mardi 9 août 2016

LE COIFFEUR DE BAB EL OUED DE HUBERT ZAKINE (a paraitre)



La demi-journée elle est passée comme un avion à réaction. Malgré mes objections, ma mère, elle a tenu à faire bruler de l’encens pour enlever le mauvais œil et  jeter quelques pièces de monnaie dans les coins du salon pour attirer l’argent selon une ancienne tradition judéo-arabe.

--Et surtout mon fils, tu les ramasses pas pendant un mois.

Elle voulait faire couler du sang de poisson bleu mais j’ai été intransigeant, j’ai dit Basta !

--Manman, le salon, y va puer pendant plusieurs jours !

A qui tu parles ? Bien faire et laisser dire.

Ni une, ni deux, elle ouvre son cabas, elle en sort un ruban rouge qu’elle attache après la selle du cheval censé amadouer les petits récalcitrants.

--Le ruban, c’est pas du sang mais c’est rouge ! Et ça portera chance.

Amman, avec tous ses tours de passe-passe, si je fais pas fortune, je suis bon à jeter à la mer.



Il est midi et les copains y m’invitent à taper l’anisette comme si j’étais un tchitchepoune. Purée, si ma mère elle me voit avec tous les kilos de la Grande Brasserie, elle me fait un carnaval carabiné. La khémia, elle m’attire comme un aimant, pareil que le broumitche de mon oncle. Pour les oublades et les tchelbas. Amman, son mélange de pêcheur y   puait, c’est rien de le dire. Les boules puantes, presqu’elles sentent la rose à côté ! Mais, attention, hein, les poissons y battaient le record du monde pour se le morfaler.

Je tape la blanche anisette juste pour faire plaisir aux amis. Quelques tramousses et vite, je rentre à la maison où ma mère elle va se vexer si je dévore pas sa salade de poivrons et sa loubia que, ma parole d’honneur, elle est la meilleure du monde et des alentours. Les chicaneurs je les entends d’ici.

--C’est ma mère à moi, la meilleure cuisinière ! Lance un premier babao.

--Tu rigoles, tch’as déjà goûté la paëlla de ma mère ? Riposte un deuxième babao.

--Je me marre, tu as même pas besoin de goûter celle de ma mère, rien que tu la sens,  tu grossis ! Se glorifie un troisième plus babao encore que les deux autres.

Pour un enfant, on monte, on descend, la cuisine de la mère c’est toujours la meilleure du monde. Même si elle est brûlée !



--Alors, mon fils, tu as bien travaillé ! Et avant que j’aie répondu, elle me tend ma chaise.

--Assieds-toi, mon fils ! Tu vas manger et, après, tu te reposeras sur la chaise longue !

Pour ma mère, j’ai toujours huit ans. Presqu’elle me donne des fortifiants et j’ai beau lui dire : manman j’ai plus dix ans, inlassablement, elle me répond :

--Et alors, tu es plus mon fils parce que tu es grand ! Pour une mère de chez nous, y a pas d’âge ! Tu seras toujours mon bébé !

--Manman !

--Qu’est-ce tu veux que je fasse comme ces souèdes qu’elles abandonnent leurs petits pour aller faire la vie ?

--Allez calme-toi ! Moi, je veux rien !

--Quand tu auras une femme, je lui passerais le relais mais, regarde-moi, si elle te rend pas heureux, je lui arrache les yeux ! Préviens-la, hein !

Elle est comme ça, ma mère ! Heureusement, je prends tout mon temps pour trouver chaussure à mon pied parce que ce jour-là,  elle va passer  aux rayons X.

--Est-ce qu’elle est juive ?........ Elle sait faire la cuisine, le ménage, le repassage, tenir une maison ?........ Sa famille, c’est une famille bien comme il faut ?......... C’est pas une souède au moins ?

--Manman ! C’est pas demain la veille que je marie ! Tu peux dormir tranquille.


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