dimanche 9 octobre 2011

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN " SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine N° 5

UNE COULEUR=UN OUVRAGE


La communauté israélite d'EL DJEZAIR se divisait en deux catégories d'activités bien distinctes évoluant dans le vaste champ du commerce et de la finance.

Les notables de la ville, issus des maisons DURAN, COHEN BACRI, BUSNACH, SERROR, AMAR, TABET et COHEN SOLAL, importaient les marchandises d'Europe comme la soie, la quincaillerie, la toile ou les métaux précieux.

Elles les convoyaient vers les territoires dépendant du Dey et au-delà, à leurs risques et périls, face aux innombrables actes de pillage et de brigandage de tribus incontrôlées.

Le profit occultant le danger, quelques caravanes s'aventuraient dans les contrées les plus reculées du pays, semant les graines de futures expéditions sereines sur un territoire enfin pacifié.

Imposées par la Régence, ces familles versaient chaque semaine, à la veille du "Shabbat", une dîme conséquente afin de conserver la " protection" de MUSTAPHA PACHA.

Représentant les royaumes de NAPLES, d'ESPAGNE, de GRANDE BRETAGNE, de GRECE, de HOLLANDE ou, plus modestement, de quelques ports méditerranéens, ces négociants internationaux, bien que se livrant une lutte intestine pour le pouvoir de l'argent, régnaient de concert, sur cet empire ottoman dont le trésor s'affaiblissait inéluctablement.

Ils en tiraient le triple avantage de mériter, en tout premier lieu, la reconnaissance de la régence turque et des nations mandataires, puis de récolter les fruits de transactions souvent difficiles sous forme de monnaies sonnantes et trébuchantes mais, aussi et surtout, de satisfaire MUSTAPHA PACHA, seul habilité à délivrer les ordonnances commerciales.

Contrairement à leurs coreligionnaires dont la condition inhumaine flirtait dangereusement avec l'esclavagisme, cette aristocratie juive jouissait de faveurs exceptionnelles. L'autorisation de s'habiller, indifféremment, à "l'européenne" et à la turque, de ne point s'effacer sur le chemin d'un arabe de même dignité ou de traiter d'égal à égal avec les ottomans qui conservaient, néanmoins, certaines prérogatives, constituaient des privilèges très précieux dans cet univers impitoyable.

Reçus au palais de la "JENINA"  au même titre que les consuls étrangers ou les personnalités civiles et militaires, les notables israélites représentaient une assemblée de conseillers à laquelle la régence prêtait fréquemment une oreille attentive.

Commerçants de génie, usuriers à la solde du Sultan, banquiers du Trésor de la "Course" ou percepteurs de l'impôt sur lequel ils prélevaient une commission, ils étaient, tout à la fois, l'arbre et le fruit, la terre et le blé, l'ange et le démon du pouvoir.

Cette caste aisée qui voyait l'un de ses membres choisi par le Dey D'EL DJEZAIR pour assumer le rôle de Chef de la Nation Juive, n'oubliait jamais la responsabilité qui lui incombait envers la communauté dont elle était issue.

Le "faux pas" des Livournais avait ébranlé l'édifice mais la foi religieuse cimenta les fissures et le pardon fut accordé  scellant, à nouveau, l'alliance israélite.

Responsabilisés par la promesse faite à MUSTAPHA PACHA d'aplanir les différents et de décharger son administration des problèmes "juifs", ces notables pratiquaient avec ferveur la loi de MOÏSE. Aussi, se faisaient-ils  un devoir de verser, lors de chaque fin de "Shabbat", une obole que le Rabbin redistribuait aux plus défavorisés de la "hara" .

A cette tranche aristocratique de la communauté et, dans le même cadre commercial, de multiples petits métiers étaient l'apanage de l'artisanat juif. Les passementiers, les orfèvres d'art, les tailleurs, les brodeurs sur or, les matelassiers, les ébénistes, les cardeurs, les cordonniers s'échelonnaient tout au long de l'artère principale du faubourg BAB AZOUN.                                                          

A la différence près, que contrairement aux grandes familles qui géraient leur propre patrimoine, ces artisans travaillaient pour le compte d'autrui, riches commerçants juifs, arabes ou ottomans, l'acquisition et la possession d'une échoppe, d'un atelier ou d'une maison leur étant strictement interdites

La deuxième activité des israélites relevait des sciences humaines.

Médecin, astronome, mathématicien, théologien, linguiste, rabbin savant ou bien poète, le juif érudit fréquentait l'entourage du pouvoir, du Dey, des Aghas, des Beys ou des Caïds qui désiraient conserver, auprès d'eux, ces détenteurs du savoir.

David DURAN, premier "drogman" de MUSTAPHA PACHA, position très convoitée dans l'EL DJEZAIR de la régence, fut l'une des principales figures de cette société civile et religieuse.

Secrétaire-interprète du Dey, le "drogman" jouissait du respect que lui conférait sa réputation d'éminent savant du verbe, traducteur indispensable du pouvoir ottoman, installé dans un bassin méditerranéen, véritable creuset de mille et un dialectes originaux ou résultant d'une greffe de multiples langages.

A SUIVRE.................

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