mardi 22 mai 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "sieur Durand d'Alger" de Hubert Zakine

Depuis cinq années, Léon Juda ravitaillait la Régence en produits divers, assumant la "djizzya" et les taxes commerciales qui enflaient heureusement le "Trésor" ottoman, affaibli par l'essoufflement de la piraterie. Nommé "moqqadem" par le Dey afin de contrebalancer les prérogatives dévolues à Jacob BACRI élu "Chef de la Nation Israélite" par les notables de la ville, il se savait "l'espion" de HUSSEIN.

Ce pouvoir à deux têtes ignora les besoins de la communauté pour mieux s'entredéchirer au seul profit de leur puissance économique et de l'influence exercée sur les dignitaires de la "cassaubah". L'honneur perdu des BACRI trouvait là, un combat à la mesure de l'enjeu qui déchirait la communauté. Hélas pour lui et pour ses associés, la "créance BACRI" remonta à la surface poisseuse pour évoluer dans les eaux troubles de la Méditerranée entre EL DJEZAIR et PARIS.

Préoccupé par cette situation embarrassante, Jacob délaissa sa fonction pour dénouer les fils de cette intrigue qui indisposait la FRANCE et HUSSEIN PACHA, héritier d'une affaire dont il se serait bien passé.

Recommandé en 1794 au Comité de Salut Public de la Convention par son frère Michel COHEN-BACRI, "BEN ZAHOT", épicier à ses heures et banquier des Sultans HASSAN PACHA et SIDI HASSAN dans les années 70, Jacob mesurait l'impression détestable causée par la "créance BACRI" sur ses relations avec ses amis français.

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Le coup d'éventail

En ce 27 Avril 1827, veille de l' "Aïd El Séghir" qui marquait la fin du "Ramadan", Le Dey demanda la présence de ses "drogman" pour recevoir les consuls de FRANCE, d'ESPAGNE, du DANEMARK, de GRANDE-BRETAGNE, d'ITALIE et de HOLLANDE.

Léon Juda franchit la poterne qui faisait office de frontière où la garde noire d’HUSSEIN PACHA filtrait les visiteurs de la forteresse de la "cassaubah". Puis ce fut la "skifa", le patio dallé de marbre blanc nervuré d'azur, la fontaine de faïence bleue et sa cascade perpétuelle au murmure entêtant. Isolant le patio des regards indiscrets, un superbe oranger parfumé jusqu'aux étoiles, déviait sur la galerie aux colonnades mauresques où trônait le Dey, assis en tailleur sur une estrade décorée de faïence italienne et parcourue de nattes et de tapis de TURQUIE.

Cerné par les dignitaires d'EL DJEZAIR, l'homme fort du pouvoir ottoman montra du doigt son bureau à Léon Juda, l'invitant à prendre place pour noter l'entretien qu'il accordait aux Consuls européens.

Né à CONSTANTINOPLE d'un père "drogman" de l'empire ottoman, Pierre DEVAL représentait les intérêts de la FRANCE en EL DJEZAÏR. Il avait été nommé en raison de ses connaissances des moeurs orientales. Il pensait en oriental, il agissait en oriental et le Dey le soupçonnait de corruption dans l'affaire de la créance BACRI. Aussi, demanda t-il son remplacement par un homme ignorant les us et coutumes du pays et, par conséquent, honnête. La FRANCE ne tint aucun compte de la volonté du Régent, accentuant le ressentiment du Dey à l'encontre de DEVAL.

Pourtant, le Consul de FRANCE respectait à la lettre les obligations imposées par sa fonction. Invité, comme tous les consuls, au Palais pour fêter le petit "beïram", il présenta ses civilités au maître des lieux qui porta la discussion sur la créance BACRI. Le désaccord fut total. HUSSEIN traita DEVAL de menteur, le soupçonnant de ne point avoir transmis, au Roi, ses doléances. Il le traita de méchant, d'infidèle, d'idolâtre. Le consul répliqua assez vivement, précisant :
-- "un Roi a bien d'autres choses à faire que d'écrire à un homme comme toi!"
Le Dey, vexé par ce manque de courtoisie et de respect dus à son rang et à son âge, le pria furieusement de sortir mais DEVAL le toisa avec arrogance. Il reçut en réponse à cette attitude insultante trois coups de chasse-mouches dont deux échouèrent sur l'épaule du dignitaire français.

Blessé dans son orgueil, en son nom et en celui de la FRANCE dont il portait fièrement le drapeau, Pierre DEVAL se retira.

Léon Juda qui avait assisté à toute la scène, annotant chaque intervention, estima l'escarmouche insignifiante tant il savait le Dey coléreux et ses emportements légendaires. Il ignorait, alors, l'importance de ces coups de chasse-mouches, d'éventail pour certains, sur le sort futur de sa terre natale qui débouchera, trois années plus tard, à la conquête de ce morceau d'AFRIQUE.

A SUIVRE...................

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