vendredi 7 octobre 2011

Lettre de Richard Prasquier, président du CRIF, à Rémy Pfimlin, président directeur général de France Télévisions

Monsieur le Président,
L'émission de la rédaction de France 2, " Un œil sur la Planète" consacrée, le 3 octobre 2011, au conflit israélo-palestinien a entraîné au sein de la communauté juive une intense émotion et une stupéfaction écœurée.

Ceux qui aiment Israël, qu'ils soient Juifs ou qu'ils ne le soient pas, se sont sentis insultés et humiliés. Je vous exprime ici ma colère.

J'ai été élevé dans l'idée du débat et de la pluralité, éventuellement conflictuelle, des opinions. J'ai toujours pensé que le journalisme jouait dans ce cadre républicain un rôle essentiel, sans lequel il n'y a pas de démocratie. Ce rôle consiste à traquer les faits et à les présenter au public de la façon la plus objective et la plus complète possible, sans mélanger commentaires et documents. Cela impose évidemment de s'interdire à sélectionner les documents qui vont dans le sens d'une thèse donnée en mettant de côté ceux qui vont dans le sens d'une thèse opposée.

Ne pas faire cela, c'est faire un travail de militant et non pas de journaliste. Il est compréhensible que des militants expriment leurs choix et leurs préférences politiques: il y a des journaux et des medias pour cela.

En revanche, et particulièrement dans une chaîne publique de votre importance, la recherche de l'objectivité doit être une obligation absolue.

C'est exactement ce que l'équipe qui a produit cette émission n'a pas fait. Elle a présenté, d'un conflit complexe, une image caricaturale et unilatérale. Elle a diffusé une "narration" en sélectionnant les omissions, en distordant les causalités, en ridiculisant l'adversaire, sans éviter les insinuations à la limite des théories conspirationnistes antisémites (le passage scandaleux sur le lobby sioniste aux Etats Unis) : le florilège de la propagande politique la plus grossière y est passé.

L'affaire Al Dura, que France 2 a toujours refusé d'éclaircir, considérant probablement que la solidarité professionnelle est une valeur supérieure à la recherche de la vérité, nous avait au moins fait espérer que des précautions seraient prises pour que des dérives ne se produisent plus de façon aussi patente. Nous avions tort: les mêmes hommes, sous couvert d'information, continuent de régler leurs comptes politiques personnels dans votre chaîne en utilisant votre organe national et prestigieux à l'exposition unique de leurs thèses sans laisser la parole à ceux qui ne pensent pas comme eux.

Je vous demande par cette lettre une rencontre, où nous pourrions discuter de la façon de rétablir la pluralité des opinions à France 2. Il en va de la sensibilité d'une très large portion d'une communauté juive française qui n'admet pas que ses sentiments soient bafoués d'une telle façon par une télévision supposée représenter l'ensemble des citoyens de notre pays.

Je rends cette lettre publique et j'en envoie une copie au CSA.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments très distingués.

Richard Prasquier
Président du CRIF

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