L’auteur,Karim Akouche est poète, romancier et dramaturge.
Né en Kabylie, il vit au Québec.
Publié le 11 janvier 2016 à 10 h 59
Après les horreurs du vendredi 13, la France de demain ne
sera plus comme avant.
Elle ne sera plus la France d’hier.
Elle sera semblable, à quelque chose près, à l’Algérie des
années 90 :
Paris sera Alger. Toulouse, Blida ou Média. Lyon,
Ain Defla. La Kabylie, la Bretagne.
Ce
n’est pas difficile à prédire. C’est même une évidence pour celui qui, comme
moi, a vécu la guerre civile algérienne, côtoyé la violence aveugle des fous de
Dieu, marché sur des flaques de sang et des morceaux de chair.
Ça
a débuté comme ça : en bruit de pantoufles avant que ne retentissent les
kalachnikovs et les bombes.
On
pensait que c’était un jeu. Comme ces pétards que les enfants faisaient exploser
lors de l’aïd et de l’anniversaire de la naissance du Prophète.
On
riait des qamis et des barbes hirsutes des intégristes. C’étaient nos « pères
Noël ».
Ils
n’apportaient pas de cadeaux, ne distribuaient pas de bonbons, mais ils aimaient
nous raconter des histoires obscures sur l’enfer et le jugement
dernier.
On
trouvait leur façon de s’habiller exotique. Car, à la fin des années 80, rares
étaient eux qui portaient ces accoutrements importés d’Afghanistan et
d’Iran.
Puis ça a continué comme ça : par l’intimidation. Avec des
mots qui, certes, étaient trop violents pour mes oreilles d’enfant, mais c’était
de simples mots.
Les
islamistes harcelaient les femmes libres, les démocrates et les laïques. Ils
traitaient les progressistes de dépravés, de suppôts des croisés.
Parfois, ils donnaient des coups de poing, de simples coups
de poing.
Puis ça a progressé. Ils utilisaient des objets, de simples
objets : des galets, des cordes, des seringues d’acide, des couteaux, des
haches…
Ensuite ça a basculé : les islamistes ont embarqué le
peuple dans un bateau ivre, pour un long voyage au bout de la nuit…
Sans crier gare, ils ont sorti les armes à feu, les fusils
à canon scié, les bonbonnes de gaz et tout leur attirail de
guerriers.
Ce
n’était plus un jeu. C’était sérieux, mais c’était la folie...
Les
barbus tuaient les poètes, les fonctionnaires, les enseignants, les médecins…
puis les gens ordinaires, le « petit » peuple.
Les
journalistes rasaient les murs, ils étaient devenus des nécrologues.
Ils
n’écrivaient plus d’articles, ils comptabilisaient les morts. Les cafés et les
trottoirs se vidaient, les gens se donnaient rendez-vous aux cimetières et
parfois on enterrait à la pelleteuse.
Grisé par le sang, l’islamiste a redoublé de violence. On
l’a vu éventrer les femmes enceintes, jeter des bébés dans des micro-ondes,
égorger des villages entiers : Bentalha, Beni-Messous, Larbaa, Raïs… des
toponymes qui donnent encore froid dans le dos.
L’islamiste est partout le même. Il carbure à la haine. Son
vocabulaire est pauvre. Il ne maîtrise que quelques verbes, souvent équivalents
: tuer, exécuter, massacrer, violer, brûler, détruire…
Il
ne lit qu’un seul livre, le Coran. Il n’obéit qu’aux seules lois d’Allah et de
son Prophète.
Il
dort avec un seul mot dans la bouche : vengeance. Il ne se réveille qu’avec un
seul désir : éliminer un maximum de mécréants.
L’islamiste joue au sourd et au muet. Toute tentative de
dialogue avec lui est vouée à l’échec. Il préfère le monologue. Il refuse le
débat d’idées. Il préfère le terrain de la menace. Gare à celui qui le
contredit.
L’islamiste n’a pas d’arguments, mais il a des versets. Il
n’a pas de cœur. Il ne connaît pas la peur. Si les balles tombent sur lui, il
les affrontera avec le sourire. Sa devise : la vie ne vaut rien, mais rien ne
vaut la mort.
Pour lui, la mort, c’est l’éternel bonheur : il s’y
abreuvera aux rivières de vin (breuvage interdit sur terre !) et à la tendre
chair des houris.
L’islamiste n’est pas un animal de compagnie. On ne doit
pas le caresser dans le sens de la barbe, ni lui faire confiance. Il a le
cerveau malade.
Les
crocs acérés. La gâchette facile.
Son
entreprise s’appelle la terreur.
L’islamiste ne réfléchit pas, ne recule pas, il fonce. Il
ne rafistole pas, il achève.
Son
objectif : soumettre l’humanité à la Oumma, la nation islamique
mondiale.
Son
droit chemin lui a été tracé par Allah et Mahomet. Les autres voies lui sont
impénétrables.
Jouer avec lui, c’est comme badiner avec un serpent. Il
glisse. Il mord.
On
ne peut pas le dompter, il tue.
En
voulant l’instrumentaliser dans leur stratégie contre leurs démocrates, les
dirigeants algériens l’ont payé cher lors de la décennie noire. Le serpent leur
a échappé des mains. Bilan : plus de 200 000 morts.
L’islamiste est perfide. Il affectionne la ruse. Il
brouille les pistes. Il peut être un loup solitaire, mais il chasse souvent en
meute.
Il
n’aime pas la démocratie, mais il s’en sert. Il déteste la liberté, mais il en
abuse pour propager son idéologie. Il n’aime pas les technologies, mais sait
remarquablement s’en servir afin de faire avancer sa cause.
L’islamiste a repéré les failles des démocraties
occidentales. Il sait qu’il est un bourreau, mais il joue à la victime. S’il
brandit le spectre de l’islamophobie, c’est pour culpabiliser le démocrate et le
pousser à céder du terrain où il sèmera ses graines.
L’islamiste gagne chaque jour des batailles contre
l’Occident. Il a réussi à restreindre la liberté de pensée, à séparer les femmes
des hommes dans certaines piscines, à halaliser les menus scolaires et même les
rations militaires, à fragiliser la laïcité, à ouvrir des mosquées dans les
universités, à gagner des procès contre des États, à verrouiller plusieurs
institutions internationales…
L’islamiste a deviné le gouffre spirituel dans lequel est
plongé l’Occident.
Il
compte le combler.
> Il sait que le capitalisme sauvage crée des solitudes et que celles-ci tuent dans les villes. Il a trouvé un remède au stress et à l’ennui : son prosélytisme dynamique et le mirage de sa fraternité.
> Il sait que le capitalisme sauvage crée des solitudes et que celles-ci tuent dans les villes. Il a trouvé un remède au stress et à l’ennui : son prosélytisme dynamique et le mirage de sa fraternité.
L’Occident est en train de perdre sa guerre contre
l’islamisme.
Sans courage ni lucidité, il perdra aussi son
âme.
La
France, quant à elle, risque de devenir très vite l’Algérie des années
90.
Depuis, vint le 14 juillet…
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