Je suis
un pestiféré pour mes tantes Cécile et Irène. Le courant froid du Labrador nous
a séparés. Avant, j’étais un petit mal élevé, à présent, je suis un grand mal
élevé. Pour elles, le Ben Hur des temps modernes, c’est moi. La vallée des
Lépreux m’attend. La vérité, la vérité, je peux faire une croix sur leur affection et bien qu’elles
soient les sœurs de ma mère et de tata Rose, je m’en fiche comme de ma première
barboteuse. Mais en silence. Sans le crier sur les toits. A présent, une tacite
indifférence nous lie.
Chacun sa mère !
--Mais ça les empêchera pas de te
critiquer ?
Roland essaie toujours de faire monter la mayonnaise mais moi,
placide comme l’océan avant la tempête, je rétorque :
--Tu sais ce qu’on dit à Bab El
Oued ? Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre !
Pour preuve de ma désinvolture, j’offre ma main à Roland qui
s’empresse de taper cinq afin de sceller notre complicité.
En fait, je venais de m’apercevoir que je n’avais plus l’âge de
dire Amen aux propos de mes tantes.
Chacun
faisait des projets tandis qu’Alger se déchirait. Ma mère préparait activement
sa réinstallation en Métropole. Moi, mon départ pour Israël. Tata Rose se
chargea d’être mon interprète auprès de sa sœur pour qu’elle accepte mon
engagement sous la bannière israélienne.
Avec des mots choisis, elle roula dans la farine ma mère et ses
résistances.
--Mais tu es bonne toi ! Je ne vais
pas le voir pendant des mois et des mois !
--De toutes manières, que ce soit en
France ou en Israël, son service militaire va l’éloigner de nous.
Chère tata Rose qui, par ce nous,
partageait l’angoisse de ma mère face à mon départ pour l’armée.
--Je sais ma fille mais j’aurais bien aimé
l’avoir près de moi pour me sentir moins seule !
--Et moi, je compte pour du beurre !
On se soutiendra et puis, la vérité, tu ne seras pas fière de le voir endosser
l’uniforme d’Israël ?
--Même s’il portait un saroual, je serais
fière de lui !
--Je t’en prie, montre lui que tu es
contente !
Sans le mauvais œil de mes autres tantes, l’affaire aurait vite
réglée. Seulement, mes tantes avaient décidé de me pourrir la vie. Elles
remontèrent l’inquiétude de ma mère en lui noircissant le tableau.
--Le moindre de ses rhumes te saoulait
d’inquiétude et maintenant, tu le laisses partir où le bon dieu, il a perdu ses
babouches ! La vérité, on te reconnait plus !
C’est tout juste si elles ne conseillèrent pas à ma mère de ne pas
me laisser traverser la rue seul.
Dans la famille Azoulay, le dernier qui avait parlé, emportait la
mise. Aussi, en rentrant le soir, j’eus droit à la leçon familiale.
-- Tu veux que je meure de mauvais sang ?
Mon fils, je t’en supplie, hier encore, je te mettais au monde………….. La vérité,
je préfère que tu fasses l’armée en France et, après, si tu veux partir vivre
en Israël, je te jure que je serais d’accord !
Ma mère jouait de la corde sensible afin de me faire changer
d’avis. Tata Rose la comprenait mais son engagement envers Israël effaçait tous
les obstacles.
--Alors, si tu ne veux être séparé de
Paulo, faisons notre alyah maintenant ! Pourquoi attendre la fin de son
service militaire ……..Surtout que si le grand cornichon ne veut pas de
l’Algérie Française, moi je veux pas de la France sans l’Algérie ! Après
les fêtes, je dirais au directeur de l’Alliance Israélite de venir à la maison
pour te vanter l’alyah.
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