Le commerce maritime reprit
son activité coutumière. Il s'amplifia avec les besoins de la FRANCE et les
nombreuses navettes en provenance de MINORQUE, d'ITALIE et d'ESPAGNE. Les navires
des notables juifs sillonnèrent à nouveau une Méditerranée débarrassée de ses
pirates de la " course"
partis commettre leurs méfaits sous d'autres latitudes.
Le 8 août, sitôt débarqué de
"La Ziza ", frégate qui lui
appartenait, Jacob BACRI annonça au Général DE BOURMONT les "Trois
Glorieuses", le renversement de CHARLES X et la prise du pouvoir et du
trône par Louis PHILIPPE d'ORLEANS. Visiblement contrarié par cette fâcheuse
nouvelle qui demandait confirmation, il remercia la Maison BACRI et, à travers
elle, toute la communauté israélite, avec la promesse solennelle de les tenir
informés de l'évolution d'une situation qu'il ne maîtrisait plus.
Une semaine plus tard, le 17
août, la cocarde tricolore prit lieu et place de la cocarde blanche. Jacob BACRI
et Léon Juda furent, alors, convoqués par le Commandant en Chef, élevé à la
dignité de Maréchal de France par la volonté du roi déchu. Le Général d'Empire,
Bertrand CLAUZEL était nommé à la tête des armées de France. Le 3 septembre, le
Maréchal DE BOURMONT embarqua sur le brick autrichien "AMATISSIMO ",
disant adieu à ce pays qu'il avait en partie conquis.
Profitant de son voisinage et des bonnes relations
qu'il entretenait avec le lieutenant MAC MAHON, Léon Juda rendit visite à celui
qui deviendra, quelques années plus tard, le premier personnage de l'Etat.
Devant un verre d'absinthe, le soldat confirma la volonté du Général CLAUZEL
d'étendre la domination de la FRANCE sur le territoire, jadis, occupé par la
Régence.
Les affaires pouvaient reprendre. Les affaires et
les élections car, si les autorités françaises se réjouissaient de l'adhésion
des israélites à leur drapeau, elles désiraient en canaliser l'énergie et
l'avidité de ses dirigeants.
Aussi décidèrent-elles de nommer, chaque année, un
chef de la nation juive d'après une liste de trois notables élus par l'ensemble
des représentants civils et religieux de la communauté. Un "moqqadem " à
l'influence modérée, circonscrite à la police, la justice et l'imposition.
C'est le Général CLAUZEL, lui-même, qui
départagea Haïm SASPORTES, Léon Juda et
Jacob BACRI en favorisant ce dernier. Douce revanche pour cet homme qui eut à
subir, sous le régime ottoman, la concurrence des DURAN et qui se voyait
propulsé, par l'un des grands pays de ce monde, Chef de la Nation Juive.
Même si la rivalité entre les "porteurs de turbans" et les "porteurs de bérets" s'estompait, même si les
prérogatives accordées par le pouvoir se trouvaient amputées, le prestige
indéniable d'une telle distinction rejaillissait sur toute la maison BACRI
.
*****
Successeur de DE BOURMONT le 12 août 1830, le
Maréchal CLAUZEL fut prié de regagner PARIS le 31 janvier 1831.
Rusé et louvoyant, il désirait nommer des "Beys"
tunisiens, vassaux de la FRANCE, pour les villes d'ORAN et CONSTANTINE afin
d'établir sa domination sur les trois capitales du pays
Par ailleurs, il menaçait de déclencher une guerre
contre le Sultan du MAROC dont les troupes occupaient le Royaume de TLEMCEN
Cette méconnaissance du pays, de ses habitants et de
la mentalité orientale eurent raison de ce soldat entreprenant, à l'indiscutable
envergure de commandant en chef des armées. PARIS jugea plus prudent de le
rappeler.
Cette valse-hésitation du pouvoir en AFRIQUE DU NORD
inquiétait fortement la communauté israélite, offrant aux sceptiques de solides
arguments pour contrecarrer la politique d'émancipation acceptée du bout des
lèvres, quelques mois auparavant
Au sein des synagogues, le débat entre les tenants
de la modernité et les apôtres du conservatisme prenait le pas sur la prière.
Le projet du judaïsme français, de mettre sous tutelle le judaïsme d'AFRIQUE DU
NORD, monopolisait toutes les énergies et le Consistoire Central se
heurtait à l'école du judaïsme médiéval
farouchement déterminée à résister à l'occidentalisation des esprits, fut-elle
spirituelle. Les "séfarad"
estimaient que l'héritage d'aussi éminents savants que MAÏMONIDE, GERUNDI
"NAHMANIDE", RIBACH, RASHBAZ, ENKAOUA, BEN NISSIM, CHOURAQUI, AYACHE,
BEN ATTAR et beaucoup d'autres valait bien l'enseignement dispensé à PARIS,
STRASBOURG ou CARPENTRAS.Crise d'incompréhension entre deux cultures hébraïques
chargées d'histoire, deux mondes parallèles dont les routes, pourtant communes,
ne semblaient jamais devoir se rejoindre.
A plus forte raison lorsque les pouvoirs
tergiversent!
Hélas, le conflit
intercommunautaire ne se limitait pas à une divergence de vues entre ALGER et
PARIS.
*****
Le Chef de la Nation Juive,
Jacob COHEN-BACRI profita de son rang pour entacher la dignité de sa fonction.
Poursuivi par ses nombreux créanciers sur le plan commercial, il remboursa ses
dettes en puisant dans les sommes récoltées par la communauté pour le
soulagement de la misère publique. En conflit permanent avec les gardiens du
temple, tant sur le plan religieux avec
les Rabbins que sur le plan de la conscience avec les "sages", il n'hésita point à faire
emprisonner les notables qui dénigraient sa gestion des deniers publics.
Encouragés par leurs coreligionnaires, six notables israélites, Jacob
COHEN-SOLAL, Elie SAFRANI, Haïm SASPORTES, Jacob AMAR, Mardochée NARBONI et
Léon Juda BEN DURAN demandèrent la révocation de Jacob COHEN-BACRI à
l'Intendant Général, le Baron BONDURAND, nommé par le nouveau commandant en
chef de la " division d'occupation", le Général BERTHEZENE.
"A l'arrivée de l'armée française à ALGER, BACRY fut nommé Chef de la
Nation Israélite; mais, lorsque le Baron VOLANT fut envoyé dans le pays comme
intendant général, ce haut fonctionnaire fit faire défense à BACRY de
s'immiscer dans les affaires de la nation israélite.................Pour un
reste d'égard et pour lui donner la faculté de sortir de l'administration avec
plus de dignité, Mrs CADET DEVAUX et DURAND sollicitèrent et obtinrent un
sursis à l'arrêté....afin qu'il eut le temps de donner sa démission. Mais le
départ de Mr CLAUZEL et par suite de Mr VOLANT, il a cru devoir ne point user
de la voie qui lui était ouverte de donner sa démission.
Maintenant, Mr l'intendant général, nous allons sommairement indiquer
les griefs qui nous font vivement solliciter cette destitution.........
Que les revenus de la nation israélite destinée au soulagement de la
misère publique, au lieu d'être distribués aux ayant droit avec l'examen qui
doit présider à la remise de fonds aussi sacrés que celui de l'aumône, l'est
aux gens à gager du Sieur BACRY ..........……
Qu'il a retenu
par devers lui une somme d'argent appartenant à la nation.........
…..Que Mr
BACRY doit à un très grand nombre de personnes, que par suite de non-paiement,
il est poursuivi judiciairement par divers particuliers et, qu'ainsi poursuivi
dans sa propre existence, il ne peut administrer les affaires publiques............
Que plusieurs
israélites lui ayant fait des observations sur sa manière d'être........il se
joua de notre liberté en faisant emprisonner arbitrairement et au mépris de
tous les principes, les notables qui lui ont fait des représentations.....
Nous nous
résumons, Mr l'intendant général en sollicitant de votre justice trois ou
quatre personnes qui administreraient les affaires de notre nation........."
A SUIVRE................
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire