L’Echo
d’Alger, il annonce un été magnifique. Et
l’été sera magnifique. Tous les midis, châ, châ je retrouverais mes amis à
Padovani pour taper le bain jusqu’à deux heures de l’après midi, je déjeunerais à la maison pour rassurer ma mère
puis je taperais une sieste carabinée ou
bien je m’encanaillerais auprès de Rosa
pour battre le record établi la veille,
puis pénard, je rouvrirais le salon à
quatre heures. Vous me direz : et tes frères, les pauvres, jamais y vont à
la plage pour nager et mater les minettes? Moi, je réponds que mes frères
y m’ont pas attendu pour draguer les gonzesses. A 15 et 16 ans, tu voudrais pas
que çà les démange pas ? Bon sang ne saurait mentir, ne t’en fais pas, va,
le Chabanais y vont bientôt connaitre.
--Mon fils, tu
as vu tes frères, y m’en font voir de toutes les couleurs ! Tu sais
c’qu’il a fait, ce salopris de Robert ?
Je
sais que ma mère elle prend tout au tragique.
--Qu’est-ce
qu’il a fait encore ?
--Un coup de
sang, je vais attraper, si y continue comme ça, il va pas avoir son baccalauréat !
--Pourquoi ?
-- Y veut plus
aller au lycée !
Robert
qui ne voulait pas couper la parole de sa mère attendit patiemment de pouvoir
s’exprimer.
--Les cours y
sont finis ! y a que les fayots qui vont au lycée. En ce moment, c’est les
examens ! Il
tente de se justifier comme il peut. Je viens à son secours.
--Man, cette
année, elle est terminée ! Fais lui confiance. Son année est réussie, il
passe en seconde !
--Oui, c’est ça,
dis aussi que je suis une imbécile !
Il
faut que je la calme sinon elle va passer des nuits blanches style qu’est-ce qu’on va faire de toi ?
--Et dans deux
ans, il aura son baccalauréat !
--Ah oui !
Et qu’est-ce que tu en sais ?
--C’est mon
frère et s’il est aussi intelligent que moi, les doigts dans le nez, il
l’aura ! Je
réponds sur le ton de la plaisanterie mais ma mère est loin d’être convaincue.
--Ne t’en fais
pas, man, je gère tout !
--Purée,
heureusement que tu es là ! Ah si papa il était toujours vivant………..
On
sonne à la porte. C’est la fille du rabbin Chemoul qui illumine le palier.
--Bonjour, je
peux voir votre mère ?
Sa
voix, c’est un violon. Un son cristallin sort de ses lèvres qui ressemblent à
un bonbon à la framboise.
J’entends
ma voix murmurer une invitation qui semble une prière.
-- Entrez, Manman,
c’est pour toi ! Entrez, entrez…. !
--Eh bien, qui
c’est ?
--C’est Edith,
la fille de madame Chemoul ! Annonce la jolie visiteuse.
--Entre ma
beauté ! Je suis en train de faire la salade russe. Qu’est-ce tu veux, ma
fille ?
Ma
beauté par-ci, ma fille par-là ! Purée, ma mère, elle l’a adoptée, ou
quoi ?
--Maman demande
si vous avez un citron ? Elle vous le rendra demain.
--Tiens, ma
fille ! (purée,
elle insiste, hein !)
Elle
dit poliment merci, puis au revoir et elle s’engage dans le couloir. Je la suis
en regardant là où c’est vilain et je lui demande :
-- Je vous ai
jamais vue dans la rue, vous ne sortez jamais ?
--Bien sûr que
je sors mais…..je fais attention à mes fréquentations.
Et
pan dans les gencives mais elle a un si joli sourire.
--Tu as vu mon
fils comme elle est belle !
--J’ai vu ! Je réponds
l’air faussement détaché car je sais qu’elle va me faire l’article.
--Purée, quels
beaux petits-enfants vous me feriez !
On
LUI ferait ! Des, comme ma mère, y’en a pas deux ! Moi, je joue le
jeu.
--Man, pourquoi
tu vas pas demander sa main à sa mère ?
Elle
sort de la cuisine comme une bombe.
--C’est vrai mon
fils ! Aille, comme je serais heureuse, la fille d’un rabbin !
La
main bien ouverte contre sa poitrine signifie qu’elle est aux anges. Elle parle
toute seule en arabe. Je la ramène à la réalité.
--Man, tu crois
que le rabbin y donne sa fille à un garçon qu’il connait à peine. Zarmah, il échange
sa fille contre un citron!
--Y faut
toujours que tu gâches tout ! Je me penche vers elle, je l’entoure de
mes bras et l’embrasse bruyamment afin de me faire pardonner de l’avoir bernée.
Bernée,
pas tant que ça ! Cette petite, elle va me trotter dans la tête. Elle me
trotte déjà dans la tête et même elle
galope. Le fameux coup de foudre, il est pas loin ! Rosa, au
secours ! Parce que si je lui fais le coup de la séduction, avec son père
qui va vouloir me faire la leçon, qui va me surveiller comme le lait sur le feu
et ma mère par-dessus le marché, adieu les folles excursions au pays de la
luxure que me propose la lubrique divorcée. Je sais que cette aventure ne
durera qu’un temps mais comme elle me dit la concierge qui est dans la
confidence, profites mon fils,
profites ! Alors, je profite et pas qu’un peu ! Il sera bien
temps de songer au mariage et tutti quanti !
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