lundi 5 décembre 2011

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN " SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine

(SUITE)
Léon Juda aima cette maison musulmane. Il s'y sentait bien, autant que chez son oncle Salomon, le travail en moins. Encouragé, il est vrai par l'hospitalité du maitre des lieux qui se prit d'affection pour ce jeune juif avide de savoir.

Remarquable conteur, le père d'ABD EL KADER parlait avec amour et dignité de la tribu des "hachem" au sein de laquelle il cumulait les fonctions de "marabout" et de "moqqadem". Lors des longues veillées passées en tête-à-tête, Léon Juda buvait chacune de ses paroles, interrogeant sans cesse MAHI ED DINE qui projetait ces conversations, quelques années plus tard, avec son fils en lieu et place de ce jeune garçon juif auquel il prédisait un bel avenir.

Influent au sein de la "Kadria", l'une des plus anciennes et des plus importantes confréries de l'ISLAM, il prétendait, avec assurance, descendre du Prophète, raison pour laquelle les tribus demandaient son arbitrage lors de différents d'ordre religieux ou spirituel.

Léon Juda découvrit cette emprise sur son peuple et sur l'âme musulmane au cours de la "zyara" . En cortège multicolore, des visiteurs envahirent la Guetna par familles entières, arborant fièrement les bannières de leurs armes, porteurs d'offrandes pour les pauvres au Marabout.

Durant toute la journée, un incessant flux et reflux de pélerins participa à cette grandiose fête de charité alors que les jeunes guerriers, dans une folle fantasia galopant vers l'horizon, déchargeaient leurs fusils en direction d'un ennemi imaginaire.

Un repas, pris en commun, scella l'union de toutes les tribus participantes puis la nuit se coucha sur la plaine de l'Eghriss, exhumant mille parfums que l'aurore dissipa. 

Son séjour s'acheva deux années plus tard.Les chevaux, les mulets, les brêles, les boeufs, les semences et les paturages n'eurent plus de secret pour lui.

Son oncle Salomon et MAHI ED DINE s'étaient relayés pour transmettre à l'enfant la connaissance ignorée des livres. A présent, il portait en lui la somme conjuguée de deux expériences complémentaires, la juive toute en pratique et la musulmane empreinte de théorie et de spiritualité mystique que son esprit associa, sans trop de difficulté, à l'enseignement reçù à l'école  hébraïque d'Abner Ben DAVID.

Léon Juda regagna EL DJEZAIR avec l'étrange sentiment d'un bonheur contrarié, à mi-chemin de la joie et des larmes, heureux d'un retour à la maison familale mille fois espéré, mais chagriné de s'éloigner de ses deux parents, l'un par le sang reçu, l'autre par le coeur élu.

Au moment du départ, MAHI ED DINE lui offrit le vieux "yatagan" de son père, symbole chez les membres de la tribu des "hachem" de la descendance et de la filiation.

--" Sois toujours fier de le porter à ta ceinture car mon père, EL MOSTAFA, était un grand guerrier! Et n'oublies jamais ton vieil ami MAHI ED DINE!"

Il pressa l'enfant sur son coeur, porta la paume de sa main droite à la poitrine, embrassa le bout de ses doigts puis tourna les talons, laissant Léon Juda interdit, le yatagan dans les mains et les larmes roulant sur son visage.

 YYY

Benjamin DURAN

Durant son séjour à Mascara, Léon Juda avait développé de réelles qualités physiques et intellectuelles. Il était devenu un jeune homme de fort belle prestance, sujet d'intérêt et de conversation de familles israélites qui espéraient ce beau parti pour leurs filles à marier.
Vêtu à la turque d'habits modestes et sombres, comme le stipulait l'ordonnance du statut des juifs qui recommandait aux enfants d'ISRAEL d'éviter les couleurs rouge et verte du drapeau ottoman, Léon Juda attisait également la convoitise des jeunes filles en fleurs, fussent-elles musulmanes. Aussi, sa mère, Aïcha et sa grand-mère, la petite mémé, qui se pâmaient d'amour pour l'enfant prodigue, n'eurent de cesse de promettre les foudres de Dieu s'il succombait à la traîtresse tentation. Mais les traditions orientales s'enfonçaient dans cette terre telles les racines d'un arbre millénaire. L'indécence  d'une union mixte se heurtait aux mentalités très fortement imprégnées de communautarisme religieux et de survivance du peuple élu.
Plus près des réalités, son père, David DURAN poursuivit l'éducation de son fils en le confrontant, à PORSMOUTH, à la négociation puis à la réalisation d'un fructueux marché de produits céréaliers avec l'ANGLETERRE dont il représentait les intérêts en AFRIQUE DU NORD.
Léon Juda apprécia fort peu ce voyage outre-manche. Une mer furieuse lui vida les tripes et le coeur. La méchanceté de cet océan en colère contrastait tant avec sa Méditerranée, tendre et câline comme les femmes de son pays, qu'il se promit de ne plus emprunter cette "mer infidèle" et ô combien inhumaine !
Pourtant, après avoir mesuré tout le chemin restant à faire pour égaler son père dans les négociations commerciales, il lui fallût reprendre la voie maritime mais le monstre aquatique de l'aller, sans doute fatigué de tant de fureur et de tempête, se fit plus clément et la corvée se maquilla d'agrément.
David DURAN profita de cette quiétude de l'instant pour annoncer à son fils la décision prise avant le départ, mais tue devant les femmes de la "djenan" afin d'éviter des larmoiements inutiles, de le confier à son oncle BENJAMIN, responsable du comptoir DURAN à MARSEILLE.
Dans la cité phocéenne, il se familiariserait avec la langue française, indispensable outil de communication et de marchandage au pays de VOLTAIRE et ROUSSEAU. Au contact de son oncle, aîné des DURAN et principal artisan de l'excellente réputation dont jouissait cette Maison dans le grand port marseillais ouvert sur l'AFRIQUE, il acquérait l'indispensable panoplie du parfait commerçant israélite de Méditerranée.
YYY
A SUIVRE.............. 

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