dimanche 4 décembre 2011

MARIE-TOI DANS TA RUE, MON FILS! de Hubert Zakine

(suite)
La nuit cannoise portait en elle, dans ses odeurs et dans ses étoiles,  des relents d’Algérie. Au loin, Cap Matifou semblait avoir traversé la Méditerranée pour coller sa masse brune parsemée de lumières au large du décor. De leur promontoire, les cinq amis contemplaient le paysage en silence, assis sur des bancs de fortune, les doigts de pieds en éventail.
--«  Tu t’rappelles quand on regardait Cap Matifou le soir, on aurait dit ces cartes postales qu’on trouait avec une épingle et qu’on regardait à travers. Aujourd’hui, même si je sais la différence, y me semble être là-bas. »
Sacré Victor qui ne savait jamais respecter les moments de grâce, les instants d’exception que seule l’amitié demeure capable d’offrir.
Ils étaient là, tous les cinq. Comme avant, comme hier, comme toujours. Instant d’éternité dérobé à l’exil, à l’exode, à la dispersion. Il est des minutes où l’arrêt sur image exige le recueillement. Mais Victor, dans sa rusticité et dans son naturel ne mesurait nullement l’impact d’une parole dans ces moments choisis. Ses amis ne le connaissaient que trop bien et l’affection pardonnait tout à cet enfant du Maroc replié très jeune sur la terre d’Algérie.
Le silence rompu, Richard revint à la charge :
--«  Si je comprends bien votre point de vue, en épousant Carmen, si j’épousais Carmen, appuya t-il, je m’excommunie de la religion. Autant dire que j’ai pas d’autre alternative que de casser ou d’être rejeté par la communauté! »
--«  Bardah! Tout de suite, les grands mots; juif tu es, juif tu restes! C’est pas parce que tu déroges à une règle établie depuis 5000 ans qu’on va te recoller le bout de la « tota » seulement, y faut savoir ce que tu veux. T’ch’épouses Carmen, tes enfants, tu montes, tu descends, y sont pas juifs. Et tu sais chez nous, c’est la mère qui donne la religion……… »
--«  Alors, voilà une belle connerie! Pourquoi, y faut que ce soit la mère qui donne la religion? Pourquoi ce serait pas le père puisque l’enfant y porte le nom du père……… »
--« Parce qu’on sait qui c’est la mère, on sait pas qui c’est le père! »
--«  Mais la purée, ça veut dire aussi que la religion elle fait un procès d’intention au couple. On dirait que tous les maris juifs y sont cocus, raïeb et que toutes les femmes juives, elles trompent leurs maris. Amman! Où on va comme çà? Franchement, ce serait pas plus simple que le nom y détermine la religion de l’enfant? Ce serait pas plus simple qu’un Abergel, un Zenouda ou un Trigano y soit reconnu comme juif simplement sur son patronyme? »
--«  A t’écouter, tu voudrais que la religion elle s’adapte à ton cas donc à toi, alors que c’est à toi à t’adapter au judaïsme. C’est comme çà depuis la nuit des temps et c’est une des raisons qu’on est toujours là! » se rebella Paulo.
--« Sans parler de mésalliance, si tu te maries pas dans ta rue, tu te noies dans la multitude et donc tu perds tous tes repères. Ya pas, même si elle a toutes les qualités de la terre, c’est pas une fille pour toi! » trancha Jacky, catégorique.
--«  Oh! La putain, vous avez fini de philosopher! Des filles, on sait plus quoi en faire tellement y’en a ; même qu’elles  nous courent après et toi, rien que tu penses à te marier. Où il est le Richard de Bab El Oued qui draguait tout c’qui bougeait? » se lamenta Roland
--«  R’mar que tch’es! Il est amoureux un point c’est tout! »
A SUIVRE..............

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