Purée, les femmes de la rue Thuillier, elles en sont pas encore revenues. Les femmes et tout le quartier du reste.
Le quartier y se remettait à peine de l’explosion de la strouga qui avait dévasté Alger Républicain, le journal des «communistes». Remarquez les guillemets (comprenne qui pourra !).
Le Centre Jeunesse de la générale Massu y commençait à peine à se mettre en place. Cette grande dame, elle s’occupait des enfants que le F.L.N il avait morflé l’œil à leurs parents. Alors, obligé, les petits y z’étaient devenus des orphelins qui trainaient dans les rues de la casbah et ça faisait mauvais effet. Comment la France « grande, belle et généreuse », elle pouvait tolérer cela. Non mais ! Remarquez de nouveau les guillemets (ch’uis sûr que tout le monde, il a compris, ou sinon y faut qu’y revisitent l’Histoire avec un grand H).
Alors, pour revenir au quartier, avec tous les morceaux de tôle du rideau de Alger Républicain qui avaient valdingué jusqu’au jardin Guillemin, tout le monde y s’était donné la main pour taper le grand nettoyage de Pâques comme si on recevait la Reine d’Angleterre. Et les trottoirs y brillaient comme un sou neuf (tain, cette expression. Pourquoi un sou et pas une liasse de billets, va lui dire !) La rue elle était toute pomponnée comme si que le lendemain, elle se mariait avec la mer, même que le soleil c’était le garçon d’honneur, avec plein de you you et tout, et tout (je raconte n’importe quoi hein !). Nous, les enfants, presqu’on marche sur des œufs tellement on a peur de salir. Y nous reste que l’avenue de la Bouzaréah ou le jardin Guillemin pour taper la promenade. Toute la journée, elle se passe dans la joie et la bonne humeur, surtout que les frères et les sœurs de ma mère y se sont rappliqués et la fiesta bohémienne de Luis Mariano à côté d’une fête à la maison, c’est un enterrement. Le soir, tout le monde y rentre chez lui, qui à l’avenue Malakoff, qui à la rue Marengo, qui avenue de la Marne. Seulement, y faut descendre les ordures. C’est à celui qui subitement, il aurait mal à un trou qui fait de l’air. On va pas se la faire à la courte-paille, quand même ? Alors, mon frère ainé, le Géo-Trouvetout de la famille, le général en chef de nous autres, il a une idée lumineuse : on va descendre les ordures par la corde du balcon. Cuila qui est pas de Bab El Oued y peut pas connaître à quoi elle sert la corde du balcon. Comme on est des fainéants, on a trouvé l’astuce qu’elle aurait dû être primée au concours Lépine de l’époque. Les mères, elles dérangeaient toujours les garçons qui étaient occupés à disputer le match du siècle et les filles à se raconter des choses qui les garçons y fallait pas qu’ils écoutent. Elles faisaient, alors, descendre la corde du balcon, illico presto on achetait ça qu’elles voulaient, on le mettait dans le panier qui était attaché à la corde et hop, elles le remontaient. Et voilà le travail, mon z’ami ! Seulement on savait pas qu’on était des badjejs.
Et pourtant mon frère, le général en chef, il avait pensé à tout. Il avait pas fait une règle de trois mais c’est tout comme. Il a laissé à personne le soin de nouer la corde au bidon d’ordures et ce qui devait arriver, arriva. Badaboum ! Le nœud y se défait et toutes les ordures elles se répandent dans la rue Thuillier. La rigolade, j’vous dis pas. Le général en chef, il assume belmot
(ça veut dire un chouïa). C’est d’la faute à pas d’chance. Tout le monde aux balcons. On dirait une répétition générale des ti-ti-ti-ta-ta qui viendront plus tard quand notre malheur y sera consommé.
Le quartier, il a pas sommeil. Tout le monde en bas la rue, y recommencent le nettoyage de Pâques ou de la Trinité. Le rire en bandoulière, les voisins y se moquent du général en chef qui donne ses ordres aux nettoyeurs de la rue. On dirait Blanchette l’arroseur des rues sauf que Blanchette, sa peau elle est noire comme celle du négro d’Afric-film qui roule ses gros yeux avant les réclames au cinéma. Reusement, que la bonne humeur elle fait partie des qualités de nous z’otres, sans ça, des suicides y en aurait eu à la pelle. La pelle dans les mains du général en chef, elle passe de main en main mais pas dans celle de mon frère qui veut pas se salir son beau pyjama à rayures. Et le rire sur toutes les lèvres mais pas sur celles du général en chef l'objet de toutes les plaisnteries qu'à force, à force, mon frère, raïeb, il a pas demandé son reste et il est monté en catamini à la maison.
Quand la rue elle a eu sommeil, on est tous allés se coucher, heureux de cette belle journée, passée à rigoler de tout et de rien comme de grands enfants qu’on était et qu’on est restés malgré la bourrasque de l’indépendance.
FIN
Le quartier y se remettait à peine de l’explosion de la strouga qui avait dévasté Alger Républicain, le journal des «communistes». Remarquez les guillemets (comprenne qui pourra !).
Le Centre Jeunesse de la générale Massu y commençait à peine à se mettre en place. Cette grande dame, elle s’occupait des enfants que le F.L.N il avait morflé l’œil à leurs parents. Alors, obligé, les petits y z’étaient devenus des orphelins qui trainaient dans les rues de la casbah et ça faisait mauvais effet. Comment la France « grande, belle et généreuse », elle pouvait tolérer cela. Non mais ! Remarquez de nouveau les guillemets (ch’uis sûr que tout le monde, il a compris, ou sinon y faut qu’y revisitent l’Histoire avec un grand H).
Alors, pour revenir au quartier, avec tous les morceaux de tôle du rideau de Alger Républicain qui avaient valdingué jusqu’au jardin Guillemin, tout le monde y s’était donné la main pour taper le grand nettoyage de Pâques comme si on recevait la Reine d’Angleterre. Et les trottoirs y brillaient comme un sou neuf (tain, cette expression. Pourquoi un sou et pas une liasse de billets, va lui dire !) La rue elle était toute pomponnée comme si que le lendemain, elle se mariait avec la mer, même que le soleil c’était le garçon d’honneur, avec plein de you you et tout, et tout (je raconte n’importe quoi hein !). Nous, les enfants, presqu’on marche sur des œufs tellement on a peur de salir. Y nous reste que l’avenue de la Bouzaréah ou le jardin Guillemin pour taper la promenade. Toute la journée, elle se passe dans la joie et la bonne humeur, surtout que les frères et les sœurs de ma mère y se sont rappliqués et la fiesta bohémienne de Luis Mariano à côté d’une fête à la maison, c’est un enterrement. Le soir, tout le monde y rentre chez lui, qui à l’avenue Malakoff, qui à la rue Marengo, qui avenue de la Marne. Seulement, y faut descendre les ordures. C’est à celui qui subitement, il aurait mal à un trou qui fait de l’air. On va pas se la faire à la courte-paille, quand même ? Alors, mon frère ainé, le Géo-Trouvetout de la famille, le général en chef de nous autres, il a une idée lumineuse : on va descendre les ordures par la corde du balcon. Cuila qui est pas de Bab El Oued y peut pas connaître à quoi elle sert la corde du balcon. Comme on est des fainéants, on a trouvé l’astuce qu’elle aurait dû être primée au concours Lépine de l’époque. Les mères, elles dérangeaient toujours les garçons qui étaient occupés à disputer le match du siècle et les filles à se raconter des choses qui les garçons y fallait pas qu’ils écoutent. Elles faisaient, alors, descendre la corde du balcon, illico presto on achetait ça qu’elles voulaient, on le mettait dans le panier qui était attaché à la corde et hop, elles le remontaient. Et voilà le travail, mon z’ami ! Seulement on savait pas qu’on était des badjejs.
Et pourtant mon frère, le général en chef, il avait pensé à tout. Il avait pas fait une règle de trois mais c’est tout comme. Il a laissé à personne le soin de nouer la corde au bidon d’ordures et ce qui devait arriver, arriva. Badaboum ! Le nœud y se défait et toutes les ordures elles se répandent dans la rue Thuillier. La rigolade, j’vous dis pas. Le général en chef, il assume belmot
(ça veut dire un chouïa). C’est d’la faute à pas d’chance. Tout le monde aux balcons. On dirait une répétition générale des ti-ti-ti-ta-ta qui viendront plus tard quand notre malheur y sera consommé.
Le quartier, il a pas sommeil. Tout le monde en bas la rue, y recommencent le nettoyage de Pâques ou de la Trinité. Le rire en bandoulière, les voisins y se moquent du général en chef qui donne ses ordres aux nettoyeurs de la rue. On dirait Blanchette l’arroseur des rues sauf que Blanchette, sa peau elle est noire comme celle du négro d’Afric-film qui roule ses gros yeux avant les réclames au cinéma. Reusement, que la bonne humeur elle fait partie des qualités de nous z’otres, sans ça, des suicides y en aurait eu à la pelle. La pelle dans les mains du général en chef, elle passe de main en main mais pas dans celle de mon frère qui veut pas se salir son beau pyjama à rayures. Et le rire sur toutes les lèvres mais pas sur celles du général en chef l'objet de toutes les plaisnteries qu'à force, à force, mon frère, raïeb, il a pas demandé son reste et il est monté en catamini à la maison.
Quand la rue elle a eu sommeil, on est tous allés se coucher, heureux de cette belle journée, passée à rigoler de tout et de rien comme de grands enfants qu’on était et qu’on est restés malgré la bourrasque de l’indépendance.
FIN
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