dimanche 30 mai 2010

TCHALEFS D' UN ENFANT DE BAB EL OUED

LE SCHNAP’S DE LA CASBAH
Cette année là, l’hiver fut très pluvieux. Et quand y pleut à Alger, c’est pas de la rigolade. Tous les jours, le déluge y s’abattait sur la ville. Y suffisait d’aller à l’école, de descendre acheter du pain pour être trempé de la tête aux pieds.
On s’enrhumait pour un oui, pour un non. Y avait pas un chat dans les rues. Ni un chien, ni une sauterelle avec ce temps karse.
Et ce qui devait arriver arriva. La moitié de la ville éternua et l’autre moitié, comme elle disait ma mère, elle tomba dans un lit. Les appartements y sentaient le camphre, les enveloppements d’alcool et les feuilles d’eucalyptus. La ouate thermogène, elle régnait en maitresse absolue dans les foyers de chez nous. Les docteurs y s’en donnaient à cœur joie pour distribuer des piqures et des arrêts de travail.
Pour ma part, je vivais chez ma tante rue Marengo dans la casbah à l’abri de la contagion et de la congestion.
Mes frères, plus malades qu’eux, ça existait pas ! Y toussaient à qui mieux mieux, c’est tout juste si y crachaient pas leurs poumons ; leur température, elle montait mieux que Bahamontès dans la Tourmalet.
Ma mère, la pauvre, elle était devenue la reine des enveloppements. Alors, bien sur, chez ma tante, non seulement j’allais plus à l’école mais en plus, j’étais comme un coq en pate. Bien sur, je m’faisais un p’tit chouïa de mauvais sang comme elle m’avait appris ma mère, la reine du mauvais sang, mais c’était sur, Azrine y venait, je donnais pas ma place pour un empire. ( Tout le monde y dit pour un royaume, alors moi, exprès pour faire mon intéressant je dis empire! J'ai le droit non, c'est mon texte, j'écris c' que je veux, non mais!)
La Casbah, en montée et en descente, elle déversait des trombes d’eau. Elle en profitait pour laver ses rues que d’ordinaire, elles sentaient pas la rose.
Les voisines de ma tante, toujours elles me mettaient les yeux en se pâmant sur ma bonne santé qu’elle résistait à la maladie. Mais, fier comme Artaban, j'en oubliais de mettre le cinq dans leurs yeux de médisance! A force, à force, qu’un jour je me lève avec une tête comme une pastèque. Une gare elle circulait dans mon crane. Ma tante ou ma mère, c’était kif-kif bourricot ! Elle jurait comme toutes les femmes de la famille que par les deux sommités de la Casbah, les docteurs Jaïs et Jonathan. Si y nous envoyaient chez Roubi, la maison de fous d’Alger, nos mères elles préparaient notre valise sans même discuter. Les yeux fermés, elles leur faisaient confiance. Le Docteur Jaïs y demande à ma tante de me donner un petit sucre imbibé de chnapp’s chaque soir avant de dormir. Achno, le chnapp’s, késako ?
--« Une liqueur allemande, » elle me répond ma tante ! Ouais, vous avez bien lu ! Où ma tante, elle va trouver de la liqueur allemande à Alger, dieu seul y le sait !



Mais ma tante, comme ma mère et comme toutes les mères de chez nous, elles cherchent, elles trouvent ! Mes cousins y me prennent pour John Wayne dans le saloon qui tapent whisky sur whisky sans être saoûl, sauf que moi c’est pas du whisky mais de la liqueur allemande. Ba ba ba !
Je tousse comme jamais de ma vie j’ai toussé! Mais le chnapp’s y va arrêter tout ça ! Moi, je me perds en conjecture. Comment ça se fait que ma tante, elle a du chnapp’s chez elle. Elle est pas tchichepoune quand même ! Dans la famille, on connaît même pas le goût de l’anisette, du vin encore moins, comme de n’importe quel alcool d’ailleurs et ma tante, elle serait la seule à posséder dans son buffet du chnapp’s, de la liqueur allemande ! Aouah ! c’est pas catholique cette histoire.
Je suis sceptique. Yen a qui sont antiseptiques, moi je me contente d’être sceptique. Sceptique mais obéissant et quand vient le moment de dormir, elle imbibe un sucre qu’elle met dans une cuillère et drop ninette, je l’avale !
Ce chnapp’s, c’est pire que l’incendie dans ma gorge ! En plus, c’est mauvais, cette liqueur allemande ! Hitler, il a du en boire des litres pour devenir fou comme ça ! Tiassardo Hitler!
Tous les soirs, je prenais mon sucre. Une vraie purge ! N’empêche que le docteur Jaïs y m’a guéri en deux temps, trois mouvements.
Ya pas à dire, les docteurs de la casbah c’étaient des champions du monde même si leur liqueur allemande, une fois rentré chez moi, on m’a dit que c’était de…….l’alcool à bruler. Ouais, de l'alcool à bruler, vous avez bien lu et entendu! Ces docteurs d'Alger, quand même, hein!



FIN

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