Tous les matins, on tape le match de notre vie. Sans Bozambo, Mani, Capo et Bouzouz qui pourraient se taper la grasse matinée, travailler pour se faire un peu de monnaie ou préférer la compagnie d’une naïade de Padovani. Même pas ! Tout simplement que le football, c’est pas leur préoccupation première et surtout que le jonglage et les coups de temeniek, c’est pas leur tasse de thé. En un mot comme en cent, ils sont meilleurs à la belote, à la ronda sauf Mani qui préfère la manille! Mani et manille kif kif bourricot!
Ce matin, l’équipe du jardin Guillemin, elle affronte le Square Nelson. Tout est en place pour que le meilleur gagne mais le garde du jardin y l’entend pas de cette oreille. Au moment où on s’attend le moins, y saute sur le ballon pour nous le taper et y nous invite à le réclamer au poste de police, ce pourri. Seulement, avec son casque colonial et ses dents en argent, y se croit investi (je parle bien quand je suis énervé, hein ?) d’une mission sacrée : nous empêcher de nous amuser. Soudain, tan tan tan, Capo, qui fait partie des spectateurs, il a une idée de génie. (Y a pas à dire, mes amis sont très intelligents) Le garde musulman, il a le béguin pour la fatmah de Capo. Vite, y monte chez lui et redescend avec la jeune fille. Ni une, ni deux, elle le baratine si bien que le garde, badjej comme pas un, y nous rend le ballon d’un geste princier. A savoir ce qu’elle lui a promis mais le garde y nous a plus jamais enquiquiné et on a pu continuer notre match. Même si ce jour là, on a pris une tannée, on était contents de nous, de Capo, de sa fatmah et même du garde municipal.
*****
Le dimanche, on va au cabanon des Horizons Bleus chez ma tante Lisette qu’elle est aussi la sœur à ma mère. C’est l’occasion de se taper une bamboula de première. Zbarlala, on se lève de bon matin pour aller prendre l’autobus rue Borély La Sapie. Ma mère, elle a fait une tonne de cocas pour tous les morfals de la famille. Des cocas à la soubressade, à la tchouktchouka et aux blettes/anchois. Mais attention, pas touche !
--Une seule, manman !
--Même pas la moitié d’une ! Si tch’as faim, prends un carré de sucre !
Zarmah, ma mère elle fait la sévère. Total, une seconde après, elle nous apporte à mes frères et à bibi, une coca chacun. Ma mère, c’est mieux qu’un sucre d’orge !
Dans le trolley, l’expédition et le fou rire y commencent. Zid, qui c’est qui s’arrête de rire ? Paulo, mon frère cadet, il a le nez collé à la vitre. Même s’il veut bouger, il peut pas. On dirait qu’il est un personnage des dessins de Dubout. Jacky, mon frère aîné qu’on surnomme Touffu en raison de son abondante chevelure, comme d’habitude se bidonne. Moi le plus jeune, je me conduis en parote discipliné, je m’esclaffe. Ma mère, veuve à trente six ans, elle rit aussi et ca nous fait un bien immense de la voir rire et vivre comme tout le monde. Les Deux Moulins, la Pointe Pescade et voilà les Horizons Bleus. L’épicier Argento, le café chez Valenza, l’immeuble Millet et la terrasse où on va passer une journée extra-lombem avec la mer à nos pieds. Mes cousins, déjà, ils se tapent le bain alors nous aussi, on enlève le pantalon et aya zoumbo, on tape la pancha. En bas la mer, des filles et des garçons jouent le jeu de la séduction. Nous autres, on est plus simples. Rien qu’un ballon pour taper un match de water-polo, des buts comme s’il en pleuvait et de la rigolade à gogo. Ma tante, après le bain, elle hurle, des fois qu’on l’entende pas, de monter manger. Seulement il nous faut passer à la douche obligatoire (un cousin qui nous balance un gros baquet d’eau censé nous débarrasser du dernier grain de sable !) avant de poser les pieds sur la terrasse. Le repas pris en commun, nos mères qui nous tournent autour comme des mouches à miel, la rigolade à foison, des tranches de vie de la famille à ranger dans nos mémoires algéroises. La pancha bien remplie, les adultes désertent la terrasse les uns après les autres. Les enfants, on se prend une grosse bouée pour taper la sieste. La terrasse commune, même à l’ombre, elle est anéantie de chaleur. Des courageux tapent une belote au ralenti pendant que les femmes elles descendent à la plage pour laver la vaisselle sans savon mais avec la lavette. Que du sable mouillé et de l’huile de coude. Mon ami, quand elles remontent, les assiettes elles brillent comme un sou neuf.
L’après midi, on la met entre parenthèses, le temps de se faire réprimander (voila que je me remets à parler comme Victor Hugo) à cause de nos rires pourtant étouffés. Quand le cabanon se réveille et que nos jambes elles en peuvent plus de rester inactives, on descend se taper le bain de quatre heures. Et comme tout finit par des chansons, la journée, elle se termine par un bal improvisé sur la terrasse où jeunes et moins jeunes se trémoussent jusqu’au moment de monter sur la route pour reprendre l’autobus qui nous ramènera à Alger. Des journées comme ça, on en demande et on en redemande !
A SUIVRE CHAPITRE 12
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire