samedi 2 juin 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "sieur Durand d'Alger" de hubert zakine

Le blocus

HUSSEIN PACHA fit mander les notables de la communauté israélite en ce 21 mai 1827. L'été avait déjà habillé la cité de lumière et la campagne saturait les couleurs du printemps. La terre ardente sentait bon l'effervescence du roi soleil qui nappait le paysage d'or et de miel. Les chemises bouffantes, les larges "gandourah", les robes légères face au "sirocco" et, au loin, la mer que l'on devine pour combattre la fournaise, que l'on imagine fraîche et sensuelle, prête à combler l'âme et le corps.

Jacob COHEN-SOLAL, Haïm SASPORTAS, Mardochée NARBONI, Jacob COHEN-BACRI, Eliaou AMAR précédèrent Léon Juda sous les lourdes portes de la résidence du Dey.

--" Selon des sources bien informées, la FRANCE arraisonnera tous les navires à l'entrée et à la sortie des ports d'EL DJEZAIR. Faites en sorte que le ravitaillement de la cité ne soit pas perturbé! L'exclusivité du marché de la Régence n'est plus entre les mains exclusives de la Maison DURAN. Quiconque fournira les besoins du pouvoir sera honoré!"

Eliaou AMAR prit ensuite la parole.

--" Votre Seigneurie! Les plus folles rumeurs circulent dans la ville et, d'une porte à l'autre, les propos alarmistes diffèrent!"

--" La menace d'un blocus imminent m'a été rapportée par les consuls de GRANDE-BRETAGNE, d'ESPAGNE et d'ITALIE. Je tiens leur crainte fondée. Aussi, faites de même et tout se passera bien."

Les six notables quittèrent ensemble le Palais du Dey avec un problème épineux sur les bras. La mer était l'alliée la plus précieuse pour ces négociants de grande envergure. Si la FRANCE mettait sa menace à exécution, c'était tout le commerce maritime qui s'effondrait.

Aussi, s'enquirent-ils des moyens restant à leur disposition pour convoyer les marchandises.

Jacob BACRI marquait un point important dans sa rivalité avec Léon Juda grâce au blocus qui cassait, de facto, le monopole des DURAN auprès de la Régence. Sa position privilégiée auprès du Consul d'ESPAGNE, le "vieux" Joseph BACRI, lui ouvrait la voie royale d'approvisionnement par la route de GIBRALTAR .

De leur côté, les frères DURAN multiplièrent les contacts avec le Consulat anglais afin de mieux évaluer la situation.

Convaincus de l'exactitude des renseignements de la Régence, Léon Juda et Haïm DURAN stockèrent toutes les marchandises non périssables, activant la ronde des caravanes pour les territoires du sud, les ports d'Oranie à l'Ouest et du Constantinois à l'Est. Le temps pressait et il fallait prendre de vitesse la concurrence.

Achetant à tour de bras aux céréaliers toutes les réserves d'orge, nourriture essentielle du pays, ils spéculaient sur la pénurie alimentaire qui découlerait du blocus imposé par la FRANCE présentée par son oncle Benjamin, lors de son séjour marseillais, comme une grande puissance militaire.

HUSSEIN PACHA, habité d'une confiance inébranlable en son potentiel défensif, se gardait de toute nervosité. Il passa quelques jours à inspecter les batteries de canons qui regardaient le large. Il visita le fort BAB AZOUN posé sur un promontoire situé à quelques encablures du port, à l'emplacement futur du "square GUYNEMER", le fort de la MARINE qui dominait la mer où se situera l'îlot de l'amirauté, le fort des ANGLAIS à BOLOGHINE, futur SAINT-EUGENE, le fort DES 24 HEURES qui servit de prison militaire à 300 condamnés, bâtisseurs du môle, du port et du jardin qui portera le nom du maître d'œuvre, le lieutenant-colonel MARENGO, le fort NEUF, rempart de BAB EL OUED qui disparaîtra en 1928 pour laisser la place à la construction du square NELSON..

Confiant en sa bonne étoile et sûr de l'invulnérabilité de la muraille qui ceinturait EL DJEZAIR, le Dey ordonna que l'on forçât le blocus. Encouragé par ses "aghas", chefs militaires ou officiers de haut rang ottoman, les dignitaires et les consuls, HUSSEIN PACHA arma onze bâtiments de la flotte turque qui tentèrent de se frayer un chemin, appuyés par les salves de feu crachées par les batteries des forts BAB AZOUN et de la MARINE.

Le Commandant COLLET, pacha du blocus, l'oeil rivé à la lunette, manoeuvra avec tant de maestria que les navires battant pavillon vert et rouge effectuèrent une prudente retraite sous le regard furieux du maître de la " cassaubah".

A SUIVRE.................

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