Pour en revenir à
Annie, elle veut encore mais moi, je veux pas d’sa salive. C’est dégueulasse. Ou
alors, on sait pas ! J’vais pas demander à madame Checkler de m’apprendre
à embrasser quand même ! Moi, le grand professeur, je lui fais un cours de
baisers.
--N’ouvre pas la bouche et donne-moi tes
lèvres !
Zarmah, je
sais ! Voilà, c’est pas compliqué
et là, au moins, sa langue, elle se la garde. Ses lèvres, c’est du miel. Voilà,
l’entracte. Je la laisse pour aller voir les amis.
--Putain d’olive que j’vous ai tapé !
--Mais on avait pas l’intention de vous
embêter !
--Va te toucher, va !
Capo y m’prends vraiment
pour un américain, hein !
Victor, il a le don de double vue.
--j’ai vu que tu l’as embrassée !
--Ouais, putain, elle s’est pas arrêtée de
me mollarder dans la bouche.
--Purée, tié dégueulasse.
Je suis retourné
dans la loge où Annie elle m’attendait sage comme une image. Heureusement, que
la salle elle à moitié vide ou pleine, c’est au choix ou sinon, tu vois pas
qu’on rencontre un adulte pour répéter à nos mères. Encore, moi, c’est pas
grave mais Annie, raïben, j’entends d’ici sa mère si elle est une mère pied noir normale.
--Ma fille, elle va finir putaine, si elle
continue. Mais d’où elle tient ce besoin de faire la belle ? Si elle s’arrange
pas, c’est la pension ou le couvent!
C’est vrai qu’elle
a pas hésité pour venir avec moi au cinéma. Une autre, presque j’la demande en
mariage avant qu’elle me dise oui. A savoir si elle est pas un tantinet
dévergondée ? Aouah, elle saurait embrasser si elle avait déjà de
l’expérience. C’est que d’accord, j’aime pas l’école mais je réfléchis, moi.
Purée, j’me prépare une vie de mauvais sang carabinée, moi hein ! Avec les
filles, l’école, le service militaire et sans doute le travail que je dois
trouver pour en faire le moins possible, purée ! Ma mère, elle veut que je
fasse carrière. Carrière de quoi ? Dieu seul y le sait ! Aouah, je veux rester petit. Je veux
apprendre le catéchisme des juifs chez madame Checkler, jouer au foot dans les
rues, m’écorcher les genoux, entrer à ouf au cinéma, jouer à 5/25
et à la toupie, aux noyaux, tous ces jeux que les grands y croient réservés
aux petits, dire tata et tonton, faire des punitions à l’école, ronchonner en
faisant les commissions, embrasser ma mère si fort qu’elle peut pas s’empêcher
de me lancer un arrête, samote et des tas de petits bonheurs
que réserve l’enfance……Et surtout, chanter comme Eddie Constantine : dans la vie faut pas s’en faire, moi, je
n’m’en fais pas, les petites misères seront passagères, tout ça s’arrangera.
Dimanche, l’ASSE
elle rencontre le SCBA en coupe d’Afrique du Nord. Tout Alger y tremble. C’est
que Bel Abbès, c’est pas des manchots. Ces prétentieux d’oranais, ils affirment
que le SCBA, c’est la meilleure équipe d’AFN. Purée, moi y faut que j’compte
mes sous pour me payer une place. J’vais faire l’esclave pour les voisines en
m’tapant leurs commissions et si, j’ai pas assez, je taperais ma tante Félice
qui me donne toujours un franc et un chocolat quand je vais la voir. Si j’étais
méchant comme la galle, je dirais qu’elle achète mon affection mais total, je
l’adore. D’abord, parce qu’elle est la sœur de mon père et ensuite, elle est
d’une douceur infinie. Pour finir, elle ressemble comme deux gouttes d’eau à sa
mère, ma grand-mère que j’ai, à peine connue.
Les supputations
elles vont bon train sur les chances de l’ASSE dans les cafés de Bab El Oued où
le chauvinisme y tient lieu de
respiration.
--Un figue à l’œil, on va les dobzer à ces
bel- abbésiens de malheur !
--Ouais, mais gaffe qui nous tapent pas un
coup de zouzguèfe.
--Aouah, y a Notre Dame d’Afrique qui veille
sur nous. ?
--Elle a que ça à faire de s’occuper de
football.
--Eh, qu’est-ce tu crois, de là-haut, elle
regarde le match. Alors, si elle peut faire un croche-pied à un Oranais, tu
crois qu’elle va se gêner.
--Ouais, surtout que les oranais y vont pas
se gêner pour prier Santa Cruz.
Et toute la
semaine, c’est pareil. Les supporters du Gallia Sport Algérois, y prient pour
que leur grand rival, l’ASSE y prenne
une tléra
carabinée devant les Bel-Abbésiens. Parce qu’il faut pas croire que les
gallistes y se rangent du côté des Saint-Eugènois, que nenni. (j’adore faire zarmah
dans mon langage) Un galliste, ça reste avant tout un ennemi des rouge et blanc
et tant pis pour la solidarité algéroise. Mais attention, ce serait kif-kif
bourricot si le Gallia y rencontrait Bel-Abbès. J’vous dis des ennemis jurés,
les deux ténors du football de la capitale.
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