenée à Tlemcen où j'ai été confrontée (le mot n'est pas trop fort) à la fameuse mosaïque représentant le combat de saint Michel contre le dragon, qui ornait tout un mur du palais de justice. Je dis "ornait", car pour une raison que j'ignore elle a disparu et se trouve actuellement remplacée par une fresque de même inspiration, mais d’une facture académique et fade.
Cette mosaïque choquait si fort ma sensibilité d’enfant, par sa violence – le saint et le dragon se convulsaient dans une lutte si terrifiante! –, que je ne pouvais en supporter le spectacle et rasais le mur en rivant les yeux au trottoir pour échapper à son emprise.
Plus de quarante ans plus tard, voulant utiliser ce souvenir dans un livre que j'écrivais, j'ai fait des recherches infructueuses pour trouver une photo de cette mosaïque. Un habitant de Tlemcen m'a obligeamment envoyé un cliché de la fresque actuelle, et je me suis demandé si je n'avais pas rêvé. Mais voici que je trouve confirmation de l’existence de la mosaïque originelle dans votre article!
Auriez-vous connaissance de documents iconographiques à son sujet? Si c'est le cas, je serais extrêmement désireuse de pouvoir les consulter.
donc vous êtes le fils de Marcello Fabri ?
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe suis le petit-fils de l'architecte Ernest Brunier, cité au début de l'article.
Heureux de trouver ce contact qui a eu lieu entre l'artiste peintre et l'architecte.
Mon grand-père est à l'origine de nombreux bâtiments et écoles à Oran et aux alentours, dans l'entre deux guerres, et avec mon père ensuite d'ailleurs.
Il a été adjoint au Maire d'Oran à l'urbanisme, ce contact a eu lieu dans ce contexte on peut l'imaginer, mais je suis pas clair sur les dates. Je ne sais pas non plus dans quelle mesure ça a produit quelque chose de concret.