mercredi 28 octobre 2009

RENE BOYER

René Boyer est d'abord un fils du sud, "pied noir" dans l'âme qui regarde le monde avec confiance et lucidité, et s'il fallait le définir ici d'un mot, on serait tenté de dire un "homme tranquille", au sens où l'entendait John Ford, c'est-à-dire "qui respecte les autres et qui en attend le respect". Le parallèle avec le grand écran n'est pas gratuit puisque, curieusement, c'est par le cinéma, le théâtre et la radio que notre homme va parvenir à l'édition. Alger 1942, "capitale de la France en guerre", comme on disait alors : en novembre, les Américains débarquent, et à l'âge ou d'autres jouent aux cow-boys, le jeune René participe aux jeux radiophoniques qui animent chaque jeudi le célèbre hôtel Aletti, où ont trouvé asile maints transfuges de la zone occupée, de Françoise Rosay à Max-Pol Fouchet. Des émissions enfantines qui lui vont bien puisqu'il y est sélectionné pour participer à des spectacles, enregistrés en public, et devient un habitué des lieux. A 12 ans, il a trouvé sa vocation : il sera comédien, et se retrouve peu à peu à lire, écrire, jouer, des textes sous la houlette de Marie-Thérèse Février.

Les samedi et dimanche se passent en répétitions sur les hauteurs d'Alger, dans la maison de Marie-Thérèse qui a deux filles : Isabelle et Florence… Florence Aboulker que René retrouvera plus tard à Paris et qui fera carrière dans le disque.Durant plusieurs années, il alterne radio et théâtre, puis, sans interrompre le cours de ses études, il s'inscrit au Conservatoire d'Art Dramati-que où il décroche un prix de comédie et où il rencontre sa future épouse, avec laquelle il rejoindra la troupe du "Théâtre de la rue" parrainée par Emmanuel Roblès et dirigée par Paul Grandjean et Jean Kerchbron. Une troupe qui sera, deux années de suite, finaliste du concours des Jeunes Compagnies, ce qui lui vaudra de se produire à Paris au Théâtre de l'Atelier.Au sigle HEC, dont son père lui vante les mérites, il rêve d'ajouter un préfixe de deux lettres : ID. L'IDHEC, pourquoi pas ?N'a-t-il pas créé avec quelques camarades, comme lui fous de ciné-clubs "La nouvelle équipe cinématographique", (LA NEC), que les pouvoirs publics ont décidé de subventionner au vu des premières réalisations sorties d'une caméra 9mm5 ?Il se prépare donc activement au concours d'entrée : Ecole des Beaux Arts, stage de réalisation, cours d'Histoire de l'Art à la fac d'Alger.C'est peine perdue. Cette année- là, la direction de l'école informe les candidats, qu'en raison de graves problèmes internes, le concours n'aura pas lieu. Il est reporté sine die. C'était écrit !

Il se tourne donc à nouveau vers l'art dramatique dans cette ville qui brille alors de mille feux : l'éditeur Charlot -chantre de Camus- et sa librairie Les vraies richesses, Max-Pol Fouchet et la revue Fontaines, Jacques Canetti et le Théâtre des trois baudets, l'omniprésent Roblès dont la pièce Montserrat vient d'être créée à Paris au Théâtre des Mathurins, et même un certain Robert qui lancera un dictionnaire à son nom ! Il reprend alors du service à Radio Algérie, aidé en cela par deux producteurs qui deviendront des amis, Edouard Kneusé et Jacques Bedos, futur grand de la direction artistique.Il faut dire qu'au "10 rue Hoche", on ne chôme pas : le pianiste s'appelle Jean Claudric, l'orchestrateur Martial Ayella, les musiciens Lucien Attard, Armand Canfora (Salade de fruits)….En 1955, il "monte à Paris", où, comme tout comédien débutant, il va "cachetonner", sérieusement aidé par le Syndicat Français des Acteurs (SFA), qui ont coutume de se retrouver au "Cercle des Jeunes Comédiens". Il faut dire que le président du SFA est un certain Gérard Philipe, dont René retiendra toujours la passion et l'engagement militant. Bientôt, il décroche le rôle principal d'une pièce avec Corinne Marchand, au Théâtre de la Renaissance.

En 1958, il entre à Radio Télé Luxembourg, au grand Duché, pour un remplacement d'été qui débouchera vite sur une seconde carrière. Là, il poursuit et perfectionne son expérience de Radio Algérie, alternant émissions radio, TV, pubs, débats, toujours en direct.Puis en 1960, il remonte sur les planches pour interpréter Dorante dans "Les fausses confidences" de Marivaux, au théâtre des Célestins à Lyon. Une expérience inoubliable qu'il renouvellera avec le rôle du Prince dans "La double inconstance", du même auteur, mise en scène par Yves Gasc. Mais à l'âge de 30 ans, il lui faut faire des choix, et, cette fois, ce sera à nouveau RTL contre… Les jeux de l'amour et du hasard -tout un symbole- !L'Algérie est loin maintenant, Gérard Philipe n'est plus, et il faut se faire un avenir : or la radio est sa seconde passion, puisqu'il y a tout fait ou presque. Il reprend donc l'antenne avec l'émission (très) matinale A votre service, qu'il présente en alternance avec Pierre Saka, puis Lequel des trois ?, Les bons après-midis, dont il devient bientôt l'un des animateurs réguliers. Gilbert Cesbron qui, parallèlement à sa carrière littéraire (on se souvient du célèbre Il est minuit Dr Schweitzer) occupe les fonctions de directeur des programmes, l'appelle à ses côtés et lui confie la responsabilité des émissions littéraires, dramatiques et des feuilletons, à une époque où l'antenne en comptait jusqu'à 4 par jour.