Zid, en
avant pour la place Bresson et l’opéra. Purée, j’ai envie de lui prendre la
main. Peut-être, elle aussi, elle aimerait mais, si jamais, elle refuse, où je
vais m’cacher ? Dans le lac Titicaca ?
Si jamais elle refuse, ce serait pas parce qu’elle m’aime plus mais seulement parce
qu’elle a peur de rencontrer quelqu’un ! On est tchoutche quand on sait pas
si on fait bien ou on fait mal. Et puis, zut, qu’est-ce qu’y a de
mal ? Je lui prends la main d’autorité, purée, elle dit rien. Au
contraire, elle me sourit et elle me serre les doigts comme si elle attendait que ça. Presqu’on
tape cinq. Je caresse sa main en marchant, elle se laisse faire. C’est rien
pour les autres mais pour nous, ça veut dire beaucoup, plus en tout cas que nos
coquineries de la semaine passée à La Vigie.
C’est la preuve - attends je
sors un mot de l’armoire - IRREFUTABLE qu’on est amoureux.
Purée, sa main, elle est
douce. Douce et chaude comme une caresse. La vérité, j’ai bien fait d’aller
avec elle à l’Opéra. La Traviata, elle aussi, je l’aime ! Même Martoune,
je l’aime, alors, c’est dire comme l’amour ça rend niqué d’la tête. Mais, la
purée, c’est tellement bon d’être niqué
d’la tête quand on s’promène main dans la main avec une fille aussi belle
qu’Elizabeth.
Ca y est, elle a les places.
--Tu veux aller au cinéma ?
--Mais ta mère ?
--Le samedi, elle travaille avec ma tante aux Galeries
de France.
Quoi de mieux. On va pouvoir
frotter. Le Midi-Minuit, il accueille deux enfants qui s’aiment. Elle m’a payé
la place. J’lui paierais un créponné à
la Régence au retour. Mais avant, j’vais lui sortir un coup de sminfin couffin dont j’’ai le secret.
Je m’aperçois, quand la lumière, elle est allée chez sa mère, que ma dulcinée
elle a pris goût à des caresses que la
morale réprouve. Zarmah, je parle
bien français. Ma parole, j’suis obligée de l’embrasser goulument pour l’empêcher de ……glousser. Purée, j’ai
envie de lui dire : attends ta mère ! C’est qu’en plus, elle se fait
pas prier pour me rendre la pareille. Ma parole, Daisy, c’était bien mais ça
vaut pas Elizabeth. Ce doit être ça,
l’amour !
Purée, Je croyais
que les filles qui jouaient du piano, qui aimaient le Lac des Cygnes et qui
avaient l’allure d’une princesse, elles étaient pas polissonnes, en plus. Ça
prouve que j’suis encore un minus qui croit que c'est arrivé.
Purée, je connais la moitié du quart de c’que je dois savoir
pour jouer dans la cour des grands. Si je dis ça, à Roland, y va m’prendre pour
un babao.
--On est plus puceaux ! Qu’est-ce qu’il
y a d’autre à savoir ?
--Comment faire une loubia!
Devant sa mine étonnée, je
lui répondrais la phrase de Jean Gabin : je sais qu’on ne sait
jamais ! Bababa,
l’intelligence !
Après le film, on sait
plus s’il était midi ou minuit. Comme le cinéma.
--Viens, on va dire bonjour à ma mère !
--Au Galeries de France ?
--Oui, tu viens ?
Man, j’suis habillé
comme un gavatcho ! Je vois la
mère dire à sa fille : Qu’est-ce que
c’est que cet ostrogot que tu me présentes ?
Bouh, la honte ! Et la
rouf !
--Vas, j’t’attends dehors !
--Je lui ai dit que je venais avec
toi !
Elle me tue, cette
fille !
--Quoi, tu lui as parlé de moi ?
--Eh bien sûr ! Elle veut voir à ce tu
ressembles. Parce que, figures-toi, que je lui dis que je t’aimais.
--Bon, alors, je sais c’qu’il me reste à
faire : m’engager dans la légion !
--Tu es bête ! Allez viens !
Je suis le petit
toutou d’Elizabeth. Ma récompense, la douce promesse de retourner à La Vigie
pour des polissonneries.
Elle marche devant
moi et moi, rien que j’regarde son balancement. Je rechigne à avancer. Elle me
prend la main comme si que j’ai 5 ans.
Oh putain, une
jolie femme elle lui sourit. Une vendeuse
de sacs. Putain, elle me regarde…..j’sais plus où me mettre.
--Alors c’est toi qui fais tourner la tête à
ma fille ?
La classe ! C’est
qu’en plus elle est belle cette mère ! Purée, si sa fille elle est aussi
jolie à son âge, j’vais lui demander qu’elle me fasse un paquet-cadeau :
j’achète !
Je bredouille un
bonjour tout timide. Je meurs quand
elle dit à Elizabeth.
--Tu as bon goût, ma fille !
En temps normal, je
deviens un personnage de Tex Avery mais, là, je m’contente de rougir en dedans
parce que je rougis jamais en dehors.
Elizabeth, elle
veut me prendre la main mais je la retire fissa
fissa. Eh, j’ai honte devant sa mère.
Elle donne les
places de l’Opéra à sa mère et on décampe vite fait. En sortant des Galeries de
France, j’ai l’impression d’être fiancé pour de bon ! Y manque plus que ma
mère pour que la noce elle soit complète ! Elizabeth, elle est heureuse,
je plais à sa mère ! Putain même avec sa blouse des Galeries de France,
c’est un canus. Elle doit avoir
quarante-cinq ans à tout casser et son
mari, avant de mourir, il a dû se régaler. Si j’ai l’assurance qu’Elizabeth,
elle est aussi belle que sa mère, à son
âge, ni une, ni deux, je l’épouse ! Eh, c’est que, moi aussi j’veux me
régaler avec ma dulcinée. Déjà, elle m’a donné un p’tit aperçu de ses capacités
pour avoir envie d’approfondir le sujet. Purée, je philosophe, hein !
On rentre à Bab El
Oued en flânant. Elle s’arrête pas de m’prendre la main. La gomme arabique,
c’est kif kif. Elle est amoureuse,
la pauvre. Et la vérité, je fais le blazé total, j’suis fier comme Artaban de
marcher avec une fille comme elle. La
vérité, j’aurais préféré écrire comme d’Artagnan pour faire plus chevaleresque mais je sais
que le lecteur c’est un samote, alors, je m’abstiens. (Un écrivain, y peut tout se permettre mais
comme j’suis un babao qui écrit pour passer le temps et, pas pour faire
l’écrivain, je me permets quelques fantaisies pataouètes.)
Ca y est, on arrive
chez nous, à Bab El Oued. Elle rentre chez elle et moi, je rejoins la bande de
bras cassés qui reviennent du Janil’s. Quand je raconte mon après-midi, avec en
apothéose, la mère d’Elizabeth qui trouve que sa fille elle a bon goût, c’est
bizarre, y font les étonnés, ces pourris.
--Aouah ?
Comme si ma parole,
c’est du pipi d’chat ! Alors, j’suis obligé d’ajouter Ma parole d’honneur pour
qu’ils me croient, ces coulos. Le
seul intelligent, c’est Capo. Lui y se marre !
--Quand tu te maries ?
--Va
à fancoule !
Roland, y sait pas
quoi penser. Il oscille entre la plaisanterie et la…………plaisanterie.
--Et alors ?
--Si tu vois sa mère, tu meurs !
--Elle est vilaine ?
--Tié fou, c’est un putain de canus, on dirait Gina Lollobrigida et
ma parole, elle a dit que sa fille elle a bon goût.
--Aouah ?
Zid avec son aouah.
--Sans arrêt tu vas me dire aouah ?
--Tu vas la niquer !
--N’importe quoi ! C’est la mère
d’Elizabeth, ya r’mar que tié !
Roland y doute de
rien quand il s’agit pas de lui.
--En plus, c’est normal qu’elle soit belle,
c’est ta belle-mère !
Roland y se paie
une de ces couches, j’vous dis pas !
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J’adore votre écriture Cher voisin de là bas....Un vrai régal ! Pour moi qui habitais la plus belle avenue du monde « Les Champs Elysées de Bab el Oued en quelque sorte... Les 3 horloges remplaçant L’Arc de Triomphe je ne peux être qu’admiratif pour votre style alerte bien de chez nous rempli de passion et de nostalgie pour ce quartier que nous aimions tant.
RépondreSupprimerBravo et Merci pour le partage. Merci aussi pour les diaporamas .
Bien cordialement.
Un « Oualioune du Triolet.